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Bientôt un mois que cette édition s’est achevée. Le temps d’assimiler, de digérer et d’en extraire non pas la substantifique moëlle, mais ce qui m’apparait nécessaire de mettre en avant, pour montrer  les spécificités qui font de ce festival un évènement singulier.

Le festival au coeur de la ville, Coutances la ville du festival : pas un lieu de la ville qui n’échappe à cette emprise festive : chapelle, jardins publics, cours d’école, esplanades, places, cloitre, …et bien sûr les lieux dédiés aux concerts payants (TMC, salle Marcel Hélie, le Magic Mirrors, le cinéma Le Long court, la Cathédrale…

64 concerts payants sur la semaine avec un taux de remplissage de plus de 97%

Des spectacles de rue qui affichent complet… (et sans céder à la tentation de la variété, popisante comme la plupart des festivals les plus célèbres, pour « vendre du ticket »…)

Une scène Avis aux Amateurs, des séances de cinéma, des expositions…

Ce sont plus de 70 000 spectateurs et visiteurs venus à Coutances lors de cette semaine pour, chacun selon son envie, participer à ce grand rendez-vous. Un vrai et grand Festival de Jazz.

Quelques chiffres :

– 49 salariés et stagiaires

– 138 techniciens salariés

– 530 bénévoles

– 311 musiciens professionnels et 30 artistes de rue professionnels

– 2 544 abonnés

-1 2 programmateurs étrangers présents.

Lors d’un premier bilan à chaud, le directeur du festival, Denis Lebas, parle d’une réussite collective, rendue possible grâce à une alchimie entre permanents, bénévoles, techniciens. Il souligne également l’importance accordée à l’accueil des artistes. Le travail sur la transition écologique n’est pas en reste. Par exemple, 100% des contenants sont réutilisables. L’accès au festival, la mobilité sont aussi des sujets travaillés et améliorés à chaque nouvelle édition.

Voici le décor globalement planté. Quid du contenu?

Les Créations

Sur les 5, j’en retiendrai tout particulièrement 3.

  • A Carnival Love Story

Avec le soutien du conseil départemental de la Manche, dans le cadre du schéma départemental de l’enseignement, des pratiques et de l’éducation artistique, Arnaud Dolmen a pu créer un projet regroupant plus de 200 élèves issus de 11 écoles de musique de la Manche, 3 batucadas pour proposer « A Carnival Love Story« , qu’il a spécialement composé et arrangé, est très largement inspiré de sa culture guadeloupéenne et de son éducation musicale.

Fort de cette culture, Arnaud Dolmen sort des pédagogies traditionnelles et rend hommage au début du concert à Rudy Benjamin, décédé il y a un an, et qui a laissé une marque indélébile dans le carnaval guadeloupéen.

Et, c’est presque à un carnaval, musical en tout cas, auquel les spectateurs ont pu assister. Avec deux représentations affichant complet (2 000 spectateurs !)

Une expérience unique pour tous les participants.

Avec 2 invités de marque : Robinson Khoury et Sonny Troupé.

Mention hors concours pour le duo Arnaud Dolmen- Sonny Troupé, sur une composition de ce dernier.

  • Ishkero avec Donny McCaslin

Le dispositif Talents Jazz Adami a choisi  de mettre en valeur le groupe Ishkero, déjà présent à Coutances en 2023 lors des Jazz Export Days. C’est sous le mentorat du saxophoniste Donny McCaslin que le projet a été présenté par Laurent de Wilde, la veille du concert, lors d’un showcase.

Coutances sera la première date de cette création. Deux répétitions et un showcase plus tard, Ishkero et Donny McCaslin étaient sur la scène du TMC.

La rencontre entre jazz, rock, fusion, jeunes musiciens en pleine cohésion et le saxophoniste ouvert aux fusions électriques, a tenu toutes ses promesses.

Donny McCaslin a dialogué avec chaque musicien, les poussant à exprimer le meilleur d’eux-mêmes pour aboutir à une création musicale exceptionnelle.

  • Song for Abbey, la création de Marion Rampal.

Imprégnée dès son adolescence par les mélodies d’Abbey, mais aussi touchée par la militante féministe, Marion Rampal a choisi d’interpréter le répertoire de la songwriter, qu’elle qualifie de matrimoine du jazz.

Elle a choisi de travailler avec la même équipe que pour son précédent projet (Oizel) : Matthis Pascaud,  Raphaël Chassin, Thibault Gomez et Simon Tailleu. « Abbey sings Abbey » sera le fil conducteur de ce concert. Avec pour objectif de rendre hommage dans son monde sonore et pas dans celui d’Abbey. Ainsi Learning How to Listen, une superbe ballade, sera introduit par un duo voix-piano de toute beauté. Tender as a Rose, une chanson de Phil Moore, sur laquelle la chanteuse mêle un poème d’Abbey (On Being High), traduit en français, est un moment fort et original de ce concert. Remember the People, est une co-composition de Marion et Archie Shepp (Celui-ci sera présent sur l’opus qui sortira cet automne).

