Il y a quelques mois, ma première surprise fut d’apprendre que Martha Reeves était toujours de ce monde. Mieux encore : elle s’apprêtait à donner un concert au New Morning, au mois de mai. Un événement immanquable, donc. Après m’être renseigné, je découvrais que l’ex-star Motown n’avait jamais mis un terme à ses tournées américaines et européennes… À quand remonte sa dernière date parisienne ? Aucune idée. Celles-ci sont bien trop rares pour s’en souvenir. Mais à 72 ans, Martha carbure au whiskey et continue à offrir de surprenantes prestations à des fans qui, contrairement au label lui-même, n’ont pas oublié que leur idole incarne à elle seule une bonne partie de l’histoire de la Motown.
Née en 1941, Martha Reeves, repérée par le Funk Brother William « Mickey » Stevensson, passa par le secrétariat de Motown Records avant de rejoindre un groupe (parmi d’autres) de backing vocals. Aux côtés d’Annette Beard, Roseline Ashford et Gloria Williams, elle assure les harmonies vocales du premier hit de Marvin Gaye : « Stubborn Kind Fellow ». Rapidement, le quartet se réduit en un trio et prend le nom de Martha & the Vandellas avant de signer un contrat pour Gordy Records — succursale créée par le président de la Motown himself. Le succès arrive en 1964 avec « Come and Get These Memories », produit par le brillant trio Holland/Dozier/Holland, puis le single « (Love is Like a) Heat Wave » qui dépasse le million de ventes. Mais Martha Reeves & The Vandellas atteignent l’acmé de leur carrière en interprétant « Dancing in the Streets », titre atteignant la seconde position du « Hot 100 » des charts Billboard et traversant l’Atlantique pour rencontrer un imposant succès en Grande-Bretagne. Jusqu’en 1967, le trio enchaîne les tubes avant un déclin inébranlable et une dissolution du groupe en 1972. Voici pour le topo historique…
Mais revenons à notre live du New Morning. En cette soirée du 7 mai, Martha s’est affichée sans ses Vandellas (de fait les harmonies vocales manquaient), entourée d’une solide section rythmique et d’un quartet de cuivres pas franchement convaincant — surtout d’un point de vue scénique. Pas la peine de se mentir : à 72 ans, la voix de Martha est hors-service et gravite étrangement dans les aigus sans jamais véritablement atteindre les notes visées. Mais personne ici ne s’attendait à une performance vocale : tout l’intérêt était de (re)découvrir, « pour de vrai », l’une des figures les plus importantes de la soul music en se projetant cinquante ans dans le passé. Son implacable énergie, son humour, son autodérision et son amour profond de la scène ont rendu ce show (de presque de deux heures) admirable et parfaitement réjouissant. Un concert qui, bien évidemment, s’est clôturé sur l’excellent « Dancing in the Street ».
LM
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