Skip to main content
Actualité

Festival de Jazz à Ramatuelle 2015 – Small is beautiful…

Par 1 août 2015juin 27th, 2016Aucun commentaire

Sandrine Cormault, correspondante Couleurs Jazz dans le Sud Est de la France et journaliste animatrice de l’émission « Kind of Jazz » pour Radio Zéro Six, interroge Denis Antoine, directeur du Festival de Jazz à Ramatuelle, dont l’édition 2015, du 16 au 20 août, s’avère déjà exceptionnelle par sa programmation.

Nous retranscrivons ici les principaux échanges. Vous pouvez écouter l’émission intégrale en suivant ce lien : Ecu Ecouter l’itv Radio

    • Couleurs Jazz: Bonjour Denis Antoine, la programmation s’avère cette année encore exceptionnelle avec en ouverture, la chanteuse pianiste brésilienne Eliane Elias, du haut de ses 60 ans de carrière le batteur Daniel Humair, mais aussi l’élégant Monty Alexander et parmi la jeune génération, les pianistes Baptiste Trotignon et Jacky Terrasson. Comment avez-vous fait pour réunir toutes ces pointures lors de ce 30ème anniversaire ?
    • Denis Antoine : vous savez, il y a 30 ans d’histoire derrière… C’est plus facile de monter des projets. C’est un peu plus facile, car nous sommes un peu plus connus dans le milieu et que le festival a une très belle image dans le milieu du jazz, parmi les musiciens. Et comme nous fêtons les 30 ans du Festival, certains reviennent cette année car ils sont déjà venus plusieurs fois. Monty Alexander par exemple fait cette année son 4ème passage chez nous, sachant qu’il était venu la première fois pour la deuxième édition du festival en 1987.
    • Couleurs Jazz : 30 ans c’est un bel anniversaire, comment est né justement ce festival ?
    • Denis Antoine : Il est né un peu par hasard, car j’aimais évidemment le jazz, et nous avions lancé à l’époque dans les jardins, une Nuit du Jazz, en 1985. Cette année-là, la commune était entrain de construire juste en face de la route, un petit théâtre de verdure, et l’année d’après nous avions donc un outil pour passer à quelque chose de plus important. Je connaissais Guy Lafitte, à l’origine de Jazz in Marciac, je suis donc allé le voir chez lui dans le Gers, puis je l’ai embarqué dans cette aventure et nous avons décidé de faire un festival un peu à part, car nous sommes dans un lieu un peu petit, avec une excellente proximité entre les artistes et le public et dans lequel il y a un son merveilleux. Donc on s’est dit, ici si on veut faire quelque chose de différent, il faut faire des concerts rares.
    • Couleurs jazz : Vous parlez de la proximité avec les artistes, quelle est la particularité de Jazz à Ramatuelle par rapport à d’autres grands festivals de la côté, comme Nice ou Juan les Pins en terme de programmation, de lieux de concerts ?
    • Denis Antoine : Malgré tout, le lieu est important. Comme nous avons une sorte de petit théâtre romain, effectivement tout le monde est très proche de la scène et il faut savoir que le spectateur le plus éloigné se trouve à seulement 20 mètres des musiciens. Bien souvent sur les gros festivals il y a une fosse qui sert à mettre les photographes, avant les premiers gradins. Chez nous il n’y a pas ça. C’est ça qui fait beaucoup, nous sommes dans un cocon. Et la dimension du site puisque nous pouvons accueillir entre 800 et 1 000 personnes, donne cette intimité, cette proximité. Et comme le son est extraordinaire, les musiciens se sentent peut être plus sereins que sur de grosses scènes. Nous sommes une petite équipe de bénévoles sur un site très concentré : tout le monde se connaît, il n’y a pas de badges…
    • © Tous droits réservés

      © Tous droits réservés

    • Couleurs Jazz : Donc vous avez réussi à donner ce côté très intimiste, cette ambiance des clubs de jazz à votre festival, ce qui fait aussi partie de la magie du jazz. Pouvoir se sentir proche des battements du contrebassiste, de la batterie, du trompettiste…
    • Denis Antoine:  Tout à fait, c’est une spécificité de Ramatuelle, qui est en fait un gros jazz club en plein air. Il y a cet esprit, cette proximité, à tel point que le son est merveilleux même naturellement, sur place. Il n’y a pas si longtemps que ça, Lee Konitz, à cette époque âgé de 80 ans, avait décidé de faire son concert de manière complètement acoustique.
    • Couleurs Jazz : Sauriez-vous me dire pourquoi la côte d’Azur est devenue une terre d’élection pour le jazz ? Car bon nombre de festivals ces 20 ou 30 dernières années, ont vu le jour là…
    • Denis Antoine : C’est le vrai mystère et le vrai miracle de la musique de jazz. Car on le sait, c’est très compliqué en terme de vente de disques, c’est une économie qui est très difficile et paradoxalement les festivals de jazz se multiplient et pour la plupart tiennent le coup. C’est vraiment très étonnant, on ne sait pas très bien expliquer. Ensuite, que ça ait marché un peu plus sur la Côte d’Azur, ce n’est pas une surprise de dire que c’est l’été et que de tous temps quand les musiciens sont venus sur Nice et qu’ils y ont trouvé un public et un bon climat, ils ont eu envie de revenir. Plus l’envie peut-être, de s’éloigner des clubs enfumés… voici sans doute l’explication.
    • Couleurs Jazz : Nous allons faire un pause musicale et je crois que vous nous proposez un premier morceau de Jacky Terrasson ?
    • Denis Antoine : Oui il s’agit de Kiff son tout dernier projet où l’on entend Jacky et sa façon tellement reconnaissable, percussive, très variée, avec des changements de rythmes incessants, où on l’entend ajouter des voix avec Sly Johnson. Un morceau très dynamique.

