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Le nid d’abeille tout en rondeurs, en bois blond et velours rouge, de l’Auditorium de la Seine Musicale accueillait cette année, la traditionnelle cérémonie de remise des prix de l’Académie du Jazz, ainsi que le concert hommage à Michel Petrucciani.

Ce rendez-vous annuel de début d’année est le moment phare pour les académiciens, les musiciens et les passionnés de jazz.

L’exercice qui consiste à choisir parmi des centaines de formidables musiciens, instrumentistes virtuoses, compositeurs, improvisateurs hors pairs est délicat. Chaque nouvelle édition nous le prouve.

Samuel Blaser reçoit son Prix des mains de Son Excellence Monsieur Bernardino Regazzoni, ambassadeur de Suisse en France.

En bons œnologues de la chose du jazz, nous pouvons dès maintenant annoncer que 2018 fut encore un excellent cru, à déguster dès maintenant : le jazz cette musique savante et populaire et pourtant trop peu diffusée possède un vrai réservoir de talents !

Dans la playlist que Couleurs Jazz assume sous sa seule responsabilité, nous avons voulu traiter à part égale les lauréats, comme les nominés. Et à l’écoute, nul ne saurait nous le reprocher (vos commentaires sont les bienvenus) … Jugez plutôt un peu plus bas.

Car en effet, il est plus facile de déterminer les 3 gagnants d’un 100 mètres plat ou en piscine… Même si les écarts sont trè faibles. Les 3 premiers, même si ils sont séparés de quelques pouièmes de secondes, sont finalement faciles à classer dans l’ordre d’arrivée. (photo finish oblige parfois)

NB : Le collège électoral de l’Académie du Jazz compte une soixantaine d’académiciens, qui sont autant de références reconnnues pour leur connaissance du jazz. La plupart sont journalistes.

A l’inverse d’autres prix décernés dans la musique et largement médiatisés, ne peuvent en faire partie, les professionnels : producteurs, éditeurs, attachés de presse, agents, tourneurs, et toutes les personnes travaillant pour des labels et qui pourraient avoir un intérêt à faire gagner un tel plutôt qu’un autre. Les albums et les musiciens sont ainsi choisis en toute indépendance.

Prix Django Reinhardt

Aussi, le Prix Django Reinhardt, fut décerné au jeune saxophoniste Baptiste Herbin (31 ans), que Couleurs jazz soutient depuis déjà depuis plusieurs années. Il faut saluer son talent, sa virtuosité, son travail immense et surtout la passion qu’il voue au jazz et au saxophone en particulier. Son enthousiasme ne pouvant que vous entrainer à le suivre.

Après la remise de son prix, soutenue par une dotation de la Fondation BNP Paribas, Baptiste réunit en quartet pour interpréter le thème Elsa M du batteur Aldo Romano, ici présent ! avec Leonardo Montana au piano et Sylvain Romano à la contrebasse.

Baptiste Herbin & Aldo Romano

Les Nominés de ce Prix Django Reinhardt étaient le violoniste Théo Ceccaldi et le trompettiste Fabien Mary.

Prix du Disque Français

Ce dernier, souvent finaliste, tant apprécié du public et de la presse, obtenait cette fois le Prix du Disque Français avec son album « Left Arm Blues (And Other New York Stories) » composé opportunément, lorsque victime d’une mauvaise chute, il se brisa le bras droit, ce qui le mit hors scène pour quelques semaines. Pour notre plus grand bonheur, il composa et écrit de la musique… de la main gauche. Parfaitement rétabli depuis, il ravit l’auditoire par son interprétation de La Mesha, une ballade célèbre de Kenny Dorham. Il était accompagné ce soir-là d’Hugo Lippi (guitare), Sylvain Romano (contrebasse) et Mourad Benhamou (batterie).

Fabien Mary & Hugo Lippi

Les autres nominés à ce prix du Disque français étaient :  Edward Perraud pour Espaces.Andy Emler MegaOctet pour A Moment for… et  Éric Le Lann & Paul Lay pour Thanks a Million.

Prix du Musicien Européen

Le Prix du Musicien Européen fut attribué pour la deuxième année consécutive, à un ressortissant Helvète, Samuel Blaser, tromboniste de son état. Il impressionna toute l’assistance par un solo incroyable, sur Creole Love Callde Duke Ellington, mettant en avant toutes les sonorités et distorsions possibles que l’on peut obtenir de cet instrument à coulisse, à l’aide d’une simple sourdine et de beaucoup de talent.

Samuel Blaser

Les deux autres nominés étaient : Tord Gustavsenet  Aka Moon.

