Une aventure de l’inventeur autoproclamé du jazz chez Frémeaux & Associés
Cet ouvrage d’Alain Gerber évoque la vie haute en couleurs du grand pianiste Jelly Roll Morton dont l’anthologie avait fait l’objet du troisième coffret de la collection « The Quintessence » paru il y a maintenant trente ans.
On y trouve évoqués la personnalité et le parcours hors norme de Ferdinand Joseph Lamothe, alias Jelly Roll Morton, un Winin’ Boy tombeur de femmes, joueur de billard, arnaqueur aux cartes, dispersant son énergie entre une existence de patachon et ses activités de pianiste et de chef d’orchestre.
Hâbleur jusqu’au mensonge, ce créole, fier de ses origines françaises, dont la carte de visite portait la mention « originator of jazz« , tentera jusqu’à l’obsession de retrouver une prétendue place au sommet, indument occupée, selon lui, par tous « ces pitoyables rois du swing, les Benny Goodman, les Count Basie… »
Cette attitude amènera, par presse interposée, la célèbre polémique avec W. C. Handy, l’une de ses bêtes noires (voir l’article de Philippe Baudoin intitulé « Jelly Roll Morton versus W.C. Handy : polémiques et frustations » paru dans « Quand les musiciens de jazz (s’) écrivent » édité sous la direction de Pierre Fargeton et Yannick Séité).
On découvre, sur fonds de pratiques vaudous, l’atmosphère si particulière de la Nouvelle-Orléans avec ses gandins plantés « au bord du trottoir, raides comme la justice, appuyés du bout des doigts aux réverbères, à l’équerre, le bras bien tendu, de manière à ce que le pli de leur pantalon reste affûté comme une lame de rasoir… », le bordel de Hilma Burt, « beau comme un gâteau de mariage planté à l’angle de la Douanne et de la rue Bassin », et des personnages improbables comme Mamie Desdoumes et son Mamies’s Blues « dont les paroles vous poursuivent jusque dans vos rêves. »
Écrit d’une plume swinguante avec une vraie science des mots et une érudition exemplaire, ce beau livre d’Alain Gerber est une pièce maîtresse de la littérature jazzistique.
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