

Cet album est précieux à plus d’un titre, s’inscrivant dans un improbable alignement des planètes, celles de Claude Carrière, de Meredith d’Ambrosio et de Frédéric Loiseau.
C’est Claude Carrière, pianiste et homme de radio, grand amoureux et ami de pianistes-songwriters –Bob Dorough, Blossom Dearie, Jon Hendricks, Mimi Perrin, Shirley Horn, Mose Allison, Barbara Carroll, Meredith d’Ambrosio … (qu’il programma régulièrement pendant plus de 25 ans à partir de janvier 1982 dans son Jazz-Club, sur France Musique) qui mit Frédéric Loiseau et Meredith d’Ambrosio en contact, et du haut de son petit nuage, il doit bien se délecter à l’écoute de cette musique dont il est en partie à l’origine !
Meredith d’Ambrosio a mené de front deux carrières, l’une dans les arts visuels (formée à l’École du Musée des beaux-arts de Boston), l’autre dans la musique, pianiste et chanteuse débutant à l’âge de 17 ans au sein du groupe du pianiste Roger Kellaway.
Voici un extrait d’une série d’entretiens accordés à Marc Myers pour son JazzWax le 18 septembre 2009, où elle revenait sur le processus créatif, ses tentatives pour surmonter sa timidité, sa rencontre avec Miles Davis, son amitié avec Horace Silver et la façon dont elle avait rencontré son mari Eddie Higgins :
JazzWax : À quoi pensez-vous lorsque vous enregistrez ?
Meredith d’Ambrosio : J’essaie de faire en sorte que tout soit parfait. Je fais rarement plus de deux prises. Parfois, je reste bloquée sur un morceau et cela prend un certain temps. Mais je veux que l’innocence, la vulnérabilité ou la crudité initiales qui apparaissent la première fois soient préservées.
JW : Pensez-vous davantage aux paroles ou à la musique ?
Md’A : Je réfléchis à ce que signifient les mots, mais je fonctionne plutôt en musicienne. Je me laisse emporter par la musique que j’entends quand je chante. Cette musique est très importante. Comme quand le pianiste Lee Musiker joue derrière moi. Ou Don Sickler et le reste du groupe sur mon dernier album. Je ne suis pas une chanteuse traditionnelle.
JW : Vous n’êtes pas chanteuse ?
Md’A : Pas dans le sens habituel du terme. Je pense seulement de l’intérieur. Je ne pense pas à ce que je veux dire. Je suis déjà moi-même. Tout ce dont j’ai à me soucier, c’est de ne pas respirer aux mauvais endroits. Respirer au milieu d’une phrase, c’est interdit. Je pense donc toujours au phrasé et à la façon de le découper pour qu’il soit fluide.-
JW : Qu’est-ce qui vient en premier lorsque vous écrivez, la mélodie ou les paroles ?
Md’A : Quand j’ai commencé à enregistrer, j’ai compris que je ne devais pas couper mes phrases. Mes mots s’enroulent donc autour de la musique. Quand j’écris une chanson, la musique vient en premier. Chaque note de mélodie dicte ce que devrait être le mot, toute l’histoire de la chanson, la phrase, la poésie. Je me perds dans la mélodie et l’accord.
Meredith apparaît dans au moins deux ‘’Jazz Club’’ de Claude Carrière, l’un en 1993 avec son époux Eddie Higgins (piano), l’autre le 12 novembre 1987, avec Patrice Caratini : (contrebasse) :
On ne présente plus Frédéric Loiseau, guitariste recherché, au jeu subtil, formé au Guitar Institute of Technology de Los Angeles, au contact de guitaristes historiques, Joe Pass, Joe Diorio (rien moins !) …
Avant son retour dans l’hexagone à la fin des années 80 où, à côté d’une intense activité pédagogique (il enseigne au Centre des Musiques Didier Lockwood, dans plusieurs conservatoires et anime des stages d’initiation au jazz pour musiciens classiques) il peaufine ses compagnonnages avec une pléthore de musiciens classiques et de jazz : Dave Liebman, John Abercrombie, Carl Schroeder, le collectif PEE BEE, Claude Carrière, Benoit Sourisse et André Charlier, Sheila Jordan, Natalie Dessay, Laurent Naouri, Guillaume de Chassy, Thomas Savy, Bob Dorough, Sara Lazarus, Daniel Yvinec, Emmanuel Bex, Giovanni Mirabassi …
La liste est trop longue de ceux qui ont identifié et adopté le son unique de ‘’Fred l’Oiseau’’, son élégance, sa présence en même temps que sa discrétion, à l’origine de cette petite sensation d’amputation, ressentie la dernière note éteinte… Addictif !
Que vous dire de plus, sinon que tous deux ont communiqué régulièrement par-dessus l’Atlantique jusqu’à élaborer ce projet autour d’un répertoire associant composition originale « Beaucoup Kisses », quelques pépites du Great American Songbook, (Irving Berlin, Richard Rogers), de Duke Ellington (clin d’œil à Claude), Bill Evans, Joe Zawinul…
Le tout fut enregistré au coin du feu, au domicile bostonien de Meredith, avec l’accompagnement précieux du pianiste Paul McWilliams et l’assistance de François Zalacain, producteur historique de Meredith et ami de Claude Carrière : un sommet de sensibilité vocale et instrumentale.
… Indispensable !!!
PS/Les hasards de l’édition font que l’album parait le jour anniversaire de la naissance de Claude (14 mars 1939) … c’était inéluctable !
Musiciens :
Meredith d’Ambrosio : voix
Frédéric Loiseau : guitare
Paul S McWilliams : piano
Midnight Mood est une production du label Sunnyside Records – parution le 14 mars 2025.
Midnight Mood est un « Hit Couleurs Jazz » en « Selection » sur Couleurs Jazz Radio.
©peinture couv. Meredith d’Ambrosio.
Quelques références discographiques suggérées par Frédéric Loiseau :
« Red Shoes » avec Carl Schroeder (2007).
Avec Benoit Sourisse (orgue) et André Charlier (batterie), « Smile » (2014), ’’ D’Instant en Instant’’(2022).
Avec le Chamber Jazz Quintet de Claude Carrière (piano),
« Looking Back » (2010) et « For All We Know » (2013).
En duo avec Laurent Naouri « En Sourdine » (2020).
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