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Youn, c’est ma tendresse ! Je la suis depuis des lustres et cette magicienne me bouleverse, me ravit, m’émeut à chaque fois. Quand elle monte sur scène il lui suffit de chanter 3 notes pour mettre le public dans sa poche sans jamais, mais jamais faire la p…. 

Et là, elle commence tout doux, comme souvent, avec une diction d’une clarté lumineuse et une voix plutôt grave qui s’autorise de petites montées en puissance dans l’aigu qui donnent une petite idée de son potentiel et de l’étendue de sa tessiture. 

Puis elle revient à la douceur sur le second morceau qui, comme tous les autres, est de sa plume. Cette douceur de Youn, outre sa valeur proprement artistique qui est grande — et elle est épaulée par un band de tout premier ordre totalement acquis à sa cause — cette douceur, disais-je a une véritable valeur thérapeutique. D’aucuns me diront qu’elle devrait être remboursée par la sécu, mais ce point de vue me semble un tantinet vulgaire. 

Non, Youn, je le répète, est une magicienne, une sacrée sorcière du chant jazz et du chant tout simplement. Certains prétendent que depuis qu’elle a signé chez Warner elle ne fait plus du jazz mais de la pop. Que ces messieurs-dames aillent s’acheter une paire d’oreilles, traire les vaches ou garder les bœufs dans les vastes plaines désertiques de la surdité pathologique ! 

Quel que soit ce qu’elle chante, Youn, avec la voix qu’elle a, en fait son miel et nous le distille avec son cœur autant qu’avec son larynx. Là, au moment où j’écris elle rugit et gronde brièvement tandis que ses zicos peignent en arrière-plan un paysage harmonique, mélodique et rythmique aux teintes pastel mais sans la moindre mièvrerie. 

Youn et ses hommes ne donnent jamais dans la joliesse superficielle et facile. Ils naviguent toujours dans les eaux profondes de la beauté et ici, au Théâtre de la Mer où la Grande Bleue jette ses vagues contre les rochers c’est un spectacle… allez, je vais encore le dire… magique. Elle finit en rappel avec « Avec le temps » de l’autre anar richissime, Ferré, où ses sidemen prennent de fabuleux petits solos. Puis elle les fait chanter avec elle et ça me rappelle — toutes proportions gardées — un sublime lied de Schubert pour voix de femme et chœur d’hommes qui s’appelle « Ständchen (Zögernd leise), D.920 ». Puis elle se lance dans un rock (z’avez raison, les mecs/meufs : c’est plus du jazz — Hi !Hi !Hi ! Qu’il est con ce Quénum !) et ses zicos prennent de nouveau de beaux solos sur lesquels elle danse doucement sur place. 

Au bout de trois rappels (le public du Théâtre de la Mer ne veut pas la laisser partir et puuu…… — pardon my vulgarity — je veux dire peste, poix, diantre fichtre-foutre, comme chante le fantôme de Brassens qui regarde tout ça depuis le Cimetière des Pauvres où gît son squelette alors qu’il souhaitait être enterré sur la plage de Sète (« Quand part le car pour Caen ? Le car pour quand part à 7. » disait son grand et gros ami Raymond Devos) — fichtre, donc, ce public a hachement raison bien qu’il soit difficile de raison garder quand Youn chante. Au bout de trois rappels disais-je avant que vous ne m’interrompissiez — arrêtez tout de suite ou je me fâche — elle laisse sa voix enfler jusqu’au cri primal. Pas du jazz, çà ? A ceux qui le prétendent je refuserai désormais d’adresser la parole, et ça ils ne pourront pas le supporter longtemps.

Signé, Thierry Quénum, qui part fumer sa pipe — comme le Grand Georges — pour se remettre de toutes ces émotions qui…

Musiciens :

Youn Sun Nah : Voix

Brad Christopher Jones : Contrebasse, basse électrique

Thomas Naïm : Guitares acoustique et électrique

Tony Paeleman : Piano, Fender Rhodes, synthétiseur

©Photos Pierre Nocca

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