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Hit Couleurs JAZZ

Lors du 19e Festival JazzyColors au Centre Culturel Tchèque  au Paris Praha Jazz Club, vendredi 19 novembre 2021 à 20h, Tomas Liska & Invisible World jouèrent l’Espoir.

En attendant le concert, la sono diffuse des chansons populaires tchèques. Je n’y comprends rien mais c’est dansant. J’entends même une sorte de cornemuse, le seul instrument capable de faire peur à la guitare électrique, selon le Britannique Van Morrison. Concert sans microphone. Plus de 40mn de retard. Des vrais Jazzmen.

Batteur à mains nues sur ses cuisses et ses tambours. Accordéon et violon créent un souffle d’air. Ca sonne Europe centrale et orientale. Pas de clarinette. Ce n’est donc pas du Klezmer mais nous n’en sommes pas loin. Le violon a un micro portatif . Est il branché alors que les autres musiciens n’en ont pas. Le batteur a ajouté une grande canette de bière à son attirail. Pour Alphonse Allais, l’amour est un petit anarchiste tchèque. En effet, l’amour est enfant de Bohême. Il n’a jamais, jamais connu de loi. C’est dans cet esprit que joue ce quartet composé d’un Bohême, d’un Morave, d’un Serbe et d’un Turc. Les héritages des empires austro-hongrois et ottoman se mélangent pacifiquement dans cette musique.

©Photo Jacob Crawfurd

Intro en solo de contrebasse. Vieux bois brun. Ca résonne bien dans le ventre. Une ballade. Ca change des standards du Jazz. Ca vous emmène en voyage non pas en Amérique mais en Europe vers le soleil levant. Ca balance tranquille. Comme une péniche qui descend tranquillement le Danube. Fleuve qui est beau mais pas bleu, rappelons le. A Prague, sous le pont Charles, coule la Vltava. Les musiciens nous ont fait attendre plus de 40 mn après l’heure prévue pour le début du concert, n’ont pas demandé pardon à genoux au public pour l’avoir fait languir, n’ont pas produit de mot d’excuse de leurs parents mais , ouï ce que j’entends, ils valaient la peine d’attendre. Il y a du sentiment. C’est le Blues slave. Ca vous gratte l’âme. C’est trop beau pour être joué dans une croisière touristique sur le Danube ou la Vltava avec de pseudo-penseurs comme accompagnateurs.

Enchaînement direct sur un air plus rapide. Le batteur tapote doucement ses tambours aux baguettes. Envolées lyriques entre violon et accordéon. Le public, ravi, applaudit.

Passage à un air calme, traînant, languissant même. Ils nous la font au sentiment et ça marche. Accordéon et violon nous emballent sec. Le batteur tapote à mains nues sur ses tambours. Le bassiste assure un tempo souple. Le vent de la plaine bohême souffle dans une cave parisienne, germanopratine même.

Tomas Liska annonce les titres des deux premiers morceaux. En anglais, avec l’accent tchèque. J’avoue ne pas avoir compris. J’aime la musique. C’est l’essentiel.

© photo frantisekortmann.eu

« Alegria en Masca « . Rien à voir avec la pandémie de Covid. Jeu de violon en pizzicato. Vague à l’âme de l’accordéon. Du miel pour les oreilles. Le quartet démarre avec le batteur aux balais. Effectivement, c’est joyeux. Avec un pointe de nostalgie slave tout de même. Du sentiment mais pas de sentimentalisme. Le violon en rajoute une couche à l’archet. Solo d’accordéon ponctué par les picotements du violon et la pulsation de la contrebasse et de la batterie. Le quartet nous emmène loin. Ca me donne envie de danser joyeusement avec une partenaire de qualité. Je n’en ai pas ce soir et, d’ailleurs, le public reste sagement assis à écouter. Ils font descendre la pression pour la remonter jusqu’au final. Le jeu est passionné et maîtrisé.

«  Soundtrack« . Cf extrait audio au dessus de cet article. Une ballade. Cela ferait une belle musique de film romantique. Genre les amants enlacés sur un pont de Prague. Le titre du morceau colle bien à cette ambiance. C’est romantique en diable mais sans guimauve. C’est l’amour passionnel et fusionnel avec rires et larmes.

