MFQ, jeune groupe Franco Colombien grave son style très personnel dans ce premier album. Très construit et réfléchi nous est proposé un Jazz moderne qui pourrait réconcilier les amoureux du jazz comme ceux qui n’ont pas encore été initiés.
MFQ définit sa musique comme « Un jazz extatique oscillant entre harmonies oniriques et ruptures rythmiques solides et entraînantes »
Lors d’une chronique récente, Didier Pennequin notre envoyé spécial couvrant un festival de jazz du sud de la France, exprimait son agacement devant la recrudescence de trios et de quartets à la technique si sûre et irréprochable, mais proposant un jazz si prévisible : des « clones de clones »…
MFQ, à l’inverse, propose un jazz très personnel, une musique de son temps, aux multiples influences, entre rock et pop. Le quartet a des choses à dire et d’autres qu’il tait pour laisser libre cours à notre imagination. « Un homme est plus un homme par les choses qu’il tait, que par les choses qu’il dit » – Albert Camus.
Bien que les petites choses de la vie, le sel et le sable de nos émotions les papiers froissés, comme la menue monnaie peuplant nos fonds de poches, nous sommes faits de tout un tas d’émotions, floues ou profondes, au gré de nos parcours et du hasard. Il est recommandé d’écouter cet album comme on lit un roman, du premier au dernier chapitre, puis de recommencer le cycle, s’autorisant alors l’aléatoire…
MFQ, quatre excellents solistes dont on n’a pas fini d’entendre parler ; aussi à l’aise en studio que sur scène où ils donnent peut-être le meilleur d’eux-mêmes, dans un vrai spectacle captivant.
Après cette petite introspection qui nous a donné l’occasion de vider un peu nos poches, nous avons voulu laisser la parole à MFQ :
- Couleurs Jazz : MFQ, pouvez-vous nous expliquer ce projet « What’s in the Pocket ?” et déjà, pourquoi ce titre ?
MFQ : Ce projet est l’aboutissement de 5 ans de vie de notre groupe MFQ. Musicalement, nous avons pas mal exploré de choses, pris différents chemins. Nous avons enregistré 2 EP qui nous ont permis de nous produire un peu partout à Paris mais aussi en France. Et il y a un peu plus d’un an, nous avons trouvé cette nouvelle esthétique. L’envie d’enregistrer un album s’est alors manifestée, donnant ainsi naissance à notre premier opus : “What’s in the Pocket?”
“What’s in the Pocket?” ce sont toutes les petites histoires que cachent nos poches ! Un reçu d’un restaurant, un billet de concert, une pièce de monnaie d’un pays inconnu, un petit mot d’amour égaré… On voit nos morceaux comme des histoires. La narration musicale est importante et cet album c’est ça, des histoires de nos fonds de poches.
- CJZ : Expliquer la musique est souvent vain, mais peut-on tenter ? Pouvez-vous nous donner quelques clefs pour comprendre et entrer sans infraction dans votre album ?
MFQ : Sur cet album, il y a davantage d’écriture que dans les précédents EP. Il y a une vraie alternance entre moment écris et moments improvisés. Nus sommes passés de la liberté absolue à la “contrainte”. Même si finalement, l’écriture des morceaux ne cesse d’évoluer à force de les jouer et au gré de nos concerts. L’esthétique de notre musique est hybride. Les mélodies sont très importantes. Le son est traité comme dans le Rock ou la Pop avec des effets et des riffs dans la composition, mais on reste attachés au Jazz par l’improvisation qui est bien présente et par l’instrumental. C’est un album qui rassemble différents morceaux de vie mais de manière cohérente, qui passe par plusieurs états et états d’esprits et qui se laisse écouter. On nous a souvent dit que notre Jazz était très accessible. Il est vrai que nous touchons des publics variés, à la fois aguerris et habitués des salles Jazz mais aussi des personnes plutôt branchées « musiques actuelles », écoutant du Rock et de la Pop.
- CJZ : Qu’est-ce qui a guidé la création de cet album ?
