Il est de ces albums qui font du bien entre nos oreilles, qui reposent des stress de la vie, qui font oublier (un instant) l’incommensurable bêtise de nos contemporains.
A ce stade on se dit qu’il y a des types doués quand même, des types bien. On ne peut pas jouer de la six cordes de cette façon et être mauvais. C’est juste impossible.
Surtout avec des compositions originales si bien écrites.
Voilà ce que je ressens en ce moment en écrivant cette chronique tout en écoutant pour la énième fois Desert Highway.
Un jazz qui swing, qui oscille entre le blues et le rock. Mais sans effets de manches, comme on le dit plus volontiers des avocats… Alors que le phénomène se retrouve aussi parfois chez les guitaristes, et pas seulement.
Pas de facilités qui plaisent temps à l’amateur de variétés ou de musiques d’ascenseurs. Oui, je sais, pas toutes… Mais quand même…
Donc non, pas d’esbroufe, mais des riffs bien emmenés, la virtuosité facile… Enfin qui paraît facile ! Ne nous y trompons pas.
Un excellent musicien Thomas Naïm, avec de jolis compositions, avec de beaux arrangements et des mélodies qui vous parlent. Il faut dire qu’il est accompagné d’une rythmique solide et efficace, mais qui sait se faire délicate et toujours précise.
On est dans le sobre et l’essentiel, plus que l’épure.
Comme une envie de prendre la Desert Highway !…
Lineup :
Thomas Naïm : Guitare et compositions
Marcello Giuliani : Contrebasse
Raphaël Chassin : Batterie
L’album sort le 2 novembre sous le label Rootless Blues.
Concert de Sortie de l’album : Les Disquaires. Mardi 30 octobre.
Thomas a bien voulu en exclusivité répondre à nos questions :
Couleurs Jazz : Peux-tu nous expliquer ce projet « Desert Highway» et déjà, pourquoi ce titre ?
Thomas Naïm : cela faisait déjà longtemps que je songeais à enregistrer un disque en trio guitare-contrebasse-batterie. C’est une formation que j’apprécie beaucoup dans le rock comme dans le jazz car elle permet de donner beaucoup d’air, d’espace à la musique tout en pouvant être très puissante à l’image des power trio des 60’s.
La musique de ce disque est ancrée dans le blues et évoque les grands espaces, je voulais qu’elle raconte une histoire, que l’auditeur se laisse transporter du début à la fin, se fasse embarquer comme dans un road movie.
C’est un album instrumental mais je désirais intégrer des voix, de façon sporadique, juste en saupoudrage, pour apporter une autre couleur au disque, cela s’est traduit par un titre blues orientalisant accompagné d’un « spoken word » en arabe et une forme d’hommage à Martin Luther King dans le titre « The promised land ».
Quant au titre « Desert Highway » c’est le morceau autour duquel j’ai composé tout l’album. Je trouvais que ce titre décrivait bien l’univers sonore des dix autres morceaux, donc je l’ai utilisé aussi comme titre d’album. C’est également un clin d’œil au film Lost Highway de David Lynch qui est un de mes films préférés.
CJZ : Que voudrais-tu que le public retienne ou comprenne de ta musique ?
TN : J ‘aimerais que le public retienne les thèmes bien sûr mais aussi un univers sonore, un « mood ». J’aimerais que l’auditeur puisse s’inventer une histoire autour de la musique. Également qu’il associe ce disque à un son de groupe, je désirais que cet album ait une vrai identité sonore et qu’il y ait une unité entre tous les titres.,
De même pour les visuels, nous avons passé du temps à chercher l’iconographie de la pochette de l’album et des cinq singles qui ont précédé sa sortie afin qu’elle retranscrive bien cette identité sonore tout en pouvant faire travailler l’imagination de l’auditeur.
Il y a un vrai lien entre musique et image sur cet album.
CJZ : Quels sont tes guitaristes références ? Quelles sont tes influences et tes sources d’inspirations ?
TN : Il y en a beaucoup, dans le désordre :
Jimi Hendrix, Wes Montgomery, Grant green, Baden Powell, Marc Ribot, Allan Holdsworth, Pat Metheny, George Benson, Ali Farka Touré, Charlie Christian, Prince
Mes Influences principales : les Beatles, Miles Davis, Led Zeppelin, Michael Jackson, Herbie Hancock, Antonio Carlos Jobim, Al Green, Stevie Wonder, John Zorn, Tom Waits, Joni Mitchell, Fela.
Mes sources d’inspiration : En ce qui me concerne beaucoup de choses peuvent être source d’inspiration, ça peut être un film, une rencontre, un titre, une discussion…très souvent aussi jouer d’un autre instrument que la guitare, jouer avec d’autres musiciens et écouter d’autres musiciens…
CJZ: Le choix des musiciens qui t’accompagnent ?
TN : Cela fait plus de quatorze ans que je joue régulièrement avec Raphaël (Chassin). Il a joué sur deux de mes disques et nous avons fait plusieurs tournées ensemble avec Hugh Coltman mais aussi avec d’autres artistes comme Albin de la Simone. Marcello (Giuliani) figurait sur mon précédent album solo, je l’avais découvert sur les disques d’Erik Truffaz et j’avais adoré son jeu.
Je savais qu’ils comprendraient le projet immédiatement, tant au niveau des compositions que du son de groupe que je recherchais. Nous avons la même culture musicale, nous aimons autant le blues, la pop ou la soul que le jazz donc je savais qu’avec eux ça roulerait tout seul. En plus ce sont des musiciens très créatifs qui font beaucoup de propositions musicales du coup j’ai fini par modifier les arrangements de la plupart des titres pour inclure leurs propositions. Les arrangements de cet album ont vraiment étaient faits lors de l’enregistrement, à trois.
CJZ : C’est quoi le Jazz aujourd’hui pour toi ? Est-ce que ce mot a du sens ? Quelle serait ta définition personnelle ?
TN : Le Jazz, pour moi, c’est plus un état d’esprit qu’un style de musique. Aujourd’hui ce n’est plus seulement qu’une affaire de swing et d’impro, il se nourrit de plus en plus d’influences diverses donc il me semble difficile à définir.
Mais je dirais que s’apparentent à l’idée du jazz les musiques qui à la fois laissent une large place à l’improvisation, ont un côté aventureux en matière de compositions et/ou d’instrumentation, et qui ne sont pas formatées tant, par exemple, au niveau de la durée ou de la métrique.
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