 

https://youtu.be/BBoM1A23YgU

  • Couleurs Jazz : Denis, pour revenir à la programmation proprement dite de Jazz à Ramatuelle, vous mêlez à la fois des artistes aux longues carrières comme de jeunes artistes, une façon de montrer que la flamme jazz se transmet de génération en génération ?
  • Denis Antoine : Oui, ça c’est une idée que nous avons lancée depuis le début avec Guy Lafitte : permettre des rencontres, montrer qu’il y a de jeunes musiciens qui jouent merveilleusement bien, et ne pas montrer seulement les musiciens que l’on voit partout, tout le temps sur tous les festivals. Il fallait aussi donner la place aux musiciens français. C’était une priorité. Alors cette année Daniel Humair (Suisse) revient, alors qu’il est venu à plusieurs reprises avec différents projets. Cette année nous sommes très contents de l’accueillir dans ce nouveau projet avec Vincent Peirani, victoire du Jazz 2015, artiste de l’année, accompagné d’Emile Parisien que nous avions fait jouer à Ramatuelle il y a 4 ans, alors qu’il n’était pas encore aussi connu. Aujourd’hui Emile Parisien a joué avec une liste phénoménale de grands musiciens. C’est un vrai lien ancré dans notre histoire.
  • © Tous droits réservés

    © Tous droits réservés- Daniel Humair

  • Couleurs Jazz : Alors être directeur d’un tel festival, est-ce être un défricheur de talents ?
  • Denis Antoine : C’est une question bien délicate celle –là ! Je ne sais pas si c’est être défricheur de talents, et certainement prétentieux de le dire, ce qu’il faut, c’est arriver à tisser des liens affectifs avec certains musiciens, pour pouvoir aussi leurs proposer quelque chose à un instant donné. Ou savoir quand ils viennent sur le festival, saisir leurs envies, connaître leurs désirs, le projet qu’ils ont en tête et pour lequel ils n’ont pas encore réussi à aboutir.
  • Couleurs Jazz : à ce propos avez-vous des souvenirs ou des anecdotes de collaborations inédites que vous auriez provoquées à Ramatuelle ?
  • Denis Antoine : Le tout dernier projet, le plus fou que l’on ait fait à Ramatuelle, était la venue de Jacky Terrasson, justement avec son trio auquel nous avons ajouté le trio de Yaron Herman. L’idée n’était pas de faire des duos de pianos comme on en a fait plusieurs par le passé, mais de faire jouer les deux trios ensemble !
  • © Tous droits réservés

    © Tous droits réservés. les Trios Yaron Herman et Jacky Terrasson

  • Et là je dois dire qu’au moment de la balance, les deux bassistes et les deux batteurs se demandaient si nous n’étions pas devenus fous et où nous voulions les mener. Nous nous savions qu’entre Jacky et Yaron ça allait forcément bien se passer, car nous suivons également la carrière de Yaron qui sera certainement présent à Ramatuelle en 2016, mais là j’avoue que ce fut une gifle pour tout le monde d’écouter ces deux merveilleux trios ensemble ! Cela ne s’était jamais produit auparavant.
  • © photo Step Baré 2012. Tous droits réservés