Grand Prix de l’Académie du Jazz

Le Grand Prix de l’Académie du Jazz qui couronne le meilleur disque de l’année, fut décerné à un absent (qui n’a pas eu tort mais qui ne put faire le déplacement pour recevoir son trophée) … Couronnant un musicien trop longtemps considéré comme un sideman de luxe.  Il fut le dernier pianiste de Stan Getz. Kenny Barron et son quintet pour l’album Concentric Circles.

Les nominés étaient : par deux fois cette année ( !), le formidable batteur norvégien, résidant à Copenhague, Snorre Kirk pour son album Beat ; Steve Coleman pour  Live at the Village Vanguard, Vol.1, et Ben Wendel pour The Seasons.

 

Prix du Jazz Vocal

Étonnamment cette année, beaucoup d’excellentes interprètes ne figuraient pas dans la liste des sélectionnées, puis uniquement trois hommes se disputèrent au final le podium… And the winner is… Kurt Elling ! pour son album The Questions… La réponse en quelque sorte, du collège électoral de l’Académie récompensant sans doute la maturité et le long parcours, autant que le talent certain.

Kurt qui s’était produit il y a peu, dans ce même auditorium  de la Seine Musicale, lors d’un mémorable concert, ne put hélas revenir et ainsi nous eûmes la chance d’admirer à sa place, tout le talent d’Allan Harris, qui offrit au public une superbe version de Memphis en duo complice avec Laurent Coulondre. Ce fut l’un des très bons moments de cette remise des Prix.

Laurent Coulondre & Allan Harris

Le 3èmenominé dans cette catégorie étant Hugh Coltman,  pour Who’s Happy. Ce qui devrait l’aider à l’être plus encore.

Prix de la Meilleure Réédition

Ce prix fut attribué au magnifique coffret Mosaïc Records intitulé « The Savory Collection 1935-1940 », ensemble d’enregistrements radiophoniques sauvés de l’oubli par le producteur Michael Cuscuna. Des légendes comme Count Basie, Lester Young, Lionel Hampton y sont représentées avec quelques soli d’anthologie. (d’après le dossier de presse, votre serviteur n’ayant pu personnellement l’admirer. Vous non plus, donc)

Prix du Jazz Classique

Le Prix du Jazz Classique fut avec une certaine classe, remis au groupe Les Rois du Fox-Trot pour l’album Hommage à Duke Ellington, dont l’un des leaders, le saxophoniste Nicolas Montier, nous offrit une version magnifique de Gone With the Wind en duo et en mi bémol, avec le contrebassiste Sylvain Romano. Il avait pris la peine de nous préciser qu’il allait essayer de bien jouer ce morceau normalement joli… ! Dixit.

Nicolas Montier & Sylvain Romano

Les finalistes de ce jazz classique étaient Snorre Kirk, pour Beat, décidément !  et Brad Child pour Meets la Section Rythmique.

Prix du Blues :

Le Prix Blues fut remporté par Walter « Wolfman » Washington pour My Future is my Past.

Les Finalistes étaient : Delgres pour Mo Jodi » et  Muddy Gurdy pour …Muddy Gurdy.

Aucun des trois nominés ne put rallier l’Ile Seguin dans les temps afin de recevoir son prix.

Prix Soul :

Le Prix Soul fut décerné en leur absence à Theo Lawrence & The Hearts pour Homemade Lemonade.

Les Finalistes étaient Bettye LaVette pour Things Have Changed  et  Jamison Ross pour All For One.

Prix du Livre de Jazz :

Le Prix du Livre de Jazz a distingué cette année un véritable roman en planches dessinées, entre fiction et réalité : Monk ! par Youssef Daoudi.

Enfin, l’Académie  décerna un Prix Spécial à son Président d’Honneur, Martial Solal pour l’ensemble de son œuvre, son inventivité persistante et une espièglerie unique dont il nous fit encore la démonstration lors de son dernier concert Salle Gaveau, quelques semaines auparavant.

Aussi, tout naturellement, du haut de ses bientôt 92 printemps, il reçut le Prix du Jeune Talent

Comme disait Jean-Pierre Pirotte : Ce n’est pas la jeunesse mais la vieillesse qui n’a pas d’age... Bel adage !

Pour en revenir au déroulé de cette soirée, après cette première partie consacrée à la remise des prix, le deuxième acte fut chargé d’émotions fortes et ponctué de quelques surprises, puisque se sont retrouvés sur scène, quelques illustres grands hommes qui côtoyèrent Michel Petrucciani, il y forcément plus de 20 ans, comme des musiciens de la toute nouvelle génération qui jouaient encore dans la cour de récréation de la maternelle ou de l’école primaire, le jour où Michel Petrucciani nous quitta, le 9 janvier 1999.

