Daymé Arocena est actuellement l’une des expressions les plus acclamées de la musique cubaine contemporaine. Après s’être essayée au piano, au violon et à la guitare, elle a compris que sa voix était son meilleur atout. Elle a donc entamé une carrière de chanteuse qui l’a amenée à travailler avec Roberto Fonseca, Jane Bunnett et Gilles Peterson. Après ses débuts avec Nueva Era (2015)(cf.Couleurs Jazz N°11 sur iPad), elle revient en 2017 avec un beat complètement different : plus mature et plus personnel. Accompagnée par le pianiste Jorge Luis Lagarza, le bassiste Rafael Aldama et le batteur Ruly Herrera; elle écrit une véritable lettre d’amour à sa patrie et à son île bien-aimée : Cuba.
Sa voix est une force de la nature. Comme si elle parlait un langage caché ou comme si elle avait un message transcendantal à diffuser. Elle couvre tout le monde avec une aura de famille, elle sourit en étirant ses lèvres sur des dents blanches et brillantes qui réfléchissent presque autant la lumière que ses yeux.
Elle est puissante d’une manière déconcertante, insolite et déroutante, emportant tout l’auditoire en promenade, dans un voyage, accomplissant le devoir de n’importe quel musicien qui n’apprécie vraiment le travail que si il est partagé.
« Je suis redevable à la musique que ma patrie m’a donnée. C’est un cadeau des dieux et c’est ce que je suis venue faire sur cette Terre. »
« Cubafonía » est une explosion de magie. Un croisement de ce que Daymé Arocena exprime à Cuba: le magnifique brassage de toutes les cultures, la beauté (peut-être le seul avantage ?) du colonialisme, comme elle le présente elle-même – l’essence de la mixité. Elle met en évidence le charme de ce que Cuba est devenu au fil des années. Après avoir évolué grâce aux immigrés, aux esclaves, aux colons, aux émigrés, aux inconditionnels et aux ennemis, aux riches et aux pauvres, au vrai comme au faux.
« C’est le Cuba qui coule dans mes veines, celui qui bat en moi dès que je fais de la musique. Mais je n’ai pas besoin d’inventer un nouveau Cuba pour faire de la musique. La vraie Cuba ressort. L’énergie, le bonheur. Le résumé courageux et pur de cette île. Cubafonía est le son musical. »
Non seulement parce que cela montre l’évolution de Daymé elle-même en tant que nouvelle artiste, cosmopolite authentique et personnelle, mais aussi parce qu’elle nous offer sur un plateau, l’héritage qu’elle porte fièrement. Elle n’a plus besoin de forcer son talent avec des mélodies qui n’expriment pas son plein potentiel ou des chansons qui ne seraient pas tout à fait elle-même.
C’est la raison pour laquelle « Cubafonía » crée quelque chose d’épique et de viscéral par amour.
« J’aime mes musiciens, ils sont ma famille« , dit-elle. Et visiblement ses musiciens l’aiment. Et cela peut se vérifier dans la production de l’album lui-même. Elle est portée par une aura toute cubaine, entourée par son foyer tout au long de la production et tout au long de la performance.
En résumé, l’album devient l’expression parfaite de ce Cuba fait de mélanges, qui réunit côte à côte, d’une manière presque imperceptible mais enchanteresse, racines, rythmes de danse, sons afros, mélodies Santería, scat étonnants (encore plus impressionnats en live), des échos de la Nouvelle-Orléans et même des notes de pop.
Son album, comme sa voix et comme son rire, est enveloppant et encourageant. Son chant et ses improvisations éclatent comme possédés ou enchantés.
Et elle-même, parle comme si elle avait déjà vécu presque la moitié de sa vie, bien qu’lle n’en soit pas là. Elle est jeune, très (?) et avide avec beaucoup de nerf et de la vitalité. C’est probablement ce pourquoi elle répond que la chose dont elle a le plus peur en ce moment, c’est de mourir. Mourir sans avoir rempli son engagement. C’est faire de la musique qui transcende. « Si je partais sans ça, je serais une âme errante. »
Eh bien, très probablement, ce ne sera pas le cas. C’est ce que nous pouvons déjà dire.
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