A noter également le très beau First Song de Charlie Haden, sous la forme duo voix-contrebasse. Bird Alone clôture le concert.

L’oiseau seul tourne en rond dans le ciel. Une fin de concert évoquant un climat un peu tendu.

Tambourine Man pour le rappel, terminera sur une note plus légère.

Les rencontres musicales

  • Un quartet de rêve pour une première rencontre «First Meeting» : Gonzalo Rubalcaba, Chris Potter, Eric Harland, Larry Grenadier.

Le pianiste, présent en 2023 avec Pierrick Pédron pour un concert mémorable, apparaît un peu comme le maître d’oeuvre où chaque musicien trouve son espace de liberté.

Des reprises, comme 500 Miles High de Chick Corea, qui ouvre le concert, mais aussi l’apport de chacun pour des compositions où virtuosité, complicité, écoute mutuelle, nous offrent une musique riche, inventive et jubilatoire.

  • Hommage à Paco de Lucia

Chano Dominguez, Louis Winsberg et le quintet d’Antonio Lizana pour un hommage au guitariste flamenco, disparu il y a 11 ans.

Paco de Lucia n’aurait pas boudé cet hommage qui a débuté avec Chano Dominguez, seul sur scène.

Le pianiste andalou, riche de multiples influences (flamenco, jazz, classique) jouera 2 morceaux avant d’être rejoint sur scène par le saxophoniste, Shayan Fati et El Mawi de Cadix.

Claquements de main de ces 2 derniers, solos de saxophone et chants flamenco d’Antonio Lizana font monter la température dans la salle Marcel Hélie.

Puis Daniel Garcia, le brillant pianiste du quintet prend la place de Chano Dominguez et Louis Winsberg fera son entrée. Des morceaux où le jazz se mêlera au flamenco et ses différents styles.

Les interventions vocales d’Antonio Lizana, les claquettes et la danse d’El Mawi de Cadiz ont fait littéralement chavirer le public.

Des concerts au Top

  • New York Tango trio Richard Galliano, Adrien Moignard, Philippe Aerts

Non sans humour, l’accordéoniste rappelle qu’il est venu à Coutances alors qu’Adrien Moignard, le guitariste, était âgé de moins 3 ans. Et toujours avec humour Richard Galliano débutera le concert par Vuelvo al Sur . Pour Coutances, ça tombait bien ! Suivront Fou rire, Spleen, Gisèle (sa femme), Viaggio, Waltz for Nicky…

De l’humour dans la présentation de ses morceaux, mais également dans leur interprétation, où des «citations» émaillent régulièrement les morceaux. Un vent frais souffle sur valses et tangos, grâce bien sûr au talent de l’accordéoniste, mais aussi grâce à ses 2 complices qui assurent plus qu’un bel écrin. Le concert s’achèvera par La Javanaise, reprise par le public.

  • African Jazz Roots

Simon Goubert, Abblaye Cissoko, Sophia Domancich, Jean-Philippe Viret, Ibrahima «Ibou» Ndlr

 C’est sous les baguettes de Simon Goubert et les cordes de la kora d’Abblaye Cissoko que le coup d’envoi de cette 44ème édition est donné.

C’est de Seetu, titre de leur dernier album, signifiant reflet ou miroir en langue wolof, que sont principalement joués les morceaux exposés sous les boiseries et vitraux du Magic Mirrors.

Une rencontre Afrique-Occident qui tient toutes ses promesses, les échanges kora-batterie, kora-piano notamment nous faisant voyager et nous emmenant dans les grands espaces, sur les rives du fleuve Sénégal à St-Louis ou à Dakar. Un superbe voyage musical pour débuter cette 44ème édition.

Le choc

Kahil El ZabarEthnic Heritage Ensemble, au TMC.

J’ose à peine avouer que je ne connaissais pas Kahil El Zabar.

Et c’est presque par hasard que j’ai assisté au concert.

Un choc, une révélation !

Il confie qu’il a côtoyé et joué avec Dizzy Gillespie, Cannonball Adderley, Nina Simone, Stevie Wonder, Paul Simon…

Entouré d’une formation originale, saxophone, trompette et violoncelle, le percussionniste  et son Ethnic Héritage Ensemble nous offrent un concert où les influences s’étendent de l’Afrique ancienne au monde moderne. C’est son corps tout entier et sa voix qui sont impliqués dans son expression musicale, superbement aidé par les 2 soufflants, Corey Wilkes et Kevin Nabors.

Des vocaux agissant comme des plaintes, des incantations…  Une véritable ode à la Great Black Musicmêlant Jazz, blues et Spiritual.