 » Mafioso « . Un air vif, un peu sombre. Un autre genre de passion., plus violente, plus brutale. Des Mafiosi, il y a en République tchèque aussi. Batteur aux baguettes qui met des pêches. Solo de contrebasse. Le batteur ponctue à mains nues sur ses cuisses. Violon et accordéon prolongent le son. Bonne vibration. Le quartet propose un jazz original ancré dans la tradition au sens de Gustav Malher (1860-1911):  » La tradition, ce n’est pas la vénération des cendres mais la préservation du feu « . Pas lent de la contrebasse. Rafales èches de la batterie et cordes grattées du violon. Ca sent le guet-apens. Ca va mal finir. Premier solo du batteur bien stimulé par les 3 autres musiciens. Il découpe le temps aux baguettes. Ca claque des mains et des pieds. Stop.

PAUSE

Le violon s’accorde. Ce qu’il n’a pas fait au 1er set. La partie se joue en 2 sets gagnants. Une ballade. La contrebasse impulse le tempo. L’accordéon s’étire langoureusement. Le batteur joue du balai main gauche et des maracas main droite. Violon en pizzicato puis à l’archet. Tranquille. La grâce et la classe. Ca balance tout doucement en finesse. En France, pour une musique de ce genre, ancrée dans un terroir et résolument moderne  je pense aux Grands Anciens, toujours en activité, Michel Portal & Bernard Lubat. C’était  » Shaker « .

 » Dunga Runga « . Ou «  Notelaea Ovata « , un petit arbre australien au bois très dur, utile pour fabriquer des outils. Le compositeur prétend qu’il ne connaissait pas le sens des mots en créant le morceau. L’accordéoniste se lance ponctué par le batteur aux mains nues sur les tambours. Le violon vibre sous l’archet. Le quartet démarre avec le batteur aux baguettes. Ca remue agréablement. Solo de violon avec un son nettement oriental. Le violoniste est turc et cela s’entend. Les 4 hommes se mettent à chanter joyeusement  » Da da la da da da « .

Le violoniste va nous chanter une chanson turque. Une chanson d’amour triste qui finit mal.  » Ne pleurez pas, s’il vous plaît  » nous avertit Efe Turumtay. Intro en violon solo qui, de nouveau, sonne très oriental dans sa plainte. Il chante une chanson d’amour triste et cela s’entend. Vibration de la contrebasse et de l’accordéon tout en douceur. La voix se déploie bien sous la voûte de pierre du Paris Praha Jazz Club (depuis 2001).

Le morceau titre de l’album.  » Hope « . Cf vidéo sous cet article. Le batteur commence avec un balai main gauche et les maracas dans la main droite. L’accordéon donne la vibration. Le violon plane au dessus. Contrebasse et batterie pulsent bien sûr. L’accordéon plonge dans le bain. Que c’est bon, nom de Zeus! Je suis déçu en bien, comme disent les Suisses. Le batteur compte une grande canette de bière et un tambour de machine à laver dans son attirail.

La seule reprise du concert. «  Atmadra  » ‘(?). Un air vif, énergique. Je ne connais pas même si Tomas Liska prétend que tout le monde connaît. A Prague peut-être. Le violon sonne de nouveau oriental mais joyeusement cette fois. Chaque musicien porte en lui ses racines mais cela n’empêche aucun d’avancer.

RAPPEL

Après les Polonais du Witold Janiak Trio  lors de l’édition 2018, les Portugais d’André Carvalho lors de l’édition 2019, l’édition 2021 du festival Jazzycolors m’a permis de découvrir, de nouveau sans en avoir jamais entendu une note avant le concert, le quartet du Tchèque Tomas Liska. Nouvelle excellente surprise. J’espère faire de nouvelles découvertes lors de la 20e édition en 2022. La 19e édition du festival Jazzycolors à Paris, en France, dure jusqu’au mercredi 1er décembre 2021.

Interprètes :

Tomas Liska : contrebasse, composition, direction, voix (Bohême, République tchèque)

Kamil Slezak : batterie, percussions, voix (Moravie, République tchèque)

Nikola Zaric : accordéon, voix (Serbie)

Efe Turumtay : violon, voix (Turquie)

L’Album  » Hope  » (2020), reçut le Grand Prix du meilleur album de jazz tchèque.

La version originale de cet article est publiée dans le Blog « Le Jars Jase Jazz » de Guillaume Lagrée, par ailleurs animateur de l’émission du même nom sur Couleurs Jazz Radio les lundis à 22H et vendredi à midi, heure de Paris.

©Photo Header Dusan Tomanek

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