Nicky, Qu’est-ce qui vous a motivé pour écrire ce livre ?
« Il y a quelques années, un pianiste de jazz m’a dit : « Une passion est comme un trésor qui tombe du ciel. Lorsqu’on la reçoit, on est simplement un véhicule qui la porte, et on a un devoir de la transmettre à autrui ». Ces paroles m’ont profondément marquée.
J’ai une passion pour le piano blues que je partage avec d’autres en me produisant en public, en donnant à titre ponctuel des cours d’initiation au jazz, et aujourd’hui à travers mes écrits. A l’origine de ce recueil se trouve donc le simple désir de communiquer aux autres l’immense joie que ma passion me procure.
J’ai initialement écrit quelques récits pour divertir un autre passionné de piano, en l’occurrence mon accordeur. Par la suite, trois amies, qui ne savent absolument pas jouer d’un instrument, m’ont demandé si elles aussi pouvaient lire mes récits et elles ont toutes fini par en réclamer d’autres.
Cette réaction, si positive et enthousiaste, venant de la part de néophytes – non seulement en piano, mais également en musique – m’a amenée à penser que mes histoires pourraient éventuellement toucher un public assez large. C’est ainsi qu’est née l’idée d’écrire ce livre – une activité extrêmement gratifiante pour moi puisque, étant à l’origine traductrice, j’adore jouer et jongler avec des mots.
Dans « La jazz-girl passionnée et son dévoué accordeur », j’espère donc communiquer non seulement la joie de ma passion, mais également quelques connaissances en musique, ainsi que ma propre découverte de toute la complexité du métier fascinant et mystérieux qu’est celui d’accordeur de pianos. Il me semblait que cette récente découverte personnelle méritait tout particulièrement d’être partagée. Il y a quelques années, j’ai eu la chance de pouvoir acheter le piano de mes rêves, un magnifique piano à queue, et c’est vraiment à partir de cette époque que j’ai compris l’importance du travail d’un accordeur : le meilleur piano au monde ne saura jamais chanter avec grâce s’il est mal accordé ou désaccordé. C’est aussi simple que ça.
un extrait du livre :
… Dans la pièce se trouvait déjà l’as des as des accordeurs, celui qui travaillait pour les meilleures salles de concert, ainsi que pour des pianistes mondialement connus tels que Daniel Barenboim ou Martha Argerich, et maintenant, pour couronner le tout planait directement au-dessus du piano le nom qui battait tous les autres. Celui du roi de l’improvisation jazz. The Keith Jarrett ! Mister « Köln Concert » himself !
La jazz-girl termina de jouer son morceau, constatant dans la foulée que le piano était absolument parfait. L’exécution du morceau, en revanche, avait été tout le contraire. La honte ! Une fois de plus, elle se sentait terriblement petite.
C’était maintenant au tour de l’accordeur de tenter de rattraper la situation. Il aimait le blues et, avec sa gentillesse habituelle, se donnait toujours la peine d’encourager sa cliente, de la féliciter pour les progrès qu’elle était en train de faire :
« C’était génial. J’ai adoré. C’est très différent de ce qu’on entend généralement dans le blues. J’aime beaucoup ce que vous venez de jouer. »
Sa délicatesse lui fit chaud au cœur, si bien qu’elle se détendit et lui expliqua pourquoi le morceau de blues était différent :
« Merci. En fait, c’est un arrangement jazz du thème principal d’un concerto pour piano de Mozart. Je viens tout juste de l’écrire. »
L’idée plut tellement à l’accordeur qu’il emporta une copie de la partition lorsqu’il quitta sa cliente.
Keith Jarrett, quant à lui, n’était pas près de quitter la jazz-girl. Bien au contraire. Sa présence semblait toujours planer dans la pièce, longtemps après le départ de François Pradel, et ce n’était que le début…
Un mot sur l’école de musique au Cameroun
L’association Arbre à musique a été fondée en 2005 suite à une constatation à la fois simple et surprenante faite par un jeune Camerounais, Raymond Pendé. En France pour faire ses études, celui-ci s’était étonné de voir plus d’instruments de musique dans la chambre d’un de ses colocataires, musicien amateur, que dans les classes de musique dans son pays d’origine. Cette constatation a agi comme un détonateur pour ses amis. L’association Arbre à musique a donc vu le jour avec pour objectif, entre autres, la création de la première école de musique à Yaoundé.
Dans le livre, je conte l’histoire d’une mission bénévole qu’ont effectué deux accordeurs – dont le mien – pour cette école. Leur mission consistait à réparer et à accorder, en une quinzaine de jours, les nombreux vieux pianos d’occasion que l’école venait de récupérer. Le moins qu’on puisse dire est que la tâche était herculéenne ! Normalement, il aurait fallu quinze semaines, voire quinze mois, pour effectuer ce travail. Pourtant, les deux accordeurs – qui ont plutôt l’habitude de travailler en salle de concert – ont adoré cette expérience. Reçus comme de véritables héros, dès qu’ils libéraient un piano, ils avaient l’immense plaisir d’observer la réaction que provoquait leur mission accompli : les élèves de l’école de musique – tous de jeunes enfants camerounais – témoignaient de leur reconnaissance en sautant de joie, courant avec enthousiasme pour prendre leurs cours qui se faisaient à deux, parfois trois, sur le même piano, en même temps !
Cette partie du livre s’est presque écrite toute seule. Je n’avais pas du tout prévu à l’origine de conter l’histoire de cette belle aventure ; c’était plutôt comme si les enfants, en sautant de joie devant les pianos, sont venus me chercher pour me demander : « Est-ce qu’on peut être dans ton livre ? Allez, s’il te plaît ? » J’ai décidé de répondre à leur demande non seulement en les incluant dans le livre, mais également en prenant la résolution de soutenir l’association Arbre à musique si un jour j’arrivais à me faire éditer.
Lorsque j’ai contacté Raymond Pendé, il y a quelques semaines, pour lui parler de ma démarche, il était très ému. Moi, je l’étais encore plus de l’entendre dire : « Mon combat est rude. Mais je continue à apprendre aux enfants à chanter ou à jouer d’un instrument pour éviter qu’ils soient tentés de prendre une arme ».
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