Santi Debriano – Ashanti

Santi Debriano c’est d’abord un magnifique son de contrebasse : boisé, profond, lyrique (oui, la contrebasse peut être lyrique !) à la fois viril et tendre, punchy et moelleux…

Le musicien d’origine panaméenne n’est pas un inconnu en France puisqu’il y vécut dans les années 80 mais cela fait longtemps qu’on ne l’a pas entendu dans l’Hexagone et on espère que ce nouveau et magnifique CD convaincra les décideurs de la jazzosphère française de le faire revenir fissa en salles, en clubs et/ou en festivals.

Né au Panama mais venu s’établir à Brooklyn avec sa famille à un très jeune âge, le contrebassiste a été embauché, aux USA, par une pléthore de leaders qu’il serait fastidieux d’énumérer de façon exhaustive : Larry Coryell, Cecil Taylor, Randy Weston, Freddie Hubbard, Hank Jones ou Kirk Lightsey… pour n’en citer que quelques-uns.

Sideman recherché, Debriano a également publié une demi-douzaine de disques en leader à partir du milieu des années 80 et le présent CD est le second à sortir depuis 2020.

Mûrie pendant le confinement de la covid, la musique de cet album est entièrement de la plume du bassiste, compositions et arrangements.

Santi Debriano Wednesday, Dec. 15, 2021. New York. (Dan Balilty) Photography By Dan Balilty Jojo Records

Et ce n’est pas peu dire que ce répertoire enchante de bout en bout. La formation qu’a choisie Debriano — un nonet — lui permet en effet de déployer des couleurs chatoyantes où les anches dominent sans occuper tout l’espace sonore et de concocter des mélanges de timbres délectables : sax baryton et flûte, par exemple.

Soutenu par la basse chtonienne du leader, qui s’octroie bon nombre de solos inspirés, sans jamais tirer la couverture à lui, le groupe sonne avec une superbe homogénéité tout en laissant ses membres s’exprimer individuellement au cours de chorus du plus bel effet. L’esthétique choisie par Debriano est un jazz moderne à la fois roboratif et savoureux mâtiné d’influences latines et hispaniques.

Cette dernière veine est essentiellement représentée par la magnifique sonorité d’une guitare acoustique qui se fond admirablement dans la pâte sonore de cet Arkestra Bembé dont le nom vient d’un rituel de l’Afrique de l’Ouest et des Caraïbes qui mène à la transe.

Pas de clichés latinos dans cet « Ashanti », donc, mais une musique à la fois sophistiquée et d’une clarté limpide qui coule comme une évidence et ravit les papilles auditives de l’auditeur qui, comblé, l’écoute avec un sourire béat aux lèvres.

Voilà un disque qui nous accompagnera tout l’été, dans les embouteillages ou sur les plages, en montagne ou à la cambrousse, et qu’on remettra sur la platine aussi bien en automne qu’en hiver pour nous remonter le moral et nous aider à affronter les frimas. Réussite totale, on l’aura compris, et si cet Arkestra Bembé ne venait pas jouer live en France dans les mois à venir je serais capable du pire, et ça personne ne le souhaite !