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Le Jura, et son vignoble du Revermont, serti de reculées, c’est là que se situe le petit village de Frontenay, 180 habitants et son château médiéval du XIVe siècle, remarquablement conservé et encore habité par ses descendants. Sur ce promontoire, les festivaliers bénéficient d’une vue sur le vignoble, puis la plaine de la Bresse, avec en ligne de mire et en fond de tableau, les côtes de Beaune.

Avec ce décor ainsi planté, quand vous aurez ajouté à la beauté et à l’enchantement du site, la qualité de l’accueil de la formidable équipe de bénévoles du village -80 personnes emmenées par Jean-Claude Pacaud, le Président de l’association, lui-même musicien- vous comprendrez alors l’enthousiasme du public et la magnifique énergie qu’ont ressentie les musiciens des six formations qui se sont succédées lors de ces deux soirées 100% Jazz.

©Photo Jacques Pauper

Pour qu’il y ait magie, il faut les ingrédients. Les ingrédients étant mis à la disposition des musiciens, (sans parler des vins jaunes et autres vins locaux fortement typés !) six concerts tous différents, offrirent une large palette des couleurs du jazz, grâce à l’énergie et l’envie de tous les groupes programmés.

A noter également la qualité du public (il est vrai, mis dans de très bonnes dispositions*) de tous âges, sexes et professions, venu des alentours, comme de pays frontaliers (la Suisse est à quelques encablures seulement), mais aussi des Italiens, des Espagnols, des Hollandais. Jusqu’à des Américains venus des Etats-Unis, alors que leur président avait lui préféré Biarritz… Tout comme le ministre Iranien d’ailleurs.

©Photo Jacques Pauper

Qualité en effet dans l’écoute, l’attention et le désir de découvrir des musiques nouvelles. Les réflexions et les commentaires entre chaque concert, émanant du public, montraient un réel intérêt, de la curiosité et parfois une bonne culture jazz.

 

© Yannick Seddiki – Photo Gaby Sanchez pour Couleurs Jazz

Le concert d’ouverture fut assuré par le trio de Yannic Seddiki, pianiste virtuose, qui nous proposa un jazz chatoyant et habité d’une folle énergie. Sa présence très physique dans le jeu, me faisait penser à ces conducteurs de chars de l’Antiquité qui menaient leurs montures dans des galops effrénés. La rythmique assurée par Yoann Bellefont à la contrebasse et Dimitri Delporte à la batterie séduisit également le public averti, en s’assurant que le voyage se poursuive de découvertes en découvertes, sans jamais tomber dans les ornières.

©Yves Rousseau – Photo Gaby Sanchez pour Couleurs Jazz

Le temps de reprendre notre respiration, et de déguster frais, un verre de Savagnin de la famille Baud, tout en regardant le soleil disparaître à l’horizon et nous voici emportés dans un tout autre voyage, sur coussin de velours, pour écouter le duo « Continuum » emmené par Jean-Marc Larché au saxophone et Yves Rousseau à la contrebasse. Les compositions originales ciselées à l’or fin et signées des deux artistes, nous ont emportées vers un monde baroque, jazz, de Bach à l’improvisation la plus dépouillée, intimiste, malicieuse parfois, et toujours complice : les deux compères ont 30 années d’expériences communes ! …La poésie faite jazz.

©Tricia Evy, David Fackeure – Photo Jacques Pauper pour Couleurs Jazz

Pour terminer cette première soirée, il était alors plus de 23H, monta sur scène le quartet de Tricia Evy, (la marraine de Couleurs Jazz Radio) accompagnée de 3 hommes forts du Jazz actuel : David Fackeure, au piano et aux arrangements qu’il se dispute avec Tricia et avec humour, lors de leurs joutes verbales ponctuant les morceaux tirés de « Usawa » leur dernier album (dont la chronique figure sur ce media) et des indestructibles : Thierry Fanfant à la basse si groove et Francis Arnaud qui fit sa réputation comme batteur d’artistes tels que Charles Aznavour, Eddy Louis, Roberto Fonseca…

Avec une tel équipage, on peut partir en voyage du Jazz traditionnel au jazz des Antilles, en faisant même un petit détour vers Sète et un hommage touchant à Georges Brassens. (Nous attendons avec impatience un album Brassens en Jazz by Tricia Evy…)

Des invitations à communiquer avec le public, qui une fois n’est pas coutume, ne se fit pas prier pour faire le chœur et qui de plus chantait juste (dixit l’artiste) !

Des moments de belles émotions, quand Tricia scatta à la manière d’Ella et même de Louis Armstrong ! De la générosité, du cœur, et un talent énormes ont conquis le public qui resta un bon moment ensuite, (au delà de 1H du matin) à profiter de la douceur de cette soirée Jurassienne.

L’après-midi du samedi était consacrée au jazz off : un parcours initiatique, au sens réel du terme puisqu’il s’agissait d’arpenter les routes et chemins du village de Frontenay, à la découverte des caves et des vins qu’elles abritaient, vins jaunes, vins de Paille et autres macvins, ainsi que pour l’occasion des orchestres de jazz ou de musiques du monde, des jams, etc.

Citons par exemple les Maisons Vuillaume, avec les vins d’Eric Goypieron et la musique de Funny Funky, la Maison Prudent avec la fruitière vinicole de Voiteur et le quartet du Poulpe Noir, La Maison Bidot qui accueillait le Domaine Bondet (Château Chalon) et le duo Vénézuelano-Colombien de Rebecca Roger, chanteuse et  Sergio Laguado, guitariste.

