Chris Potter – Eagle’s Point

Depuis qu’il a signé sur le label britannique Edition Records, Chris Potter sort pratiquement un CD par an et on peut dire que ce n’est pas trop vu la qualité de sa production.

Après le précédent « Got the Key to the Kingdom » capté live au Village Vanguard (cf. chronique sur ce site), c’est de nouveau en quartet — mais en studio — que le saxophoniste a enregistré. Et pas n’importe quel quartet : rien moins que Brad Mehldau au piano, John Patitucci à la basse et Brian Blade à la batterie, soit la moitié du quartet de feu Wayne Shorter. Mais le parallèle s’arrête là car l’esthétique de Potter n’a rien à voir avec celle de Shorter.

Pourquoi changer de formule quand on possède un excellent groupe tel que celui avec lequel le saxophoniste a enregistré ces derniers temps (Craig Taborn, Scott Colley & Marcus Gilmore pour mémoire) ?

On peut y voir diverses raisons dont le fait que Potter connaît ses nouveaux comparses depuis longtemps même s’il n’avait encore jamais enregistré avec eux trois.

D’autre part c’est un répertoire entièrement de sa plume que le saxophoniste nous propose ici. Enfin, alors que son précédent enregistrement mettait exclusivement en valeur son flamboyant ténor, il utilise ici également sur deux thèmes le soprano ainsi que la clarinette basse sur une magnifique ballade dédiée à son épouse.

C’est donc une esthétique moins « musclée » que Potter met ici en avant et son choix de partenaires est à ce niveau totalement pertinent.

Il n’est plus besoin de souligner à quel point Brad Mehldau est un pianiste d’une finesse incomparable tant au niveau de son toucher que de sa science harmonique et de son goût pour la mélodie.

Quant au couple Patitucci/Blade, en dehors des qualités propres de chacun de ses membres — qui sont grandes — il a acquis au contact de Wayne Shorter une capacité à œuvrer d’une façon à la fois tonique et raffinée qui le met indéniablement dans le haut du panier des paires rythmiques.

C’est donc un disque d’une grande maturité tant au niveau des compositions que du jouage et des interventions solistes que nous propose Chris Potter. Un disque qui confirme qu’il est un musicien de premier plan dont on ne se lasse pas de suivre le parcours en leader depuis maintenant trois décennies.