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Dès l’entrée de jeu ça déménage. Pas de partitions : les quatre gaillards connaissent leur Monk par cœur !

Sur le second thème, « Evidence », c’est Elangué qui s’élance seul pour un stop chorus de ténor où il fouaille les harmonies avant de lancer les premières notes du thème où la rythmique le rejoint avant que Tixier se lance dans un solo tout en nuances ou les arpèges succèdent aux accords plaqués avec force.

Sur un tel répertoire il est possible de tout faire sauf tenter d’imiter Monk au piano. En effet si le jeu de l’ermite harlémite est inimitable ses compositions restent d’extraordinaires véhicules pour l’improvisation thématique ou libre. Pas d’arrangements fignolés ici, on explore un terrain de jeu et Elangué s’en donne à cœur joie, triturant son ténor d’où il tire des notes inouïes en déambulant sur la scène et en levant son instrument vers le ciel comme un Rollins. Sur “Bright Mississipi” c’est Tixier qui lance un petit motif répétitif sur lequel Elangué joue des fioritures avant de poser le thème. Un thème très rythmique et d’une simplicité mélodique confondante, comme souvent chez Monk. Le solo d’Elangué est d’une fluidité remarquable, tout en finesse avant de terminer staccato et de passer le relai à Tixier qui brode d’exquises variations sur les harmonies. Son solo est d’une construction remarquable, alternant les ostinatos rythmiques et les envolées mélodiques. Quand Elangué reprend, c’est en trio sans le piano puis en duo avec la seule batterie qui lui fournit un soutien puissant et dynamique. Là encore plane l’ombre du fameux duo de Sonny Rollins et Philly Joe Jones.

C’est de nouveau en stop chorus qu’Elangué commence le morceau suivant : sons filés, exploration de la tessiture du ténor, motifs répétitifs qui débouchent sur un majestueux « Pannonica ». Le solo de Tixier est ici une petite merveille d’inventivité mélodique et Elangué y ajoute un contrepoint discret et délectable avant d’entamer un solo qui, lui aussi, caresse la mélodie.

« Nutty » est dédié à Tom McLung, magnifique pianiste aujourd’hui décédé et qui fut un compagnon de route d’Elangué. Pas de nostalgie ni de tristesse : le thème est enjoué et les quatre musiciens s’en emparent à bras le corps avant que le ténor et le piano ne se lancent dans un joyeux échange à deux voix qui tient lieu de double solo.

Ces deux -là ont l’art de ménager des surprises sur un répertoire déjà arpenté par nombre de musiciens mais sur lequel il reste toujours quelque chose à apporter tant sa richesse mélodique et harmonique est grande.

Le morceau suivant est une folle chevauchée sur les harmonies et c’est Tixier qui mène la danse, explorant son clavier d’une main droite alerte tandis que la gauche ponctue le déboulé d’accords toniques. Puis Elangué s’élance à son tour en un solo habité qui fait monter la tension, soutenu par une rythmique de premier ordre.

On est là clairement dans un jazz intemporel où des compos vieilles de plus d’un demi-siècle servent de véhicule à des improvisateurs d’aujourd’hui qui les revisitent dans une optique totalement contemporaine. Le solo de batterie qui suit l’impro d’Elangué le confirme en puissance polyrythmique.

« Pannonica » en duo sax/piano est ensuite énoncé note pour note avant que ne débute un chassé-croisé mélodique et harmonique sur le thème dont les deux partenaires ne s’éloignent jamais beaucoup tant la richesse de la mélodie incite à la suivre. Mais quand Tixier se lance dans des variations d’une variété rythmique renversante le ténor se tait momentanément avant que le dialogue ne reprenne dans une allure placide ponctuée de trilles du piano dans l’aigu.

Et le concert se termine dans les hurlements suraigus du sax qui se déchaine avant la batterie. Puis c’est le retour au thème et à la sérénité d’un concert riche en contrastes.

Musiciens :

Jean-Jacques Elangué : saxophone ténor

Tony Tixier : piano

Duylinh N’guyên : contrebasse

Olivier Robin : batterie

 

©Photos  C-cil 

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