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Il est rare de voir une rencontre entre deux jeunes musiciens se traduire par une recherche en forme de réflexion sur l’harmonie et la mélodie.

C’est pourtant ce que nous proposent le guitariste Miguel Castro et la pianiste Pieternel Van Oers au Sunside, en cette soirée, avant la sortie d’un premier album pour un projet nommé East Of The Moon en automne.

Le duo développe un discours basé sur un solide sens de l’arrangement, ainsi qu’un répertoire extensif en constante mutation, au gré des envies, des idées, de l’inspiration.

On pense aux expérimentations de Peter Bernstein ou à la période tardive de Louis Stewart, aux toiles impressionnistes de Brad Meldhau ou Keith Jarrett.

Par moments, nous sommes très proches des ambiances générées par Lyle Mays et Pat Metheny dans « LetterFrom Home » ou « In Her Family ».

La délicatesse du phrasé de Pieternel Van Oers se prête peu à une déferlante rythmique, mais le son chantourné au timbre suave et très acoustique de Miguel Castro, en combinaison avec le toucher sensible de la pianiste, produisent des merveilles de dentelles sonores finement ouvragées.

Au niveau des atmosphères, on est assez proche du travail coloriste de musiciens comme Paul Motian, avec un registre plutôt médium, sauf pour les appogiatures et les finitions.

Miguel Castro utilise des séquences de notes en tapping, avec action sur le bouton de volume pour créer une attente, une tension, un appel d’air ou un souffle.

On songe à des classiques intemporels dont l’image spectrale apparaît par éclairs dans un motif, une succession de notes, ou une résolution d’accords, et la dimension humaine du projet transporte sur les rives de terres lointaines, en hommage à ce qui nous lie, un paysage émotionnel, une cohésion en forme de résonance immatérielle.

Le titre « May 22 » est un instantané très coloré qui met en exergue la formation classique de la pianiste, aux côtés des harmonies savantes du six cordiste.

« Right Before » évoque, en creux, une césure, des réflexions suscitées par la rumeur du monde, ses conflits et ses fléaux, mais aussi ses promesses, ses espoirs et ses idéaux.

« Sisters » est une toile sororale, associant l’amour éprouvé pour nos proches et l’euphonie émotionnelle qui en découle.

Dans le même esprit, Pieternel Van Oers nous propose aussi une composition en hommage à sa grand-mère assortie d’une réflexion philosophique qui lui fut inspirée par le repli sur soi opéré par la pandémie de Covid.

« Les Beaux Jours », suscite une éclaircie idiomatique propice aux remises en question comme aux réalisations les plus hardies.

Un grand moment du set est la reprise du morceau « Echi » d’Enrico Piaranunzi, une reprise qui ne doit rien au hasard tant les brisées du pianiste italien ressemblent à celles de Pieternel Van Oers, avec une grosse influence de Bill Evans, dont le trio classique produisit des merveilles de miniatures sonores passées au prisme de l’idiome blues, et Miguel Castro lui confère, par son talent, une saveur toute particulière.

De fait, ce soir, une nostalgie et des émotions liées au sentiment d’exil intérieur animent un discours très imagé.

Pour apprécier une telle musique, il faut parfois accepter de cheminer à califourchon sur une note, serpenter à travers le canevas d’un labyrinthe sonore complexe, arpenter les méandres d’une musique élaborée, se laisser entrainer par un accord plaqué ou égrené en arpèges à l’unisson sur le clavier et le manche.

Pour avoir eu la chance d’écouter les deux artistes par deux fois en moins d’un mois, ce n’est sans doute pas par hasard s’ils ont tous deux un morceau intitulé « Dialogue », à leur répertoire.

L’intimisme et la poésie ont trouvé leurs aèdes.

Un bien beau concert, une bien belle rencontre.

 

Musiciens :

  • Miguel Castro : guitare
  • Pieternel Van Oers : piano

©Photos Jean-Pierre Alenda

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