J’avoue que j’ai eu un peu peur pendant tout ce concert : autour de moi, 4 ou 5 personnes ont très vite décroché et puisque il n’y avait pas de pause, elles ne pouvaient pas partir. Alors ça ricanait, textotait, toussait, se moquait de cette « musique de Coucou Suisse, avec une note répétitive tous les kilomètres… »
C’était évidemment des « invités VIP », qui auraient mieux fait d’aller à un concert de Johnny.
Mais à la fin, l’ovation explosive de tout l’amphithéâtre du vénérable Institut Océanographique m’a rassuré quant à la capacité du public Parisien à savoir encore entrer dans l’écoute, et dans la suspension méditative que demande la rencontre avec Nick Bärtsh et Mobile. Soirée magique
Magique à tous égards, car c’est à une cérémonie, que Nick Bärtsh (piano), Sha (bass clarinet, contrabass clarinet), Kaspar Rast (drums, percussion ) et Nicolas Stocker (drums, tuned percussion) nous ont convié hier soir. Un rite chamanique, la convocation des éléments dans une transe répétitive, où chaque motif (modules) succède à l’autre comme une couleur de plus, une vague de plus dans la trame d’ensemble, dans le Continuum d’espace et de temps.
Alors oui, ce n’est pas de la musique festive, ni démonstrative. Oui, certains motifs sont très étirés, avec peu de notes (j’y reconnais des couleurs de Satie et Debussy). Oui cela tourne parfois en rond comme un derviche tourneur, avec de micro-décalages (comme les Phases de Steve Reich). Mais si on fait le geste d’ouvrir nos portes intérieures, cela nous prend par la main et nous emmène dans un voyage sonore en mouvement
Le piano, souvent en arrière, égraine des motifs aux harmonies couleurs jazz, boucles lentement évolutives, décalages subtils, sans aucune mélodie ou démonstration. Un tapis sonore vibratile, des feuilles d’arbres filtrant la lumière d’été comme un kaléidoscope, posées sur les percussions qui se déploient comme les branches d’un arbre centenaire, bercées doucement par le vent, oscillations lentes mais puissantes, comme le cou de grands animaux à l’écorce épaisse.
Le vent, c’est les clarinettes basses et contrebasses de Sha. Un souffle continu, clair et feutré, des écharpes mélodiques ondoyant doucement dans la brise, s’enroulant autour des arbres rythmiques avec une grande délicatesse.
Le temps s’est arrêté, hier soir, sous les lustres et les lambris patinés de l’institut Océanographique. Plus qu’un concert, voyage zen et méditatif dans le Coninuum, qui nous a fait un bien fou. Merci !
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