Roberto Magris est un pianiste Italien qui a enregistré plus d’une trentaine de disques avec une carrière qui unit l’Europe aux États Unis depuis les années 2000. Paul Collins et le label JMood Records de Kansas City ont déjà publié plusieurs de ses albums, avec un style à la confluence de plusieurs traditions musicales, allant de Bud Powell à Mc Coy Tyner ou Stanley Cowell.
Son nouvel opus, Match Point, sorti sur le label JMood Records en 2021, a été enregistré aux Criteria/Hit Factory Studios à Miami et propose deux catégories de titres, ceux composés par Magris, au nombre de quatre et les reprises, sur la base d’un panel éclectique qui va de Richard Kermode à Mc Coy Tyner, en passant par Thelonious Monk.
Il serait par trop réducteur d’opposer la faconde blues présente sur les compositions du pianiste aux fragrances afro-cubaines présentes sur les autres pistes, alors qu’elles font partie intégrante du vocabulaire développé par l’Italien depuis son envol vers la côte Est des USA, marqué par une polyvalence très affirmée lors de cette session.
Il faut dire que la présence à ses côtés du cubain Alfredo Chacon au vibraphone et aux percussions a tendance à colorer singulièrement le discours musical, de même que la contribution du Costaricain Rodolfo Zunica à la batterie ou de l’Américain Dion Kerr à la basse. D’emblée, « Yours Is The Life », une composition de Richard Kermode, établit une sorte de cross over avec le latin rock de Santana.
Présent sur l’album « Welcome » de 1973 sur lequel Devadip rendait hommage à John Coltrane, l’interprétation proposée ici joue sur une savante relecture du tempo et de la scansion rythmique, qui renoue avec l’héritage de Bebo Valdés.
Avec « Search For Peace », nous entrons sur les terres de Mc Coy Tyner, une figure tutélaire du jazz qui joue de façon audible un rôle de père spirituel pour Roberto Magris. Cette ballade, au développement très progressif, est une des plus belles compositions du pianiste, et son homologue italien parvient à en proposer une relecture digne de l’original, ce dont peu de claviéristes peuvent se prévaloir. Chose peu commune, les connotations spirituelles proposées par l’artiste font apparaître en filigranes l’intention presque mystique du compositeur.
« The Insider » est la première contribution personnelle de Magris, traversée par la puissance occulte du blues qui imprègne massivement ses phrasés.
Suivent « Samba For Jade » pour des saveurs plus brésiliennes, et « The Magic Blues » dans lequel Roberto Magris se fait voyant rimbaldien dans l’art de faire vivre la dimension intime d’une source d’inspiration qui tire clairement son esprit du creuset formé par les différentes traditions à partir desquelles il a élaboré son propre discours musical.
« Reflections » de Thelonious Monk apparaît comme le climax de l’album, l’une des rares occasions, à l’époque, d’entendre Thelonious Monk en trio se mue ici en effort solo impressif, authentique récompense de choix pour les mélomanes.
« Caban Bamboo Highlife » est à l’origine composé par Randy Weston, transcrit ici par un choix de notes de musique inspirées et enracinées qui relaient l’intuition de musiciens afro-américains en quête d’identité intime avec le continent africain. Le swing sous-jacent y est éclatant et les interventions d’Alfredo Chacone et Rodolpho Zunica frappent par une synergie qu’on jurerait empruntée aux boppers.
Cette pulsion rythmique, magnifiée par Dion Kerr, se retrouve sur « Match Point » le titre éponyme, dans lequel semble rôder le fantôme de Wynton Kelly, et qui constitue une belle conclusion animée à un album conçu comme une ode exotique au métissage des cultures.
Interprètes :
Roberto Magris, piano
Alfredo Chacon, vibraphone et percussion
Dion Kerr, contrebasse
Rodolfo Zuniga, batterie
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