Le dernier album de Samy Thiebault, sorti cette semaine sous son propre label, Gaya Music, marque un virage important dans la carrière du génial saxophoniste-compositeur.
On dit que les voyages forment la jeunesse… C’est sans doute vrai.
En tout cas, même pour les quarantenaires, stade récemment atteint par l’artiste, les voyages permettent souvent de se ressourcer.
Caribbean Stories n’est pas un album de plus (le septième déjà) mais un album différent.
Nous avions déjà dit tout le bien que nous pensions de ce musicien, leader, à l’occasion de ses précédentes créations.
A l’écoute jubilatoire de chacun des 10 titres de Caribbean Stories, on comprend qu’il ne s’agit pas d’une simple inspiration de ces musiques latino-américaines, antillaises, cubaines, mais d’une assimilation, une parfaite compréhension de ce qui en fait l’essence même.
Le Jazz est la façon de jouer toutes sortes de musiques ; la démonstration est ici tellement spectaculaire ! Samy Thiebault a tout compris.
Il dit avoir subi un choc émotionnel en visitant le Venezuela, en rencontrant ces musiciens d’el sistema. Je me souviens l’avoir entendu il y a quelques années juste rentré de ce premier voyage important, enthousiasmé par ces musiques et par les artistes rencontrés. Puis il retourna dans différents pays des Caraïbes pour revenir à chaque fois à Paris, empli de fortes émotions, les idées neuves.
Aussi, le désir de cet album se forgea de manière plus précise. Il sut alors réunir une dream team de premier ordre avec le percussionniste Cubain, Inor Sotolongo, le batteur Antillais Arnaud Dolmen, le contrebassiste Cubain, Felipe Cabrera. Ainsi la rythmique était assurée. Car on ne plaisante pas avec les rythmes latinos et Caribéens ! Ça peut, s’apprendre, mais il est recommandé d’être né dedans…
Après, quand l’on invite à vous rejoindre des guitaristes comme Hugo Lippi et Ralph Lavital, alors on sait que les arrangements, les couleurs seront forcément brillantes et fluides. Restait à ajouter un joli son bien cuivré, et c’est un des trombonistes les plus demandés de la scène Jazz, Fidel Fourneyron qui fut en charge.
Samy Thiebault au Saxophone ténor et à la flûte alto n’a plus qu’à proposer sa flamme et ses propres compositions, à part une reprise et une variation sur un thème traditionnel Vénézuélien « Pajarillo Verde ».
Dès le premier morceau « Santeria », le solo d’ouverture au saxophone, qui précède l’entrée en piste de la rythmique signe ce qui va suivre. Un modèle d’équilibre, de justesse et d’émotions… On ne peut qu’ondoyer en se laissant porter.
Conseil : à repasser en boucle pour saisir toutes les nuances : écoutez entre autres les notes magiques qui sortent de la guitare d’Hugo Lippi…
Et tous les morceaux se succèdent comme les pages des beaux livres de notre enfance.
Bon voyage.
Le livret de cette édition soignée, s’ouvre sur un texte de cette poète, fine connaisseuse du jazz et des musiques Caribéennes, Garde des Sceaux et ministre de la justice de 2012 à 2016, Christiane Taubira.
« C’est une traversée. Pas à fond de cale. A fond de train parfois, Pourtant, elle commence tout en douceur. Comme pour apprivoiser les vents du large. Les notes du large. Si loin, si proche. C’est la magie de la Santería cubaine, du candomblé brésilien comme du vodûn haïtien ou béninois : entremêler l’ici et l’ailleurs. Ces « Caribbean Stories » sont autant d’histoires enfantées par l’Histoire au temps du Grand Chambardement. Selon toute vraisemblance, Samy Thiébault a perçu la plasticité de ces musiques. Elles varient. Elles crient rarement, elles soignent leurs racines géographiques autant qu’elles entretiennent leurs branches culturelles, bien moins cependant qu’elles ne témoignent des coups et des soubresauts qui les ont fait naître, du gouffre dont elles viennent, du bord de gouffre qu’elles ont assidument fréquenté, à leur corps défendant. Du chaos qui leur a donné substance. Et d’une sérénité grondante. »
Tout est dit ou presque…
On sent à l’écoute de ce superbe album, à quel point cette musique tient à cœur, à Samy Thiebault. Car il en a parfaitement saisi le sens. . Quelle élégance dans les arrangements et l’interprétation pour ne pas tomber dans les clichés mais au contraire diffuser ces notes, ces mélodies avec ses rythmes propres, avec autant de finesse.
Jubilatoire est le mot qui me vient à l’esprit, lorsque j’entends les solos aux phrasés chaloupant du saxophone ou de la flûte.
Caribbean Stories est incontestablement l’une des plus gaies et des meilleures nouvelles de cette rentrée.
Sortie officielle dans les bacs, le 21 septembre.
Le Concert de Sortie, le 15 novembre, est prévu au Café de la Danse (qui portera encore mieux son nom ce jour-là). Et en avant-première, nous vous annonçons en levé de rideau, un musicien non moins exceptionnel : le virtuose cuatriste Vénézuélien, Léo Rondon.
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