 

Alexandre Petrucciani

Pour débuter cette deuxième partie, en hommage à Michel Petrucciani, tout à la fois solennelle et conviviale, son fils, Alexandre Petrucciani prononça quelques touchantes phrases de remerciements, qui émurent la salle.

Puis la fête de la musique de Jazz si chère à Michel Petrucciani commença, avec des interprétations inspirées et un véritable engagement de tous les protagonistes présents ce soir-là.

De l’émotion beaucoup, mais aussi des joies partagées et portées par un palpable enthousiasme. Des moments forts de musique que beaucoup ne sont pas prêts d’oublier .

L’ouverture fut assurée par Franck Avitabile, seul au piano pour  J’aurais Tellement Voulu, rapidement rejoint par Laurent Coulondre au piano et à l’orgue Hammond  pour un incisif RachidGéraldine Laurent, au sax alto entra alors en scène pour I hear Rhapsody, un autre standard de Michel.

Laurent Coulondre & Franck Avitabile

Les musiciens se succédèrent alors en différentes formations  : Philippe Petrucciani à la guitare avec  Laurent Coulondre  au piano, Lenny White à la batterie, Flavio Boltro à la trompette pour  des variations autour de Play Me.

Puis,  Jacky Terrasson remplace Franck avec Géraud Portal à la contrebasse  et Lenny White pour un Looking up de feu.

Géraud Portal

Jacky Terrasson, particulièrement en verve ce soir, fit honneur aux deux Michel (…Legrand et Petrucciani bien sûr) avec un medley  You must believe in Spring et Love Letters.

Puis Jacky, accompagné de Géraud Portal, de Lenny White et de la magnifique trompettiste Lucienne Renaudin Vary interprétêrent Hommage à Enelram Atsenig. Puis avec Laurent Coulondre, September Second.

Jacky Terrasson & Lucienne Renaudin Vary

Comme un souffle, une respiration parmi ces changements de plateaux continuels, s’avança seul sur scène, Aldo Romano.  Il prit une chaise et s’assit face au public pour lire quelques lignes de son livre autobiographique , “Ne joue pas fort, joue loin”. Il commença la lecture d’un passage remémorant sa première rencontre avec Michel Petrucciani en 1980. De l’humour et beaucoup de sensibilité pour témoigner d’une véritable amitié entre les deux hommes.

Aldo Romano

Un moment très attendu fut l’entrée de Joe Lovano  qui lui aussi joua par le passé avec Michel Petrucciani et nous offrit un  duo improvisé autour de Ten Tales.

Joe Lovano & Aldo Romano

Puis avec Jacky Terrasson, Géraud Portal et Lenny White, ce fut une magnifique version de Lines and Spaces…

Joe Lovano & Lenny White

Puis à nouveau, la jeune trompettiste Lucienne Renaudin Vary, révélation de cette soirée, dans Hommage à Enelram Atsenig.

 

Lucienne Renaudin Vary

Le duo entre le piano de Jacky Terrasson et le saxophone tenor de Joe Lovano fut un autre des grands moments de cette soirée sur le thème Body and Soul

Puis retour de Flavio Boltro à la trompette  pour un avant dernier thème magistral :  Training.Avant le retour de l’orchestre dans sa formule élargie pour le morceau final :  Old Wine New Bottles.

Flavio Boltro

Rappel et standing ovation avec tout l’orchestre plus Philippe Petrucciani à la guitare, Franck Avitabile au piano, Laurent Coulondre à l’orgue Hammond, Géraldine Laurent au saxophone, pour un magnifique  Little Peace in C for U.

Le Final

Comme le dicte la tradition de cette sainte Académie du Jazz, avec l’aide des récoltes des grands crus de  Saint-Emilion, accueillant partenaire, tout ce beau monde se retrouva pour continuer la fête au Nubia Jazz Club, où Baptiste Herbin, Hugo Lipi,et d’autres, entamèrent une Jam, jusqu’au bout de la nuit.

Concluons par les mots du Président qui désira cette magnifique soirée, la rendit possible, l’organisa et l’anima d’une main de maestro.

François Lacharme :  « L’Académie du Jazz continue gaillardement sur sa trajectoire œcuménique, indépendante, un œil dans le rétroviseur, l’autre sur les routes futures. »

Franck Avitabile

 

©Photo de couverture de l’article et des débuts et fin de la vidéo par Jacques Pauper pour Couleurs Jazz, tirées des photos de la magnifique exposition photographique par @Jean Ber de Michel Petrucciani.

Avec toute notre reconnaissance et toute notre affection.

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