avec interview, par Nadia Aci.
Jowee Omicil, l’homme au sourire et aux interventions toujours lumineux, est un Jazzman de son temps.
Souffleur poly-instrumentiste d’origine haïtienne, il habite Montréal, et voyage de festivals en festivals à travers ce monde qui semble être son village… D’où le nom de son label ?
“Let’s BasH!” son dernier album est jubilatoire : il s’adresse autant au corps qu’à l’esprit avec un mélange savamment dosé de créole, de gospel, de soul ou de folklores du monde, de la Cumbia colombienne au Cap Vert en passant par presque tous les continents.
“Je veux que le jazz redevienne populaire”. “Let’s just bash!, c’est mon onomatopée pour dire : show love ! Ce n’est pas une injonction, juste une suggestion” aime-t-il à rappeler. ”Il faut raconter des histoires avec la musique. Sinon, ça sonne creux. La musique, je ne la fais pas pour moi, mais pour que les gens y trouvent un refuge, une échappatoire”.
Les musiciens qui l’accompagnent dans cette aventure viennent comme ses musiques, de tous horizons :
Kona Kahsu du Liberia (basse),
Jonathan Jurion de la Guadeloupe (claviers),
Jendah Manga (basse) et Conti Bilong (batterie) tous les deux du Cameroun,
Michel Alibo (basse), Emmanuel Bertholo Tilo (batterie), et Justwody Cereyon (basse) de la Martinique,
Jean-Phi Dary de Guyane (claviers),
Nenad Gajin de Serbie (guitare),
Et enfin Jeffrey Deen du Canada (percussions)…
Photo ©Couleurs Jazz
Notre consoeur Nadia Aci a posé 3 questions à Jowee Omicil que nous vous livrons ici :
Nadia Aci : Qui t’a le plus influencé musicalement durant ton parcours?
Jowee Omicil : Je suis né à Montréal le 1er décembre 1977. Quand j’étais tout petit, j’écoutais les chanteurs qui passaient à la radio : René Simard, Ginette Reno, Céline Dion, Charles Aznavour, Jacques Brel, Nana Mouskouri… Puis a suivi la période Jackson Five, vers 6 ans, et la découverte du hip hop vers 9-10 ans : Run DMC, Busta Rhymes, A Tribe Called Quest, Public Enemy… En 1995, j’ai découvert Black Science de Steve Coleman : je me sentais planer, comme sur un tapis volant ! Il y a eu aussi Tutu, de Miles Davis et Marcus Miller… une vraie claque.
Mais ma plus grande influence, dans tous les domaines de la vie, a été mon père. En tant que pasteur, il voulait que j’apprenne à jouer d’un instrument pour accompagner l’assemblée. C’est comme ça que j’ai commencé à faire de la musique, à 15 ans. Tard pour un musicien. Jusque-là, j’étais passionné de sport. Je jouais au pingpong, au baseball, au hockey sur glace… j’écoutais du hip hop pendant ces activités, ça me motivait. Je n’avais pas encore compris que la musique était en moi. J’ai d’abord été tenté par le piano, mais pour l’harmonie de l’ensemble je devais choisir un instrument à vents. J’ai opté pour le saxophone alto, puis deux-trois ans plus tard mon frère m’a offert un saxophone soprano. J’adorais Kenny G à l’époque, je n’en ai pas honte. Je faisais plein de reprises de ses morceaux, pour des mariages, des communions, tous types d’évènements. Et par la suite, j’ai découvert Wayne Shorter, John Coltrane… je ne m’étais pas rendu compte avant de le pratiquer qu’ils jouaient eux aussi du soprano. Progressivement, d’année en année, je me suis mis à la flûte, à la clarinette, et à la trompette.
Au fond, ta musique c’est ton expérience. J’ai transposé ce que m’a transmis mon père dans ma musique : son comportement, son éducation, ses mots, ses consignes, ses conseils… Ce que tu es sort de ton souffle. Tes adversités, ton vécu, tes peines, tes joies… tout cela se révèle dans ton son, si tu es honnête. C’est pour ça que j’ai choisi le jazz. J’ai commencé avec la musique classique, mais encore aujourd’hui, si je reprends du Bach ou la 40ème symphonie de Mozart, c’est toujours jazzifié. J’aime leurs mélodies, mais le groove que j’entends est différent. Un musicien comme Mozart a clairement tracé la route pour des gens comme moi. Il nous propose une mélodie qui dérange, et on doit faire notre truc avec. Et le jazz est la seule langue qui offre une totale liberté d’expression.
Nadia Aci : Si tu pouvais aller n’importe où, dans quel lieu rêverais-tu de jouer ?
Jowee Omicil : C’est quelque chose que je dis souvent en privé, mais aujourd’hui je vais l’avouer publiquement :
j’aimerais aller jouer en orbite, dans l’espace !
Une expérience : « Jowee in orbit » ! Ce serait complètement global. Tout le monde pourrait écouter ce son-là à ce moment précis ! Chaque fois que j’en parle, je fais le voyage, et je sais qu’un jour je le ferai vraiment. Ce sera une mission d’amour spatial. Réunir tout le monde en un seul accord. Là on pourra dire : « on est ensemble, en cet instant-là on s’est vraiment aimés les uns les autres».
Nadia Aci : As-tu un lieu musical coup de cœur à faire découvrir à nos lecteurs ?
Jowee Omicil : Beaucoup de lieux m’ont touché durant ma carrière : le Cap-Vert, le Vénézuela, Haïti, Montréal… Mais un moment qui m’a réellement marqué, c’est le concert que l’on a fait le 22 juillet dans la basilique de Tabarka, en Tunisie, à l’occasion du Tabarka Jazz Festival. Je n’ai jamais vu pareille audience : 4000 personnes avec une énergie incroyable, à l’image d’un concert de rock ! J’aime vivre l’instant présent, donc le dernier concert en date est toujours le meilleur. Le prochain est à Mindelo, au Cap-Vert. Si tu me reposes la question le 6 août, ma réponse sera Mindelo. Si tu me la reposes le 16 août, ce sera la Martinique, car tout va toujours en évoluant. La passion doit m’aider à me surpasser à chaque fois. Je me rends accessible en tant qu’instrument, en tant que passeur de sons, l’endroit où je joue n’a pas d’importance. Chaque situation est unique. Chaque fois que je me mets à jouer devant un public, mon set est différent, et le dernier est toujours le plus fort. Notre mission est de conquérir les âmes des gens, et on ne peut qu’être reconnaissants de la grâce que l’on nous a donnée pour l’accomplir. Aujourd’hui, pour moi, Tabarka était le meilleur concert, et donc un lieu à découvrir. Trop d’âmes…
NB : Vous pouvez retrouver les « 3 questions à… » sur le blog Hit the Road de Nadia.
Ecoutons cet album « Hit » Couleurs Jazz, sorti sur le label Jazz Village/PIAS en avril 2017.
Le concert de Sortie de l’album à Paris fut organisé dans le cadre du Festival Jazz à St-Germain, Paris 2017. Jowee est le 3 septembre sur la scène du Festival Jazz à la Villette.
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