
Daniel Humair, les parisiens et les banlieusards ont eu maintes occasions de le voir et de l’entendre dans différents contextes entre la fin de l’année 2024 et le début de 2025.
Soit avec Louis Sclavis et Benjamin Moussay au 19 rue Paul Fort d’Hélène Aziza (un lieu pas assez connu à mon goût mais qui fait toujours le plein vu la qualité de sa programmation) et au Triton avec le présent quartet — qui a enregistré dans le club des Lilas.
Ce groupe est le prolongement de deux formations du batteur vétéran : le trio avec le saxophoniste Vincent Lê Quang et le bassiste Stéphane Kerecki (qui a publié en 2020 l’excellent « Drum Thing » avec le trompettiste Yoann Loustalot en invité sur quelques titres) et un autre trio baptisé Helveticus (voir chronique ici même) où Humair retrouve deux compatriotes suisses : le tromboniste Samuel Blaser et le bassiste Heiri Kaenzig.
C’est donc entouré de cadets avec lesquels il est très familiers que Daniel propose ce nouvel enregistrement où chaque protagoniste participe à la composition des morceaux, le reste du répertoire étant signé de Joachim Kühn, Franco Ambrosetti et du compositeur britannique Stanley Myers.
Ce qu’on remarque d’emblée dans ce programme qui se lit comme un menu — puisqu’il commence par un bref « Amuse-Bouche » et se clôt par un nom moins court « Pousse-café » — c’est que la gourmandise notoire du batteur-leader ne se limite pas à la nourriture (il a collaboré avec plusieurs chefs étoilés) mais concerne également les sonorités des instruments, à commencer par le sien : la batterie. Humair est un grand mélodiste sur son set et il utilise les fûts et les cymbales en coloriste accompli qui sait varier les nuances et les dynamiques de façon unique et immédiatement reconnaissable.
Cette appétence le pousse naturellement à s’entourer de musiciens possédant comme lui un goût du son et ayant développé sur leur « biniou » un jeu personnel dont on ne se lasse pas de déguster la palette sonore.
Stéphane Kerecki est un des plus grands bassistes européens et on reconnaît sa patte dans tous les contextes où il se produit. Vincent Lê Quang est un des plus éminents saxophonistes hexagonaux.
Quant à Samuel Blaser, c’est tout simplement un des trombonistes les plus en vue de sa génération, et ce au niveau mondial.
Ensemble, ils forment donc un quartet de premier ordre qui navigue en beauté entre mélodies chaloupées, toniques ou rêveuses, et thèmes plus abstraits où se manifeste leur appétence pour un free jazz dépourvu de toute approche intellectuelle.
On sent chez eux un plaisir de jouer communicatif et l’auditeur se laisse facilement entraîner, de morceau en morceau, dans un voyage plein de surprises et de petites pépites sonores où la magnifique imbrication des timbres est un régal pour les oreilles.
A quatre-vingts ans passés, Humair ne manifeste aucun signe de fatigue et son envie de jouer est constamment stimulée par des cadets qu’il sait choisir avec goût autant que ces derniers prennent plaisir à participer, avec un aîné aussi ouvert et dynamique, à un projet dont on ne peut que conseiller aux lecteurs/lectrices de Couleurs Jazz Media d’aller les découvrir sur scène.
Aucune chance qu’ils/elles soient déçus : ce que proposent ces quatre musiciens majeurs est ce qu’on fait de mieux dans le jazz d’aujourd’hui.
Musiciens :
Daniel Humair : batterie
Vincent Lê Quang : saxophone
Samuel Blaser : trombone
Stéphane Kerecki : contrebasse
Prismes à l’Eau est sorti sous le label Le Triton le 8 novembre, 2024
©Photo Header Bastien Deschamps
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