Helveticus – Our Way – Couleurs JAZZ

Ca commence par une majestueuse ballade qu’exposent la contrebasse et les cymbales suivies par le trombone joué avec une sourdine.

D’emblée tout est dit : ces trois Suisses se soucient avant tout du son et celui qu’ils déploient est magnifique et rare.

En effet combien existe-t-il de trio trombone/basse/batterie ? Celui-ci met clairement la barre très haut, ce qui n’a rien d’étonnant quand on en connaît les partenaires, qui réunissent ici trois générations. Daniel Humair, l’aîné octogénaire, n’a plus besoin d’être présenté tant sa carrière d’une soixantaine d’années l’a vu explorer toutes les facettes du jazz moderne.

Mais on n’en finit pas de s’étonner de sa capacité à se renouveler en se confrontant à des comparses plus jeunes que lui. C’est décidément un musicien à qui la nostalgie est indifférente.

D’ailleurs combien d’instrumentistes de son âge sont encore en activité ou capables de pratiquer un jeu d’une telle modernité ?

Le sexagénaire Heiri Känzig est l’un des plus grands bassistes européens et on l’a aussi bien entendu au sein du Vienna Art Orchestra ou de notre ONJ que dans de petites formations comme le trio helvético-autrichien Depart ou le quartet franco-helvétique du regretté Charlie Mariano. C’est dire qu’il possède — outre une sonorité profonde — une large maîtrise du langage du jazz contemporain comme des idiomes plus anciens.

Samuel Blaser, le cadet du trio, est un jeune quadragénaire en pleine possession de ses moyens expressifs et d’une virtuosité qu’il promène des deux côtés de l’Atlantique, jouant aussi bien avec Marc Ducret ou Vincent Courtois qu’avec Russ Lossing ou Paul Motian. Blaser possède indéniablement une des plus belles sonorités de trombone qui se puisse entendre et ses talents d’improvisateur n’ont pas de limite et lui permettent, entre autres, de se produire en solo absolu. Pour leur second opus, après « 1291 », paru en 2020, les trois comparses ont choisi d’explorer un répertoire où se côtoient des compositions collectives, des standards de Thelonious Monk ou de Duke Ellington, des morceaux de la plume d’Humair ou de Blaser et même des airs traditionnels suisses.

C’est dire que le mot d’ordre ici est la diversité et le trio prend magnifiquement en charge ces thèmes avec un souci de la mélodie, un art du phrasé et un son de groupe absolument remarquables. L’entente entre les trois est palpable et leurs échanges sont passionnants à suivre, aussi bien au niveau des timbres de chaque instrument qu’à celui des envolées lyriques du trombone et de la contrebasse que la batterie accompagne tout en finesse avec un jeu sur les cymbales d’une variété époustouflante.

Voici donc un disque magistral réalisé par trois musiciens qui n’ont pas fini de nous ravir.