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Le saxophone ténor a longtemps été un instrument essentiellement masculin.

De Coleman Hawkins (baptisé « père du ténor » suite à son enregistrement historique de  « Body and Soul » en 1939) au Norvégien Marius Neset ou à l’Etatsunien James Brandon Lewis en passant par les ténors « velus » des années 40/50, par Johnny Griffin, Sonny Rollins, John Coltrane, Archie Shepp, Michael Brecker, Chris Potter…, il a souvent été le symbole d’une virtuosité qu’on pourrait qualifier de « musculaire » ou « musculeuse » et ce sont des saxophonistes héritiers de Lester Young, tels que Stan Getz, Wayne Shorter, Joe Henderson ou plus tard Joe Lovano ou Mark Turner qui ont adopté une approche où il s’agissait moins  de montrer ses biceps que de cultiver une musicalité plus douce, moins « virile ».

C’est dans cette mouvance que sont apparues, depuis quelques décennies maintenant, des saxophonistes ténor femmes : Lotte Anker au Danemark, l’Allemande Ingrid Laubrock (aujourd’hui établie à NYC) dans un idiome assez free, Hanna Paulsberg en Norvège et, chez nous, Sophie Alour, Jeanne Michard et Virginie Daïdé.

Celle-ci a choisi, pour ce nouvel enregistrement, de conserver la même équipe que celle de son précédent « Moods » (chroniqué ici même voici quelques mois) : un trio de premier ordre qui lui va comme un gant… de velours.

En effet, que ce soit le pianiste Nicolas Dri, le bassiste Thomas Posner ou Tony Rabeson (le sémillant vétéran du quartet, qu’on ne présente plus) à la batterie — auxquels elle a confié une composition chacun, le reste du répertoire étant de sa plume — les trois sidemen de Virginie Daïdé  sont totalement dévoués à une esthétique à la fois tendre et charnue, fluide et roborative qui respire la joie de jouer et donne à l’auditeur une irrépressible envie de danser, de jubiler, de faire connaître cette musique à son entourage.

Et le titre du présent CD « While We’re Strollin’ » qu’on peut traduire pas « tandis qu’on se balade » correspond bien à une belle promenade dans des paysages sonores contrastés et enchanteurs, et ce n’est pas un hasard si c’est dans le studio Recall de l’excellent Philippe Gaillot à Pompignan (Gard), au milieu des garrigues, que cet opus a été enregistré. 

A l’heure où l’hiver, en France, est plutôt frisquet et gris, voilà une source de chaleur et de réjouissance qui fera revenir le soleil dans vos oreilles pour une somme modique et sans augmenter votre empreinte carbone, que vous habitiez une passoire thermique ou une luxueuse demeure loin de Los Angeles où celles des stars partent en fumée, ce dont — franchement ­— on se contrefout parce qu’on est plus sensible à ce que vivent les habitants de Gaza, du Sud Liban, du Soudan ou de Mayotte dont les maisons ont été détruites par la guerre ou par un ouragan.

Et si Virginie Daïdé assume ici davantage son rôle de compositrice, c’est que ses talents dans ce domaine ont sensiblement progressé au fil des enregistrements et qu’elle peut s’affirmer en tant que saxophoniste au jeu à la fois innovateur et pétri d’une tradition qu’elle prolonge intelligemment et sensiblement, et en tant qu’autrice de thèmes qui sonnent souvent comme des standards aux structures harmoniques solidement charpentées et aux mélodies d’une beauté sereine ou chaloupée.

Bravo, donc, à une musicienne et à ses comparses avec qui il faudra désormais compter dans la jazzosphère hexagonale, où elle occupe une place de choix.

Musiciens :

Virginie  Daïdé : saxophone ténor et soprano

Nicolas Dri : piano

Thomas Posner : contrebasse

Tony Rabeson : batterie

While We’re Strollin’  est produit par le label, « Du savon dans les yeux ». Sa date de sortie est le 7 février 2025.

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