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Ce n’est pas tous les jours qu’on voit Andy Emler au Sunside, et ce n’est pas tous les jours qu’on entend son trio ETE (pour Emler/Tchamitchian/Echampard). Et c’est la foule au Sunside.

Public plutôt jeune, majoritairement des étudiants d’une école de musique américaine, ce qui est très bon signe, et public enthousiaste avant même que le concert ne commence. Andy, à Paris et environs, on le voit plutôt au Triton des Lilas où il s’est produit récemment avec deux tubistes puis avec huit clarinettistes, et plus tôt dans l’année en duo avec un autre pianiste d’obédience plutôt classique mais rompu à l’impro : Jean-François Ziegel (voir compte rendu sur couleursjazz.fr, par votre serviteur).

Le trio, c’est le noyau du MégaOctet, le groupe magnifique qui a fêté il y a quelques années ses 30 ans d’existence. Andy annonce le concert en anglais puis en français avec un accent british désopilant. Et c’est parti !

Ça commence dans le grave avec un ostinato de contrebasse et de piano totalement obsédant, rapidement rejoint par une batterie foisonnante. ETE n’est clairement pas dans l’esthétique de la plus grande partie des trios qui lorgnent vers la triade Evans/Jarrett/Mehldau.

Non, avec Andy on est d’emblée dans un traitement brut de la matière sonore. Puis un piano véloce lance une mélodie répétitive dans le médium du clavier qui évolue en une tournerie rapide et envoûtante des trois comparses.

La contrebasse de Tchamitchian à l’archet calme le jeu sur un discret accompagnement d’Echampard et Andy ponctue le tout d’accords épars qui débouchent sur une impro mélodique vivace.

On est d’emblée emporté par cette évolution du morceau aux contours inattendus mais sans le moindre hiatus. C’est tout simplement beau et on attend la suite dont on sent qu’elle nous réservera bien des surprises délectables.

Maintenant on est totalement dans la mélodie calme et c’est toujours le même morceau qui redevient vite plus pugnace et répétitif, alternant accords plaqués et bribes mélodiques.

Ce qui est génial avec Emler c’est qu’on est toujours dans la surprise («the sound of surprise» c’est un peu la définition du jazz, non ?). Le pianiste est un grand compositeur et un improvisateur inspiré et Tchamitchian et Echampard sont en totale osmose avec lui, eux qui ont par ailleurs leurs propres groupes et jouent en sidemen de luxe ici ou là.

Après cette longue suite, le deuxième morceau est une composition de Tchamitchian et Emler là, débute par des arpèges et des accords d’une élégance souveraine, soutenus par un pizzicato de contrebasse dans les graves et par une batterie souplement tonique.

Là encore, on est davantage dans la beauté que dans la joliesse et le thème se développe en une impro rapide qui débouche sur un solo de contrebasse véloce et bondissant qui se poursuit à l’archet, dont Tchamitchian est un virtuose inspiré.

Puis le trio reprend de la vitesse et de l’ampleur, boosté par une batterie crépitante, et il se termine comme il avait commencé par des arpèges et des accords aériens du piano, accompagné en douceur par la rythmique.

Le second set démarre tout doux : arpèges et accords très mélodieux sur une rythmique subtile et tonique. Ça joue grave dés le début et on est emporté par le flow impérial.

Emler est un grand rythmicien qui ne s’interdit jamais d’être aussi un grand mélodiste, ce qui fait que sa musique a une plénitude incomparable.

Avec des comparses tels que Tchamitchian et Echampard, il peut aller où il veut mais jamais n’importe où.

Cela fait une trentaine d’année que je suis son parcours et il m’enchante, me surprend et m’étonne toujours autant.

Ils ne sont pas nombreux les musiciens, français ou étrangers qu’on a envie de suivre de la sorte ! Et la relative rareté de ses prestations en trio ravive chaque fois le ravissement.

C’est clair : ce trio est unique et n’a pas d’équivalent ni dans l’Hexagone ni dans les pays où j’ai pu entendre des formations de ce type.

Je ne sais pas si Andy joue souvent à l’étranger mais je crois que si c’est le cas il y a peu de chance que les publics qui ont eu l’occasion de l’entendre soient déçus.

La suite du set est une nouvelle longue suite différente de celle du premier et aussi pleine de rebondissements.

Malheureusement la batterie vieillissante de mon foutu MacBook ne me permettra pas d’en rendre compte in extenso. Libre à vous d’aller l’écouter sur le disque du trio ETE sur le label La Buissonne. C’est de la très bonne came, et si vous n’aimez pas ça, ne comptez pas sur moi pour vous rembourser. Vous ne le mériteriez pas !

©Photos Sylvain Gripoix

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