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Roger Kasparian a photographié dans les années 60 les stars de la pop, du rock, du jazz et de la chanson française : des Beatles à Johnny Hallyday, des Rolling Stones à Serge Gainsbourg, et de John Coltrane à Marianne Faithful, une exposition au Jazz Club Etoile à Paris présente une sélection des clichés, en noir et blanc ou en couleur, que photographe réalisait à l’époque pour les magazines de jeunes et les maisons de disques. 

Ex-fans des Sixties, réjouissez-vous : vous allez découvrir des photos sublimes de vos stars préférées, qui ne circulaient plus depuis… un demi-siècle ! Car si les photographies de Roger Kasparian étaient publiées dans les années 60 par des magazines tels que Salut les copains, Mademoiselle Âge Tendre, Bonjour les amis ou Rock & Folk, ou bien encore illustraient des pochettes de 33 tours ou de 45 tours, le photographe, né en 1938 et qui était donc de la même génération que ses sujets, a cessé sa sympathique activité de photographe de vedettes dans la décennie 70. La raison ? « Ça ne me permettait pas de vivre… », nous a t-il confié (les lecteurs photographes indépendants comprendront…). Une fois marié et père de famille, Roger Kasparian décide donc, sagement, de reprendre le studio photo de son père, à Montreuil. Et il cesse de courir les concerts et les tarmacs d’aéroports pour chasser la vedette…

Et c’est le pur hasard qui a permis de ressusciter ces milliers de clichés : en 2011, la rencontre avec un collectionneur de disques vinyls, à qui Kasparian vient proposer quelques-uns de ses 33 tours, en lui disant au passage que c’est lui-même qui a fait la photo de telle et telle pochette… Intrigué, ce collectionneur – Alexandre Stanisavljevic, qui tient aujourd’hui la boutique MOOD au Pré-Saint-Gervais – demande à voir ses autres clichés, et lorsque le photographe revient peu après avec une boîte en cartons marquée d’une étiquette « jazz », et emplie de photographies en noir et blanc de John Coltrane, Thelonious Monk, Duke Ellington, Louis Armstrong, Art Blakey et d’autres géants, le spécialiste des Sixties n’en revient pas ! Cet épisode est raconté notamment dans l’excellent documentaire réalisé par Philippe Manoeuvre et Jean-Marc Gosse sur le photographe, et diffusé pendant l’exposition.

Grâce à Stanisavljevic une première exposition des photographies de Kasparian est organisée à Londres, à la Snap Gallery, en 2013 : le début d’une renaissance pour l’artiste, à l’âge de 75 ans ! Quelques autres expositions suivront, mais l’exposition au Jazz Club Étoile est le premier événement de taille dans la capitale – là même où la plupart de ces clichés furent pris. Françoise Hardy en vraie « étoile », un halo de lumière encerclant sa chevelure ; les Rolling Stones attendant sur un banc à l’aéroport du Bourget dans l’indifférence générale, car encore peu connus du grand public ; les Beatles sagement vêtus de costumes-cravate pour leur premier concert à Paris ; Serge Gainsbourg à son piano chez lui, jeune et déjà follement dandy ; Johnny en couleurs, le regard rêveur et le visage d’ange qui fait craquer les filles…

Le génie de Kasparian est d’avoir su saisir ces vedettes dans leur intimité, comme s’il était leur ami. Car outre son don de reporter – savoir être à l’aéroport le jour de l’arrivée des Stones à Paris, ou dans les coulisses lors du premier concert des Beatles à Paris, Kasparian était un portraitiste hors-pair, qui, pour approcher ses sujets au plus près de leur réalité, travaillait en passant une journée entière à leur côté, pour les immortaliser dans leurs activités les plus quotidiennes – celles qui reflètent une personnalité, derrière le visage public d’une « star »…

Lors du vernissage de l’exposition, jeudi 2 décembre à Paris, le photographe était presque invisible : non pas entouré d’une nuée d’admirateurs, mais, discret, bavardant avec les uns ou les autres, et parfois – son appareil toujours en main – s’arrêtant pour saisir avec son objectif un visage, un groupe d’amis, un sourire… Ses filles, et ses petites-filles, qui font toujours vivre le studio photographie de l’ancêtre-fondateur, devenu lieu d’expositions à Montreuil, se baladaient aussi, leur appareil photo autour du cou…  

Roger Kasparian : un père photographe rescapé du génocide… 

« Mon père, Varastade Kasparian, est né en Arménie en 1916 : ses parents ont été assassinés pendant le génocide quand il avait 4 ans, et lui, on lui avait entaillé le côté de la poitrine, et on l’avait laissé pour mort…  Mais il a survécu, et a été mis dans un orphelinat, à Istanbul. Un jour, un riche Américain d’origine arménienne, Howard Karagheusian est venu, il a pris en charge 80 enfants et les a emmenés dans un château, près de Blois, pour les éduquer et leur apprendre un métier. C’est là que mon père a appris la photographie. Il a ouvert un studio à Montreuil, et je l’aidais quand j’étais adolescent : nous faisions des photos d’identité, des portraits, des mariages… Et j’ai repris cette activité après lui… » 

Propos recueillis par N. K-D

Exposition « Roger Kasparian, l’oeil des Sixties », jusqu’au 2 mars 2022, Jazz Club Étoile, Hôtel Méridien, 81 bd Gouvion-Saint-Cyr, 75017 Paris 

Voir quelques photos : https://rogerkasparian.com/images

À voir en vod si vous ne pouvez venir à l’exposition : un merveilleux documentaire, « Roger Kasparian, l’oeil des sixties », réalisé par Philippe Manoeuvre et Jean-Marc Gosse, Morgane Productions, 2014. 

Fondation Karagheusian : www.thkcc.org 

©Photo Couv et Header Roger Kasparian

 

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