Un son acoustique chaleureux et doux dans un répertoire aux couleurs jazz, mais aussi world music, blues, bossa nova, European song book…
Un nouvel album baigné de la lumière de la Méditerranée, entre Italie, en la personne de Ljuba de Angelis, à la voix suave et ductile et au timbre finement granulé, le piano de Lionel Trillo. Une rythmique solide avec le contrebassiste d’origine lusitanienne, Georges Correia et Thomas Delor de la French Riviera, à la batterie.
On sent des influences multiples, s’inscrivant dans les tendances de notre époque qui efface les frontières et intègre les différentes cultures du monde.
La Méditerranée, est au centre et à l’origine (Origo) au travers des 11 titres (dont 3 reprises), l’italien, le français et l’anglais sont les trois langues qui véhiculent les émotions fortes contenues dans cet album.
Par exemple « Macedonian Trance » qui nous conduit vers le port de Thessalonique, la Chalcidique, voir les rives du Mont Athos. Et, quand la sensibilité du jazz croise les rythmes de la bossa, « Duality Bossa » nous emmène cette fois en Amérique Latine. Ou bien encore, on comprend la vision très fine du jazz transversal en s’attardant sur Lysergic Wedding.
Et on tombe sous le charme de cette reprise de Léo Ferré, en Italien : « Col Tempo Sai »
« Alone » nous ramène à un jazz moderne et inspiré.
Jolie complicité et interplay entre le piano de Lionel Trillo et la voix de Ljuba de Angelis.
Quand on leur demande quelles musiciens les ont le plus influencé, il citent spontanément : Maria João, Dhafer Youssef, Stacey Kent, Keith Jarrett, Brad Mehldau ou encore Esbjörn Svensson…
Le Trillo de Angelis Quartet, dans cet album, revient aux origines de la mélodie, des chants du pourtour Méditerranéen, de l’Orient à l’occident.
De belles couleurs, chaudes et bleues.
Lineup :
Ljuba de Angelis : Voix
Lionel Trillo : Piano
Thomas Delor : Batterie
Georges Correia : Contrebasse
Origo est album Klarthe / Harmonia Mundi
Dans les bacs : 19 Mai 2017
Release Party 8 juin @ Sunside – Paris
Interview de Ljuba De Angelis et de Lionel Trillo
On entend souvent dire que « le jazz est mort ». Qu’en pensez-vous ?
L.T : La situation est difficile, mais pas désespérée… Car, à mon sens, il existe encore quelque terrains à défricher, notamment ce qu’on appelle la transversalité ou l’hybridation des genres et des esthétiques.
C’est-à-dire ?
L.T : C’est-à-dire des entrecroisements et des mélanges de prime abord antagonistes qui, à leur tour, en les confrontant, génèrent de nouvelles combinaisons. Il me semble qu’en la matière, les développements sont quasi infinis. In fine, c’est cette démarche « interactive », subsumant les approches classiques, qui constitue la postmodernité. En somme, une musique à l’image du monde actuel.
En clair, comment caractériseriez-vous votre esthétique ?
LDA : En clair, l’esthétique musicale qui sous-tend cet album se situe au carrefour de plusieurs courants placés à la périphérie immédiate du jazz (world music, blues, bossa nova, chanson française, etc.). Cette démarche, clairement assumée, est animée d’un constant désir d’opérer une synthèse entre ces différents courants.
Pouvez-vous donner des exemples concrets issus de votre répertoire ?
L.T : Par exemple, Ceneri (un blues mineur juxtaposé à une improvisation modale) ; B Minor Waltz (un standard de B. Evans traité en chanson française couplé à un développement pianistique façon « musique du monde ») ; ou encore Macedonian Trance (une composition d’essence ethnique, mais vue à travers un prisme jazz).
Un mot sur le titre « Origo ».
LDA : Le terme origo, en latin, signifie « origine », « provenance » et « naissance ». Par extension, ce vocable peut être glosé en « source ». C’est-à-dire la voix en tant que matrice de toute création musicale, mais également quelque chose de « premier ».
Votre approche semble très marquée par le monde méditerranéen, n’est-ce pas ?
LDA : Oui, il me semble que, dès la première écoute, c’est très prégnant. C’est même, peut-être, notre identité. Il faut dire que le quartet est constitué d’une Italienne (Ljuba de Angelis), d’un Français d’origine portugaise (Georges Correia), d’un autre Français d’origine niçoise (Thomas Delor). Quant à Lionel, la Mare nostrum sort par tous les pores de sa peau !
Pouvez-vous expliciter votre démarche, en tant que pianiste, par rapport à la voix ?
L.T : Il me semble qu’avec un piano, on peut quasiment tout faire. On peut même jouer le Sacre du printemps ou une symphonie de Beethoven ! C’est dire… Mais il est une chose qu’on ne peut pas faire c’est chanter, même pour un très grand concertiste. Car, au piano, une fois la note jouée, on ne peut pas la « travailler », même en mode cantabile. Et ça, c’est une grande frustration pour un pianiste (jazz ou classique). Avec le recul, il me semble donc que ma passion pour la voix provient de cette impossibilité structurelle.
Et la voix justement, qu’en attendez-vous ? Pouvez-vous nous en dire plus ?
L.T : Trouver une voix est extrêmement difficile. Pour ma part, les critères sont au moins de quatre ordres. Primo, cela va de soi, la voix doit avant tout être superbe. Secundo, et corollaire de ce premier élément, la ductilité, c’est-à-dire la souplesse vocale. Tertio, la polyglossie, car chanter dans des langues différentes apporte quelque chose en plus ; à savoir que chaque langue renferme, en son sein, sa propre musique. Ce qui permet d’enrichir considérablement le répertoire. Enfin, quarto, la capacité à improviser… J’ajoute que Ljuba répond parfaitement à ces quatre critères.
Comment caractérisez-vous le tandem que vous formez tous les deux ?
LDA : Du point de vue esthétique, nous partageons une conception totalement analogue. La seule différence – mais tout à fait infime – qu’on pourrait noter est que, moi, je fais plutôt confiance à mon intuition, tandis que Lionel se base plutôt sur la raison. Mais, au total, nous nous équilibrons parfaitement.
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