

L’omniprésence du Nouveau Monde en matière de jazz fait parfois oublier quelques sorties de pépites qui viennent nous rappeler que l’hexagone n’est pas en reste, et que ce vieux caillou est encore agile, intuitif et inventif, à l’image de cette livraison du Neil Saidi Quintet avec Noé Codjia.
Sur des compositions personnelles, l’association Saïdi-Codjia qui a déjà trouvé ses marques au sein du Zoot Collectif, nous emmène cette fois sur des chemins qui font invariablement penser aux Jazz Messengers. Avec une rythmique qui tient haut la rampe, les deux souffleurs se complètent en rivalisant sur des chorus très acérés en succession Indi-gêne et se payent même le luxe de briller en enharmonie Covidex Perplex.
Un hard-bop d’aujourd’hui qui sonne comme le hard-bop d’hier. Pas une ride dans l’interprétation et la vélocité des thèmes mis en valeur tant par l’écriture que par la solidité technique du duo « anchebouchure ». Un quintet solide dont il faut souligner encore la prégnance très à propos des interventions d’une rythmique de haut vol.
Un public averti des choses du hard-bop trouvera dans cet enregistrement un must actuel du style dans lequel on perçoit que les oreilles affinées des musiciens ont su à la fois révérer les références sans se laisser aller à une pâle imitation et produire en même temps une interprétation actuelle audacieuse. Comme les musiciens classiques se plaisent à jouer sur des instruments d’époque, on voit presque à l’écoute de ce disque les volutes de fumée des clients du Minton’s Playhouseou du Three Deuces…
Et pendant ce temps-là, Noé Huchard au piano nous fait du Kabalevsky Monkien sur Dodécabulle et nos deux souffleurs du Jazztet de Golson sur Cali. Une visite, et non pas une revisite, ce qui confère à cet enregistrement une haute valeur d’écriture bien jouée dans tous les sens du terme.
Quand on parle de référence, l’écoute de Cream’s Cri revient à accrocher un tableau d’art contemporain dans la galerie des antiquités grecques du Louvre ou à déménager le MoMA dans la 52e rue si vous préférez…
Avec en prime pour terminer un God Save the Changes qui nous transpose pas très loin de la Nouvelle-Orléans. Associer Dizzy à Buddy Bolden, why not…
On dira pour l’exception culturelle française : de la haute couture pour hard-boppers.
Personnel :
Noé Codjia – trompette
Neil Saïdi – saxophone ténor
Noé Huchard – piano
Luca Fattorini – contrebasse
Malte Arndal – batterie
Indi-Gêne ? est sorti sous le label Zoot Records le 4 avril 2025.
Il s’agit d’un Hit Couleurs Jazz et et d’un Best of the Month, sur Couleurs Jazz Radio.
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