Notre ami Gérard JOUANY envoyé spécial de Couleurs Jazz à Marciac où il a assisté au 41ème Festival de Jazz (JIM) revient à la capitale avec ce reportage :
Cette année, j’avais malheureusement un emploi du temps contraint. Je ne pouvais me rendre à Marciac qu’entre le 3 et le 10 août, pas un jour de plus.
En consultant le programme du 41ème Festival, je me suis dit que j’étais tombé sur une année sans…
D’accord pour aller applaudir Chick Corea Accoustic Band, de même que Liza Simone, mieux encore l’immense Fatoumata Diawara, mais pour le reste je n’avais pas vraiment envisagé de vibrer pour Anouar Brahem Quartet, ou encore Eric Bibb.
Connaissant le jazz comme je le connais, c’est à dire assez peu finalement (d’ailleurs, je ne revendique aucun titre du genre spécialiste de cette très belle musique) et puisque nous sommes entre nous, posons-nous la question : est-ce que vous vous déplaceriez pour écouter Erik Truffaz Quartet, ou bien Flash Pig, ou bien encore The Umlaut Big Band ? Même question pour Charles Passi ou Sheilah Sue ?
Je me décidai tout de même, à prendre comme chaque année, la route de Marciac. Sans doute la perspective de retrouver des amis de dix ans qui m’hébergent à La Reulle est-elle aussi intervenue dans ma décision. Je ne regrette absolument pas ce choix.
En prenant dans l’ordre, commençons par cette découverte : Erik Truffaz. Voilà un Suisse qui déménage vraiment !
Le dossier de presse nous indique que le trompettiste suisse a toujours osé tous les contextes, tant il est vrai que l’invité de Maitre Erik, Guillaume Perret, saxophoniste de grand talent, n’a pas eu de mal à faire vibrer le public de Marciac.
Dans les bravos du public, il est bon d’ajouter ceux également destinés à Nya. Nya est le chanteur du groupe. Il a le look « Gosse beau », chemise cravatée, chapeau sur la tête, et il chante du rap. Une idée lumineuse pour enrichir la prestation du Quartet d’Erik Truffaz.
Flash Pig est une vieille formation qui est née en jouant du Free Jazz à la façon d’ Ornette Coleman. Le problème est qu’il faut durer, donc inventer. Les frères Sanchez, Adrien au saxophone, et Maxime au piano, ont réussi leur coup, à savoir recréer du Free Jazz, comme il y a cinquante ans. Un très bon moment musical.
Avec Ulmaut Big Band, nous voici encore dans l’histoire. Nous sommes avant-guerre, et l’on doit jouer à la Duke Ellington. Ils sont quatorze à composer l’orchestre, avec trois trompettes, deux trombones et cinq saxophones. Ils jouent ensemble comme des Dieux. Et ça fait du bruit, mes amis ! Le public, un peu saisi au début, en redemande. Et les quatorze font un triomphe…
Avec Las Maravillas de Mali, nous avons cette fois seize musiciens sur scène, qui viennent nous rappeler un des moments rares de l’histoire de Cuba et du Mali. En 1964, débarque à La Havane, un groupe de noirs envoyés par leur Président, Nkrumah. Ils répondent à l’invitation de Castro en personne, qui a décidé de faire un échange entre jeunes des deux pays. C’était à l’époque où les deux nations étaient l’une socialiste, l’autre communiste. Merci Fidel Castro, merci Président Kwame Nkrumah, puisque vous êtes tous les deux à l’origine de cette musique Afro-cubaine. Sur la scène de Marciac, il y a même Boncana Maïga, qui faisait partie de la délégation africaine, il y a cinquante quatre ans. Il sait faire jouer ensemble les congas et les quiros et puis, chose remarquable, il y a cinq violonistes qui nous enflamment le « Corazon ». On se croirait à La Havane et nous prend l’envie de danser !
Quant à Charles Pasi, il nous a livré ce soir-là à Marciac une excellente prestation, très professionnelle. Ce touche-à-tout de la musique a trouvé un truc pour que l ‘on se souvienne de son show. Les musiciens intervertissent leurs rôles, le batteur prend la place du guitariste, lequel se met à chanter, le tout à qualité constante. C’est très fort.
Et puis, le final, très original aussi : les quatre membres du groupe jouent ensemble de la batterie, puis ensemble également de la guitare. Le tout est super sympa !
Quant à Selah Sue, elle a installé sous son micro un véritable tableau de bord, il y a un tas de touches qu’elle utilise pour lancer des samples. Cette chanteuse d’origine belge a une voix formidable. Elle peut chanter une berceuse et ensuite se déchaîner. On peut y retrouver des accents à la Janis Joplin. Elle a présenté au public de Marciac un show très personnel, avec des éclairages formidables. A Marciac, on sait aussi faire des lumières.
L’événement de cette édition du festival est pour moi la prestation d’Emile Parisien, et Vincent Peirani intitulée « File Under Zawinul ».
Joey Zawinul était, on s’en souvient, le leader du groupe Weather Report. Le tout jeune Parisien, en véritable chef d’orchestre est donc monté sur scène pour rendre hommage au grand musicien disparu.
Parisien a toujours son look de lycéen. Il dirige un groupe de neuf musiciens qui sont tous de « grosses pointures ». Parisien n’a pas son pareil pour intercaler des solos au saxophone, avec à ses côtés le grand Vincent Peirani, l’un des rares musiciens de jazz à avoir choisi l’accordéon. La réussite est totale !
Notons que Parisien et Peirani sont les régionaux de l’étape. Tous les deux sortent de la filière jazz de Marciac.
On l’a bien compris, les programmateurs du Festival connaissent parfaitement leur métier et vous pouvez aller assister à tous les concerts, même si vous ne connaissez pas les musiciens.
Je vous l’ai dit, je ne regrette pas du tout ma descente à Marciac. D’ailleurs, je vais demander à la rédaction de changer mon titre. Ce sera « Ma très belle semaine à Marciac »
©Photo couverture Tous droits réservés / Jazz in
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