L’effet papillon
Le 3e album du pianiste Keith Brown, édité chez Space Time Records, est aussi le 50e album du label fondé par Xavier Felgeyrolles, directeur artistique du festival automnal de Clermont-Ferrand, « Jazz en Tête ».
Pour la programmation de ce festival, Felgeyrolles a toujours revendiqué le « canal historique » de ce genre musical. L’expression vaut pour cette dernière production, quand on sait que Keith Brown est le fils du célèbre pianiste Donald Brown, premier musicien du même label il y a 25 ans, et de Dorothy Brown, également pianiste et multi-instrumentiste. La filiation n’est évidemment pas que familiale, même si oncles, tantes, et frères de Keith font également partie des musiciens d’excellence. Il s’agit de l’empreinte nouvelle d’un pianiste, compositeur et arrangeur aux multiples facettes, qui s’est produit et a enregistré avec des sommités du jazz aux États-Unis.
©Photos TDR Anthony Ware
Originaire du Tennessee, Keith Brown habite désormais New York, après avoir écumé les scènes de Memphis, d’Atlanta, et accompagné des noms emblématiques comme Benny Golson ou Bobby Watson. Membre du Charles Tolliver All Stars, il est aussi le pianiste attitré de la chanteuse Jazzmeia Horn et il a partagé la scène, entre autres, avec la saxophoniste et chanteuse Camille Thurman et le Darrell Green Trio. D’un concert, l’autre, rien d’étonnant à ce que l’on retrouve dans le trio dont il est leader, ceux avec lesquels il correspond sur scène depuis longtemps : le bassiste Dezron Douglas, les batteurs Terron « Tank » Gully, déjà présent sur son deuxième album The Journey, et Darrell Green, ainsi que parmi les nombreux invités, la même Camille Thurman, la chanteuse Tamara Brown (son épouse) et la chanteuse Melanie Charles, le trompettiste Russell Gunn, le saxophoniste Anthony Ware, le percussionniste Nêgah Santos et l’artiste de spoken word et poète Cyrus Aaron.
©Photos TDR Russell Gunn
Le titre de l’album est emprunté au thème de Fats Waller « African Ripples » (ondulations africaines), composé en 1931, source d’inspiration que Keith Brown décline de trois manières au fil de l’album. C’est la voix de Cyrus Aaron et ses textes qui donnent le sens du premier morceau, « African Ripples Epigraph » en renvoyant au premier voyage, celui de l’esclavage. Le ton est donné des sensations et des sentiments qu’explorent les sons, les rythmes et les chants, vestiges enfouis au plus profond. Brown explique qu’il a composé cet album pour transmettre ses expériences personnelles à travers la musique noire et comment elle s’est propagée dans autant de directions différentes. « En constante évolution, ces ondulations servent l’objectif commun de donner vie à différentes relations et connexions que nous expérimentons tous. » Le message est universel.
©Photos TDR Terreon Gully
La plongée dans la vie du compositeur, le rappel des morceaux ou des voix qui ont transporté sa jeunesse, l’ambiance des lieux familiers, sont autant d’étapes, de situations et d’aspirations partagées. Le 2e morceau de l’album, « Truth and Comfort » renvoie à l’influence décisive de l’éducation sur le développement personnel, selon les familles et les communautés dans lesquels on grandit. Et forcément des croyances récoltées, parfois sans le savoir. L’improvisation exaltante de Keith Brown dans ce morceau semble témoigner du champ qui reste toujours ouvert pour s’affranchir si nécessaire. Avec « 512 Arkansas St« , la tonalité jubilatoire ouvre la porte de l’atmosphère familiale et de l’éducation musicale reçue à Knoxville, Tennessee, où il a grandi. Trompette et saxophone se joignent au piano comme autant de personnalités incarnées, héritage heureux et protecteur.
Au cœur de l’album, Keith Brown glisse « Queen » que Camille Thurman chante et qu’il dédie à sa femme Tamara. Dans le titre suivant, c’est la chanteuse Mélanie Charles qui reprend « Come Back As a Flower » de Stevie Wonder, complainte dédiée à la douceur de l’amour que la voix de Syreeta Wright rendait presque irréelle en 1979, et qui environne soudain. Avant-dernier titre de l’album, « Prayer For My Nephews » est une chanson composée par Brown pour ses neveux, dont l’un est encore un enfant. Cyrus Aaron remplit la musique d’affirmations et de prières, dont on comprend d’emblée la ressource voulue pour des jeunes hommes noirs qui grandissent, comme « pour toute personne de tout âge qui a besoin d’un mot d’encouragement ». Les mots de Brown insistent sur la dimension universelle et positive de son album et sa générosité s’appuie sur une musique dont il sait la prière puissante. Le Keith Brown trio et ses invités délivrent une combinaison groovy, mélange savant à l’intensité subtile. Un patrimoine vivifiant.
Interprètes :
Keith Brown Trio:
Keith Brown (Piano, Rhodes, Synthé)
Dezron Douglas (Contrebasse acoustique et électrique)
Terreon “Tank” Gully (Batterie) – excepté titres 6, 7, 8, et 1
Darrell Green (Batterie) titres 6,7,8, et 13)
Invités :
Russell Gunn (Trompette) 1,5 et 12
Anthony Ware (Saxophone tenor) 1,5 et 12
Mélanie Charles (Voix) 9
Camille Thurman (Voix) 8
Cyrus Aaron (Spoken Word) 1 et 14
Nêgah Santos (Percussions) 12 et 13
Tamara Brown (vocaux) 8 et 9
Titres :
- African Ripples Epigraph (avec et paroles de Cyrus Aaron) [2:03]
- Truth and Comfort [5:01]
- NAFID [5:19]
- Just You, Just Me (Jesse Greer) [4:52]
- 512 Arkansas St. (avec Russell Gunn et Anthony Ware) [6:33]
- African Ripples Part I (Thomas “Fats” Waller) [2:04]
- African Ripples Part II (Thomas “Fats” Waller) [4:31]
- Queen (avec Camille Thurman) [6:37]
- Come Back As A Flower (avec Melanie Charles) (Stevie Wonder and Syreeta Wright) [5:23]
- 118 & 8th [6:07]
- What’s Left Behind [6:45]
- Song of Samson (avec Russell Gunn et Anthony Ware) [7:14]
- Eye 2 Eye with the Sun [5:31]
- Prayer for My Nephews (avec et paroles de Cyrus Aaron) [2:32]
- African Ripples (Thomas “Fats” Waller) [0:46]
African Ripples est un album du Label Space Time Records distribué en France par SocadiscSocadisc
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