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ActualitéPlace du Jazz

Man in Black

Par 13 juillet 2016novembre 24th, 2018Aucun commentaire

Erik Truffaz revient au Festival de Jazz de Montréal 15 ans après sa première venue dans la ville québécoise, accompagné de son quartet (Marcello Giuliani à la basse, Benoit Corboz au piano et Arthur Hnatek à la batterie et qui prend la place du batteur historique de l’ensemble, Marc Erbetta). La Salle Ludger-Duvernay, au Monument National, est l’endroit choisi pour la présentation du dernier album de ce quatuor français, Doni Doni, qui propose de nouvelles influences provenant de leur projet de collaboration avec la compagnie de danse sud-africaine Vuyani avec l’ajout de deux voix : Rokia Traoré et Oxmo Puccino.

Homme en noir. Cheveux blancs. Chapeau.

Bruits. Des échos, des sons anciens flottants. Jeu psychédélique.

Spirales, des boucles, des histoires sans fin.

Il porte une main à son front, tente de voir au-delà du projecteur.

Un soupçon de sourire.

La trompette ne brille pas, ses yeux si.

Il joue. Pavillon pointé vers le ciel, comme s’il avait bu à quelque gobelet sacré. obtenir un son progressivement plus élevé. Flexion progressive du dos penché en arrière.

«La première fois que nous étions ici, il y a environ 15 ans. »

Voix trainante et douce, basse. On dirait sa trompette.

« On se sent bien d’être de retour. Nous allons maintenant jouer quelques morceaux de notre dernier album, que nous avons appelé Doni Doni, ce qui signifie peu à peu. « 

Peu à peu, le reste des musiciens s’incorpore dans la musique.

 

Benoit Corboz crée une atmosphère. Difficile pourtant d’identifier un style. Pour peindre une liste d’influences, un voyage à travers rock, blues, funk, jazz old-school, la musique d’avant-garde. Trois claviers différents sur la scène. Un magnifique grand piano noir et brillant  attend, observant patiemment à l’arrière de la scène. Corboz se trouve entre les deux autres claviers, tournant légèrement le dos au public. Il fait beaucoup de choses en même temps – commandes électroniques, bruits de fond, et son propre jeu. Il segmente son attention, jette toute son énergie sur les touches, les frappe avec le feu, sautant sur le banc, debout puis assis et de haut en bas et de bas en haut, hochant la tête, s’asseyant sur une de ses jambes et la soulevant à nouveau, poussant de façon inattendue le banc avec ses genoux, alors que la musique monte et monte encore plus.

Tandis qu’Arthur Hnatek suit, tissant parfaitement le son de ses tambours avec celui des cordes, écrasant bruyamment les toms, les cymbales. Il évolue d’une sorte de son tribal aux réminiscences arabes, vers des sons hip-hop-ish, tous parfaitement ficelés, même s’il s’agit parfois d’improvisations. Les crescendos, un peu trop forts parfois, croissent et se développent, parallèlement à ceux de Corboz.

Dans le même temps, Marcello Giuliani est l’observateur silencieux mais nécessaire. Son jeu est plus camouflé, pas si évident, pas si grand, mais tout à fait important, crucialmême et touchant. Sérieux, en arrière de l’ensemble, la basse rouge brillant reflétant les spots des lumières. Mais quand arrive son solo, sa technique se développe, son cœur brille, la musique montre l’amour que Truffaz éprouve à son égard. Il observe ses doigts, chatouillant les cordes et il sourit et Giuliani ne cesse de monter encore et encore.

Leur musique est efficace en terme de capacité à créer un état de transe. Elle combine technique maîtrisée, bonne connaissance des trucs et astuces possibles avec le désir d’expérimenter -en utilisant l’électronique, les boucles, les répétitions, l’émission de sons étranges.  Contraste entre leurs âges -aucun d’entre eux n’est jeune- et la technologie qu’ils utilisent. Elle n’est pas conventionnelle et ils l’embrassent parfaitement.

Immersion de sons électroniques, volumes sonores spécifiques, changements soudains des rythmes, échos, répétitions, fausses finales.

Communication à travers la musique, très peu de sourires, très peu de mots, presque jamais un coup d’oeil. Mais il y a un bon feeling, avec de l’admiration mutuelle par la façon dont ils s’observent brièvement pendant les solos, et comment ils contribuent chacun à créer un bon son individuellement et pas seulement en tant que groupe.

Erik Truffaz se tient sur le bord de la scène. Comme si il cherchait à regarder le public attentivement, à le scruter. Il joue loin du micro, le son de ses poumons remplit la salle, alors que tout le monde reste silencieux. Il se rapproche du micro, puis disparaît, puis prend son chapeau, rejoint la table de mixage, joue sur une boucle, utilise le mute, créant un son encore plus ancien, plus mystique.

Le concert se termine, mais l’énergie reste élevée. La puissance est en hausse. Ils ne cessent de jouer. Truffaz demande à tout le monde de se lever, de taper des mains en rythme, de danser. Lui-même est en train de danser sur toute la scène.

Il crie en souriant

« Vous êtes formidables ! »

Mutuel est le sentiment.

 

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