Dans un ordre relatif : Mircea Tiberian/Toma Dimitriu « The Pale Dot »
Paru fin 2015 chez Fiver House Records, l’album The Pale Dot a été enregistré à l’Université Nationale de Musique de Bucarest en une seule journée.
Mircea Tiberian, figure majeure du jazz roumain contemporain a choisi, à moins qu’il n’ait été lui-même choisi, comme partenaire pour cet album, par le plus jeune pianiste Toma Dimitriu. Au premier abord, The Pale Dot peut s’envisager comme une collaboration entre maître et disciple. Mais les choses sont différentes : les 9 morceaux de l’album sont des interactions musicales qui se déroulent sur un même niveau, entre deux pianistes expérimentés aux discours bien articulés.
Ce qui peut être facilement saisissable, concernant les pieces de l’album, c’est l’absence de tout affolement accidentel, l’absence de virtuosité excessive. La musique, à tous moments reste cohérente et possède sa propre logique intérieure qui dépasse l’exactitude des progressions harmoniques du blues, de l’habanera, ou bien les allusions à la « walking bass » ou à la technique free jazz. Une raison majeure à cela est la manière dont les morceaux ont été conçus (la majorité sont des créations de Mircea Tiberian, deux de Toma Dimitriu et les deux restantes étant des créations communes). Les qualités d’interprète et de compositeur de Tiberian étant partagées par Dimitriu, le produit artistique final est dépourvu du recours (dépendence finalement) aux lieux-communs de la pratique du jazz qui pourraient lui conférer un charme superficiel. Au contraire, ici, les idées suivent leur chemin naturel.
Au-delà de l’homogénéité stylistique et de l’unité conceptuelle qui se révèlent tout au long de l’album, les deux musiciens forment ensemble, au niveau interprétatif, une équipe sans faille. Malgré les niveaux d’experience differents des deux musiciens, il est pourtant très difficile de le discerner dans leurs moments de solos. Dans The Pale Dot, nombreux sont les moments où il nous semble que nous n’écoutons pas deux, mais un seul artiste. Bien que nous puissions accuser les deux pianists d’un manque d’individualisme, le sentiment d’unité du produit fini l’emporte.
Mircea Tiberian, artiste qui possède plusieurs registres stylistiques, se détache ici de l’audace des exercices expérimentaux qui caractérisent une bonne partie de ses albums récents pour se consacrer ici à l’exploration de sphères harmoniques et mélodiques plus conventionelles. C’est la raison pour laquelle la qualité de cet album se trouve précisément dans la mise en forme d’une individualité très forte à l’intérieur d’un langage apparemment épuisé. Pour parachever cette performance, les deux musiciens ont su réduire et essentialiser les nombreuses structures du jazz classic (mélodique, harmonique ou rythmique). Sur cette base Tiberian and Dimitriu ont discrètement agencé leurs interventions créatives, le résultat final offrant un produit original, bien proportionné et parfaitement articulé.
Texte traduit et adapté par Calin Ganea
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