Depuis toujours certaines musiques sont utilisées comme une clef ouvrant les portes de la transe, qu’elle soit une transe électro-acidulée, chamanique, mystique ou païenne. Souvent par le biais musical de motifs répétitifs, par des structures en spirales hallucinatoires, fractales géométriques infinies, derviches tourneurs sonores.
La musique expérimentale contemporaine a beaucoup exploré ces territoires, fleurtant souvent avec la limite de l’audible et de l’écoutable… notamment le courant post-moderne minimaliste, avec des compositeurs-chercheurs comme Terry Riley, Steve Reich, Philip Glass, mais aussi John Cage ou Morton Feldman.
Est-ce le côté mécanique d’horlogerie de précision qui explique la raison pour laquelle cette musique a été une révélation pour un jeune pianiste Suisse, Nik Bärtsch…?
C’est en tout cas la recherche de transe et de zénitude musicale qui sera le centre de sa démarche artistique.
Alors qu’il poursuit des études de musicologie, de philosophie et de linguistique, il se dote d’un langage musical très moderne et expressif, jouant avec de nombreuses formations allant du jazz expérimental, jusqu’à la pop progressive.
C’est donc bien ancré dans la modernité que Nik Bärtsch crée le quartet Mobile, en 1997, avec lequel il va travailler à faire se rejoindre la zénitude mystique de la musique répétitive avec le Jazz minimaliste post-moderne.
Les concerts donnés par Mobile se rapprochent de la musique rituelle chamanique, développant pendant plusieurs heures des « modules » répétitifs, des architectures sonores progressives, des entremêlements polyrythmiques, accompagnant par exemple le passage du jour à la nuit lors d’un concert de 4 heures, proposant une expérience rituelle et mystique. Mais nécessitant aussi une certaine exigence d’écoute…
Et c’est pour rendre plus accessible cette musique que Nik Bärtsch fonde Ronin en 2001, avec l’intention de pouvoir jouer même dans des clubs et des discothèques (il est cofondateur du club Exil à Zurich), en insufflant dans sa musique zen l’énergie et le groove du funk. Un peu la rencontre improbable de Steve Reich, d’Arvo Pärt et de James Brown.
C’est d’ailleurs particulièrement en live que cette musique prend son ampleur, à tel point que Ronin a été classé par le Wall Street Journal parmi les 6 meilleures performances scéniques en 2011, en compagnie de Björk, Radiohead, Patti Smith, Feist and Anna Calvi, excusez du peu !
Avec eux, le public se laisse embarquer dans une traversée de couleurs à la fois impressionnistes et géométriques, faite de superpositions de motifs (modules), collier de perles de rythmes minimalistes, puissants orages (Kaspar Rast à la batterie, Nicolas Stocker aux percussions), envoutement mélodique souvent déchirant (Sha à la clarinette basse et saxo), tout ça équilibré sur la toile par le piano-pointilliste de Nik Bärtsch. Une fois de l’autre côté, à la fin de la performance, on se retrouve en sidération, encore éblouis par le rêve, rémanence sensorielle que l’on veut garder avec soi.
Continuum est :
COMMENTAIRES RÉCENTS