La Maison Petitotqui accueillait le pianiste et compositeur de la famille, Léo Petitot ; Tricia Evy, Yannic Seddikiet Yoann Bellefont ou encore le trio de Damien Groleau.

Dans la cave du Château de Frontenay on pouvait goûter les vins de la maison Chevassu-Fassenet tout en écoutant le swing latino de Bugala 4tet et finalement dans le village voisin de Passenans, une dernière cave proposait des vins de la Maison Grand et l’Inititial Trio sur des compositions de Vladimir Torres.

©Tricia Evy – Photo Jacques Pauper pour Couleurs Jazz

Cette promenade gustative nous conduisit jusqu’à l’orée de cette deuxième soirée, avec en ouverture, un quartet très attendu, celui du pianiste Bruno Angelini accompagné de uniquement de musiciens leaders :Régis Huby au violon, Claude Tchamitchian à la batterie et Edward Perraud aux percussions.

Une musique lyrique, faite de pudeur, de douceur et d’envolées, pleines de surprises qui vous cueillent et vous emmènent vers des horizons jusqu’ici inconnus.  L’originalité ne vous déconcerte pas pour autant, mais vous tient toujours en haleine. Et il s’est déjà passé plus d’une heure, quand arrive le temps du rappel et que vous croyez vous être évadé dans un rêve sonore d’à peine 10 minutes. Merci messieurs d’Open Land, pour cette ballade hors du temps !

©Bruno Angelini – Photo Gaby Sanchez pour Couleurs Jazz

Une brève pose pour que le quartet de Giovanni Mirabassi, au piano et de la chanteuse à la voix velvet, Sarah Lancman ne s’installent. Nous goûtons alors les vins rouges fruités des côtes du Jura. Que les amoureux du tanin passent leur chemin. Tout est ici dans le fruit rouge, la cerise, le respect de la plante et du terroir.

©Sarah Lancman, Giovanni Mirabassi – Photo Jacques Pauper pour Couleurs Jazz

Sur la scène, la rythmique de luxe est assurée par Gianluca Renzi, le plus américain des contrebassistes Italiens et Lukmil Perez, le plus Cubain des batteurs parisiens, qui apportent toutes les couleurs de leurs originales signatures.

L’effet du lieu, de l’accueil, du public une fois encore, et le 4tet est tout de suite en place, Giovanni est assez heureux du piano qui lui est confié. Quelle délicatesse dans le toucher, quelles phrases il a pu déclamer (dès la balance !) Il y a des jours où les musiciens sont comme nous, simples mortels, ils ne font pas seulement bien leur travail. Ils sont possédés par la grâce. Certains sont touchés plus souvent que d’autres par ce phénomène. Dans tous les cas, le quartet était ce soir-là, sur un nuage fait de nuances et de swing. De la superbe ouvrage en communion parfaite avec le lieu et le public.

Après environ 3 bonnes heures de cette musique pleine et intense, dans cette douce et chaude soirée d’août, nous aurions pu quitter le festival de Frontenay, heureux et repus. Mais, le public gâté que nous étions, avait encore un feu d’artifice de sons et de lumières à s’offrir pour déchirer le ciel Jurassique étoilé avec le dernier projet du plus électrique (éclectique aussi) des saxophonistes actuel, Guillaume Perret.

©Guillaume Perret – Photo Jacques Pauper pour Couleurs Jazz

Une profusion de sons, de lumières, de boucles, de rythmes entrecroisés, pour créer une sorte de transe sonore qui emporta le public au-delà des étoiles.

A l’inverse de son précédent projet dont la performance avait déjà fait grand bruit, et bien que Guillaume Perret était là, seul pour recréer tous les instruments de l’orchestre, percussions comprises, avec son seul Saxophone électrifié, et pas mal d’ordinateurs, de boitiers électroniques et autres pédales, il était accompagné ce soir à Frontenay par, Julien Herné à la batterie, Yessaï Karepatian aux claviers et Martin Wangermée à la batterie.

©Public multi-générationnel captivé – Photo Gaby Sanchez pour Couleurs Jazz.

Emporter le public au-delà des étoiles, c’était bien là le but du dernier projet de Guillaume Perret qui écrivit  cet « Élévation » sur commande, pour illustrer un documentaire sur l’astronaute Thomas Pesquet, notre plus célèbre navigateur astral, qui aime le jazz et aussi le Jura,  et son Comté de la fruitière coopérative de Plasnes, située à 10’ minutes en voiture, sur le plateau, juste au-dessus de Frontenay. (Seul fromage AOC à avoir voyagé dans l’espace !). on ne pouvait rêver meilleur endrot pour reproduire en live cette musique.

Comme quoi, pas besoin d’aller si haut dans l’espace pour apprécier les beautés terrestres et la musique interstellaire de Guillaume Perret, ainsi que les fromages AOC du Jura.

Encore un grand merci à l’équipe des dévoués bénévoles de Frontenay Jazz,  à son Directeur Artistique, Nicolas Petitot et à son Président, Jean-Claude Pacaud.

Une telle biennale mérite de devenir rendez-vous annuel. Alors, so long…  et à l’année prochaine ?

 

 

©Photo couverture – Jacques Pauper pour Couleurs Jazz

©Photo Header, Château de Frontenay.

 

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