MFQ : MFQ est un quartet qui a vécu un changement d’instrumentiste avant le début du projet d’album. En effet, pour les deux premiers EP, le contrebassiste était l’australien Michael Mear. En 2016, Michael est devenu papa d’une belle petite fille et a décidé de retourner vivre en Australie auprès de sa famille. À ce moment-là, nous avions une tournée prévue et nous avons fait alors appel à Adrien Prochasson. Le projet d’album était dans nos esprits, mais avec ce changement, on ne savait pas vraiment comment le groupe allait évoluer. En réalité, l’arrivée d’Adrien a donné un coup de boost au groupe, de nouvelles compositions ont commencé à voir le jour, la tournée nous a soudés humainement. Adrien est très vite devenu un membre à part entière de MFQ. L’album était désormais une évidence ! Pour que ce projet voit le jour, nous avons lancé une campagne de crowdfunding pendant deux mois où les gens qui nous suivent nous ont aidé à financer l’album, nous avons réussi à collecter une somme confortable qui nous a permis d’autoproduire What’s in the pocket ? de faire plusieurs vidéos pour le mettre en valeurs. Ça n’aurait jamais été possible sans nos amis , connaissances et fans qui ont tous joué un rôle important pour nous. un vrai travail d’équipe !
- CJZ : Quelles sont vos influences ? Les musiques et les musiciens qui vous inspirent ?
MFQ : On s’inspire de tout. Du Rock, de la Pop, des rythmes africains mais c’est un peu le propre du Jazz. Certains groupes comme Snarky Puppy réussissent très bien ce mélange des genres. L’album est très inspiré par le son de Gilad Hekselman, la recherche polyrythmique de Ari Hoenig, les contrastes et les recherches sur l’électriques qu’ont pu faire Tigran Hamasyan et Ben Wendel. Sans oublier la folie de Thelonious Monk, la recherche d’espace de Kind of Blue de Miles, le travail harmonique de Coltrane sur Giant Step.
Au final, nos influences sont tellement multiples que nous avons du créer notre propre case. Nous avons failli faire du Popcorn Jazz, heureusement un membre du groupe a eu une meilleure idée.
- CJZ : C’est quoi le Jazz aujourd’hui pour vous ? Est-ce que ce mot a du sens ?
MFQ : Le jazz c’est une musique de « mélange ». Mélange de styles, mélange de nationalités, mélange de sonorités. C’est une musique qui prend de la valeur quand elle sort du studio et se joue en live. Le jazz est un style en constante évolution. C’est un état d’esprit, une manière de concevoir et d’écouter la musique. Ce mot a du sens car aujourd’hui lorsque l’on écoute Snarky Puppy, Tigran Hamasyan ou Chris Potter, on pense quand même à John Coltrane, à Thelonious Monk et à Miles Davis, et bien d‘autres… L’esprit de leur musique demeure présente.
- CJZ : Et finalement MFQ ça veut dire quoi ? Pour que vous soyez si embêtés pour répondre, je pensais à quelque chose comme : Mother F… Quartet ! C’est ça ? …ou c’est plus poétique ?
MFQ : MFQ n’a pas besoin de signification… On laisse à chacun y voir ce qu’il veut, et on rigole bien avec la dynamique qui se créé autour de cette question et les propositions originales qui nous sont faites. Après 5 ans, les trois lettres du nom du groupe nous représentent très bien, c’est efficace, rythmé et ça reste en tête !
- CJZ : Quelle est la question que vous aimeriez que les medias vous posent et à laquelle ils ne pensent jamais ?
MFQ : On aimerait qu’on nous demande : « Quelle est la meilleure manière d’écouter votre album ? »
Ca peut paraitre étrange mais on aimerait vraiment que les auditeurs l’écoutent du début à la fin, dans l’ordre. Un album, c’est une histoire, et la narration c’est quelque chose qui nous tient à coeur, c’est le fondement même de « What’s in the pocket ». On a beaucoup réfléchi à comment faire rentrer les gens dans notre univers et les transporter. De là nous est venue l’idée d’utiliser le même morceau comme première et dernière piste. Une sorte d’invitation au voyage puis le souvenir de ce bon moment passé ensemble. Donc conseil : même en digital, sur les sites de streaming, essayez au moins une fois, de l’écouter d‘une seule traite !
Lineup :
Noëmy LHOMME : Saxophones et effets
Adrien PROCHASSON : Contrebasse
Ivan QUINTERO : Guitare électrique
Pablo RAMIREZ : Batterie
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