    © photo Step Barés 2012. Tous droits réservés

  • Une autre anecdote : nous avons fait jouer également Monty Alexander en duo de pianos avec Randy Weston, mais pour pimenter le tout,  Monty Alexander était venu avec son percussionniste aux influences jamaïquaines et brésiliennes et Randy Weston était venu avec un percussionniste très influencé par la musique africaine. Un concert inédit…
  • Couleurs Jazz : Pour en revenir à la programmation, on peut dire que vous restez dans une veine puriste en matière de jazz. Vous n’avez pas été tenté d’inviter des artistes disons « plus grand public » pour assurer votre billetterie ?
  • Denis Antoine : Et bien non, car la particularité justement de notre festival est d’essayer de tenir bon ! nous sommes une équipe entièrement bénévole, donc nous avons la chance de tourner à l’équilibre et nous ne sommes vraiment tenus par rien. Nos partenaires qui nous suivent depuis le début sont fidèles et ne rentrent pas dans cette idée de grossir à tous prix, d’abord parce que nous n’en avons pas les capacités, le théâtre ayant son nombre de places. Et nous avons décidé de garder une ligne esthétique envers et contre tout. Et c’est sur la durée que nous prouvons que c’est possible. Mais je comprends que certains festivals dérivent, aillent chercher autre chose, à cause d’une jauge plus grande, avec plus de frais. Car dès qu’il y a des permanents… Le problème que tous les festivals rencontrent, puisqu’il n’y a plus de festivals de Pop Music maintenant, tout ce qui n’est pas vraiment de la House Music ou de la variété pure et dure, bascule dans le jazz. Et donc il y a beaucoup de festivals de jazz où l’on se demande où est réellement la partie jazz ?… Ce sont des choix, mais il est vrai que cela fait un peu Canada Dry
  • Couleurs Jazz:  Chacun fait ses choix en effet ! A propos, vous nous proposez comme deuxième choix musical, un morceau d’Eliane Elias : Let’s get lost

 

  • Denis Antoine: Dans son dernier projet, Eliane Elias sort un album de musique brésilienne, mais nous avions été particulièrement enthousiasmés par son précédent projet qui rendait hommage à la musique de Chet Baker, car Eliane en plus d’être une voix est une excellente pianiste de jazz. En même temps la Bossa nova est aussi une musique d’été… Donc une petite concession, de qualité !
  • Couleurs jazz : Mais le jazz bossa nova, on le retrouve également à travers d’autres grandes figures du jazz comme Stan Getz! Aussi j’en profite pour vous demander de parler du quartet  Pure Getz qui sera en première partie du concert du 17 août.
  • Denis Antoine : Oui, c’est une formation invitée à jouer dans le cadre de notre festival off qui se passe en deux temps, avant les concerts et après les concerts de chaque soir, dans les jardins en face du théâtre.
  • © photo Emmanuel Bertrand. Tous droits réservés - Festival off

    © photo Emmanuel Bertrand. Tous droits réservés – Festival off

  • Cette année nous avons un peu changé la formule pour répondre à la demande de plus en plus nombreuse, avec un accès libre. Donc nous y accueillons des groupes de la région chaque soir : David Kuszowski trio, Jazz manouche ; le 2ème soir autour de la musique de Stan Getz ; le troisième soir, un trio autour de la harpiste Milevska qui démontre que l’on peut faire swinguer une harpe, puis Selim Nini Quartet originaire de nice et qui proposera une soirée autour de Charlie Parker. Et le dernier soir, un groupe de Montpelier, Rythm Gamblers nous entraînera vers un swing des années 40. Le festival off est un moment festif qui balaie l’histoire du jazz et qui permet aux non-initiés d’approcher le jazz.
  • Couleurs Jazz: Quel est et comment évolue le public du festival ?
  • Denis Antoine: C’est difficile à mesurer car nous sommes sur un secteur évidemment touristique. Donc nous avons des clients fidèles qui passent leurs vacances dans ce secteur, puis les autres qui se partagent entre les concerts et le festival off.
  • Couleurs Jazz : Faut-il être initié pour venir dans les festivals de jazz ?
  • Denis Antoine : C’est un peu la question que l’on me pose souvent : Quelle est la meilleure soirée pour venir à un concert ? je réponds forcément que c’est impossible pour moi de répondre, puisque j’aime tous ceux que nous avons programmés. Mais une initiation est utile. En revanche si vous aimez la musique, vous éprouverez forcément du plaisir en venant au festival de jazz à Ramatuelle. Quant à ceux qui disent ne pas aimer le jazz moderne, mais apprécier Charlie Parker, on se dit que tout n’est pas perdu et que des pas importants ont déjà été accomplis !
  • Couleurs Jazz : Qu’aimeriez-vous dire aux lecteurs-auditeurs de Radio zéro Six et de Couleurs jazz pour qu’ils viennent au festival de Jazz à Ramatuelle, sinon cette année, mais également l’année prochaine ?
  • Denis Antoine : Qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire !

 

Informations pratiques : Le Festival de jazz à Ramatuelle aura lieu du 16 au 20 août 2015

Dans le théâtre de verdure et les jardins de Ramatuelle, à 40 €, prix unique la soirée ou 150 € pour un pass toute la durée du festival.

Jazz à Ramatuelle – Billetterie

  • Couleurs Jazz : terminons cette interview avec des extraits de HIT, le dernier album que vous nous proposez de Baptiste Trotignon, qui sera en concert le jeudi 19 août.
  • Denis Antoine : Pour la petite histoire, nous aurons l’occasion d’accueillir ce soir-là en invité exceptionnel, le saxophoniste américain Mark Turner qui est pour moi, un musicien pour musiciens. C’est un futur John Coltrane tout de même !
© photo Paolo Soriani/ECM Records. Tous droits réservés

© photo Paolo Soriani/ECM Records. Tous droits réservés

 

Article en collaboration avec

new logo radio06

Laisser un commentaire