Skip to main content

L’action débute à Harlem au début du XXe siècle. C’est l’époque où la communauté noire, consciente de sa place dans l’Amérique blanche, poursuit une lutte pour l’égalité des droits civiques

…sous l’impulsion de personnalités charismatiques comme Booker T. Washington, Marcus Gravey et W. E. B. Du Bois.

Les artistes participent aussi au mouvement. Les comédiens de vaudeville George Walker et Bert Williams triomphent à Broadway avec la pièce In Dahomey (1902). Lancé par Ernest Hogan, un vétéran des minstrel shows et propagateur du ragtime, le chef d’orchestre James Reese Europe, alias Jim Europe, remporte, en 1913, un grand succès sur la scène du Carnegie Hall, un sanctuaire de la musique pour la bourgeoisie blanche.

Militant convaincu, Reese voit dans la participation des États-Unis à la première guerre mondiale, une occasion unique d’en finir avec le ségrégationnisme dont souffre son peuple. Il s’engage dans l’armée américaine et débarque en France en 1917, à la tête de la fanfare du 369e régiment d’infanterie, les fameux Hellfighters.

C’est son incroyable histoire que nous raconte, sur fonds de guerre et de lutte anti-ségrégationniste, cette BD accompagnée de douze pages d’annexes. Les dialogues de Malo Durand infusent un rhythme enlevé à l’action illustrée par le dessin réaliste d’ Erwan Le Bot et les belles couleurs de Jiwa.

Le récit est bien documenté et nous montre les européens enthousiasmés découvrant le rythme syncopé du ragtime. Apparaît aussi l’engagement total de Jim Europe dans ses convictions. Les généraux américains doutant de la valeur militaire d’une troupe noire, Jim Europe exige de monter au front pour se battre aux côtés de l’armée française, dont le commandement, habitué aux guerres coloniales et acceptant toutes les contributions, connaît la bravoure. Rappelons que l’utilisation de la « force noire » dans une guerre continentale était préconisée, dès 1910, par le colonel Charles Mangin. De retour au pays, le 369e régiment, décoré de la Croix de guerre pour sa conduite héroïque au feu, défilera dans les rues de Harlem sous les acclamations de ses habitants.

En versant le même sang, on ne gagne pas nécessairement les mêmes droits…

Malheureusement, ce moment de gloire sera de courte durée car les mentalités n’ont pas changé. Les soldats démobilisés retrouveront le même climat ségrégationniste avec son lot de vexations et de lynchages. La désillusion sera cruelle pour Jim Europe qui finira poignardé par l’un de ses musiciens, deux mois après son retour. Comme quoi « en versant le même sang, on ne gagne pas nécessairement les mêmes droits ».

Cette bande dessinée est accompagnée d’un cahier graphique fort utile.

Jazz Lieutenant, de Malo Durand, Erwan Le Bot et Jiwa, éditions Locus Solus, 80 pages, 2018. 

 

Laisser un commentaire