Le jazz, c’est une pulsation, une énergie tellurique, une lutte de chaque instant. C’est une musique qui ne peut exister que par la technicité et la sueur de ses musiciens. C’est une musique qui ne s’écoute ni ne se prend à la légère…
C’est peut-être vrai. Mais ce serait réduire ce style musical que de le limiter à cette définition. Et le meilleur moyen de s’en rendre compte est de prendre le temps d’écouter Kristallen. Une perle de tendresse et de douceur sortie chez Act.
Ce que l’on peut dire dans la description de l’album faite par le label : « Kristallen fait référence au moment où les bords des cristaux scintillent et reflètent des couleurs inattendues. Il a un certain espace de paix, propice à l’imagination. De la magie couplée à de la fragilité. » Car c’est bien ce sentiment qui résulte de l’écoute : une profonde tranquillité, de l’apaisement sous forme musicale.
Pour ce faire, les musiciens usent d’une belle variété de répertoire. L’album va des pièces aériennes, aux reprises de standards et de pop en passant par des ballades et des compositions originales. Il s’ouvre sur une pièce éthérée : Blekinge, écrite par Jan Lundgren, qui marque par son caractère impressionniste, qu’on pourra retrouver plus tard comme dans Hornlatar, reprise d’un air traditionnel. Le pianiste comble l’espace par des tapis d’accords atmosphériques au-dessus desquels se déploie le trombone de Nils Landgren. La tessiture du cuivre est très aigue, hors de son registre habituel. Le cuivre ne quittera pas cette hauteur de l’album. C’est compris, il faudra donc nous élever pour apprécier proprement l’œuvre.
Rapidement, un thème célèbre nous extirpe de notre rêverie, il s’agit de Country. La reprise nous fait observer les couleurs de Kristallen sous un nouvel angle. La version des deux musiciens suédois est légèrement plus lente que l’originale, plus paisible, appuyée par le son rond du trombone et le jeu très mélodique de Lundgren qui n’est pas sans rappeler celui de Keith Jarrett.
S’en suit un cycle de chansons d’amour chantées par Nils Landgren dont une magnifique reprise des Beatles : I Will. La version de Lennon et McCartney étant d’un caractère plutôt caustique, nos musiciens suédois en font une ballade optimiste, dont la nonchalance fait écho aux paroles, emplies de naïveté. Cette version vous permettra de jeter sur l’avenir un regard neuf, plein de bienveillance et d’espoir. L’album se clôt par une dernière reprise, aux allures d’hymne, The Wedding d’Abdullah Ibrahim, à la beauté délicate et solennelle.
Autant dans les reprises que dans leurs compositions originales, Nils Landgren et Jan Lundgren ne font pas étalage d’une musique qui réclame de l’attention, ils ne forcent pas l’admiration par leur dextérité mais par leur élégance. Leur maîtrise consiste à manipuler l’espace sonore et véhiculer une grande intensité d’émotions malgré cet effectif réduit. Un album où la beauté est à trouver dans chaque morceau, pourvu que l’on prenne le temps d’y faire attention
©Photos ACT Steven Haberland
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