En apprenant la disparition dimanche 12 février d’Al Jarreau à l’âge de 76 ans à Los Angeles, après avoir été hospitalisé pour épuisement il y a deux semaines, je me suis remémoré le concert qu’il avait donné le 22 novembre dernier dans le cadre du Blue Note Xperia Lounge Festival à l’Olympia.
Je me souviens de l’émotion suscitée quand cette figure légendaire du jazz chanté, mais pas seulement, est arrivée sur scène à pas lents et comptés, soutenu par son manager. Avant de s’asseoir sur un tabouret de bar, un éternel berret vissé sur le crâne, de dire quelques mots à ses fans et inconditionnels et d' »envoyer la sauce » !
Et quelle sauce ! Durant deux sets – près de deux heures en tout avec les rappels ! – cet immense vocaliste tout-terrain a passé en revue un demi-siècle de carrière, le tout merveilleusement accompagné par une étonnante machine à swing, le NDR (Norddeutshcer Rundfunk) Big Band, un grand orchestre né à Hambourg en 1945 sur les ruines de la IIè Guerre Mondiale. Les tubes internationaux, de « Aqua de Beber » à « Boogie Down » ou encore « Moonlightning » notamment, se sont ainsi enchaînés et ont redonné vie et espoir à un homme qui semblait déjà bien fatigué physiquement mais toujours au sommet de son art vocal. Une sorte d’équilibriste, navigant sur plusieurs octaves et gambadant d’un registre à l’autre. Une belle et longue « standing ovation » à clos ce concert devenu aujourd’hui testamentaire !
La coincidence a voulu qu’Al Jarreau nous quitte à quelques heures de la remise des prix de la 59è édition des Grammy Awards. Des récompenses qu’il avait reçues à sept reprises, dans des catégories très différentes.
Le premier en 1978, dans la catégorie Jazz vocal, pour son album « Look to the Rainbow« . Le dernier en 2007, pour le meilleur disque de R&B « God Bless The Child« , un prix partagé avec George Benson et Jill Scott. Entre temps, il avait été doublement distingué en 1982, comme meilleur artiste pop et meilleur chanteur de jazz masculin pour sa reprise du thème de Dave Brubeck, « Blue Rondo à la Turk » sur le même album !
Ainsi qu’en 1979 avec « All Fly Home » (catégorie jazz vocal), en 1989 pour « Heaven and Hearth » (R&B), et en 1981, pour « In Harmony : A Sesame Street Record« , un album de compilations pour enfants !
Des changements de genres musicaux qui avaient fait de ce natif de Milwaukee, dans le Wisconsin, en 1940, un chanteur relativement méprisé par les puristes qui voyaient en lui, une star du music-business voire de la musique de variété, touchant de la sorte un public beaucoup plus large. Cependant, à aucun moment son style vocal n’avait cédé à la facilité et avait toujours fait référence au jazz et gospel de sa jeunesse. Un héritage venant de son père pasteur adventiste et de sa mère pianiste.
Le jazz vocal masculin, dont les vedettes sont rares comparées aux femmes, vient quand même de perdre un de ses plus beaux fleurons.
—–=====—–
Cet article est disponible également sur Jazz Gazette, le blog de Didier Pennequin !
COMMENTAIRES RÉCENTS