Musiciens :

Kahil El Zabar, batterie, percussions ;

Corey Wilkes, trompette ;

Kevin Nabors, saxophone ténor ;

Ishmael Ali, violoncelle

Et encore

De grands moments également avec Yaron Herman en quartet avec la saxophoniste suisse Alexandra Grimal. Le Looking for Mingus de Géraldine Laurent .

Où comment faire revivre l’oeuvre de Charlie Mingus sans contrebasse.

Telle cette version de Goodbye Pork Pie Hat, qui débute par une introduction de Manu Codjia, puis Géraldine Laurent introduit petit à petit le thème de ce maintenant standard, avant que Christophe Marguet, puis Jean-Charles Richard ne participent au développement.

Un bijou finement ciselé !

Une gageure réussie, mention très bien.

Le trio The Bad Plus devenu quartet avec Chris Speed au saxophone et Be Monder à la guitare pour remplacer le pianiste Orrin Evans…

Les nouveaux venus se produisant pour la 1ère fois en France avec le groupe. Manquait juste le sourire du guitariste.

Un créneau réservé à la scène Jazz Normande sur les planches du Magic Mirrors avec Héloïse Divilly, bien accompagnée par Sébastien Palis au piano, Paul Jarret à la guitare électrique, Catherine Delaunay à la clarinette, Hélène Labarrière à la contrebasse.

Un casting de haut niveau pour une musique pleine de contrastes et d’inspirations poétiques.

Puis, Vérona prendra le relais.

Bien que le nom du groupe évoque l’Italie, le quintet présente un répertoire d’inspiration nordique, illustré par des compositions du saxophoniste norvégien Ola Asdahl Rokkones.

Musiciens :

Samuel Belhomme : trompette et bugle

François Chesnel : piano

Rémy Garçon : saxophones

Bernard Cochin : contrebasse

Ariel Mamane : batterie.

  • Les concerts à la cathédrale :

Deux duos sinon rien :

Airelle Besson – Lionel Suarez

et

Pierre-François Blanchard – Thomas Savy.

Ce majestueux édifice religieux pour écrin à 2 très beaux récitals intimistes.

Un pur régal !

Les résidents

Marion Rampal et Robinson Khoury vont terminer leur 2ème année de résidence. Chacun-e avec ses envies.

  • Robinson Khoury, pensant la résidence comme un labo et fidèle à son ouverture tous azimuts, a proposé 2 créations pour cette édition : une création avec Claire Lamothe, danseuse chorégraphe circassienne, entrant dans la catégorie de spectacles de rue. «Je ne l’ai jamais fait» dit Alors…
  • Quatuor Demi-Lune où le tromboniste aspire à retrouver sa culture classique et y mêler les musiques ancienne, modale, méditerranéenne, contemporaine avec Lina Bélaïd, violoncelle, Eve Risser, piano, Simon Drapier,
  • Marion Rampal a adopté une autre démarche : renforcer la cohésion de son groupe actuel et bien sûr travailler à sa création Song for Abbey avec ce même groupe, « au détriment des rencontres », ajoute-t-elle.

Au cours de cette année, Marion est intervenue tous les 15 jours auprès de deux classes de 3ème du collège avec un travail sur la voix, la vidéo, la parole féministe, la violence conjugale.

Pendant le festival, elle a encadré la classe musique du Collège Prévert.

Enfin, l’an prochain Robinson Khoury et Marion Rampal vont travailler à un projet en commun, pour marquer la fin de leur résidence.

Nous sommes impatients !

Bien sûr, cette présentation sélective, est loin de faire écho aux 64 concerts programmés, à l’ensemble des autres manifestation : spectacles de rue, scène Avis aux Amateurs, manifestations et concerts périphériques à Coutances, le Dimanche en Fanfares ( par exemple Balkan Paradise Orchestra, une fanfare catalane endiablée, composée de 10 femmes)

Pour cette 44ème édition, Jazz Sous Les Pommiers, continue d’affirmer sa personnalité et se positionne comme l’un des plus grands festivals (Jazz !) de l’hexagone.

La diversité de la programmation, du jazz le plus ancien aux formes les plus ouvertes sur d’autres mondes et musiques, où chacun-e, quelque-soit son âge, peut trouver son bonheur.

Lieu de découvertes également, loin des barrières ou autres carcans.

Une équipe organisatrice soudée, des bénévoles fidèles et synchros (+ de 500), une ville qui vit entièrement à l’heure du festival, la transition écologique bien présente, une ambiance conviviale et populaire: tous ces ingrédients concourent à cette réussite.

Alors, rendez-vous l’an prochain du 8 au 16 mai ?!

Tous à Jazz Sous les Pommiers 2026 !

©Photos Philippe Colliot pour Couleurs Jazz.

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