
Cette 8ème édition de Jammin’ Juan organisée par l’Office du tourisme d’Antibes Juan-les-Pins s’est déroulée devant un parterre de programmateurs de festivals, tourneurs, directeurs de labels, journalistes et spectateurs qui ont pu apprécier la production jazzistique des musiciens de la génération montante.
L’affiche proposait 18 showcases de 35 minutes l’après-midi, suivis le soir, de trois concerts (1h 10), le tout étalé sur trois jours.
Cette année la programmation a fait la part belle aux trios. Celui du pianiste Jean Saint Loubert a trouvé son identité en s’inspirant de la musique classique, du flamenco et du jazz qui reste une composante structurante essentielle de sa production. En ressort un message d’une grande cohérence porté par des combinaisons instrumentales génératrices de climats sonores séduisants.
Lauréat 2023 du tremplin Rezzo du festival Jazz à Vienne, le Trio Verb a proposé une musique métissée, marquée par l’influence des trios d’Oscar Peterson et Chick Corea et dynamisée par la verve rythmique du batteur Etoa Ottou.
Une démarche suivie, au moins dans son principe, par le trio de Baptiste Bailly dont les compositions originales et les rythmes dansants évoquent les traditions musicales méditerranéenne et celtique, l’ensemble restant structuré par le jazz.
Autre pianiste de formation classique, Étienne Manchon, à la tête d’un groupe expérimenté dont le répertoire à la croisée des chemins et ouvert au jazz (Bill Evans), propose des pièces originales dispensatrices de belles couleurs et d’un grooveénergique.
Le pianiste Jean-Philippe Koch a lui été influencé par Brahms, Rachmaninov et Tigran Hamasyan. Ses compositions privilégient des mélodies mises en valeur par les ressources de la musique répétitive de Steve Reich.
On retrouve cette ouverture multicuturelle pratiquée par deux quartettes avec trompette : The Big Tusk et Sroka. Les musiciens du premier combinent, au-delà de toute étiquette stylistique, les procédés de la musique électronique et la liberté de l’improvisation pour créer des combinaisons sonores qui entraînent l’auditeur dans un monde imaginaire.
Le contrebassiste Martin Sroczynski, dit Sroka cherche dans la tradition musicale kanak et la puissance rythmique du jazz à élaborer des mélodies d’une séduisante simplicité.
Au cours de sa carrière, le contrebassiste-compositeur-arrangeur Vladimir Torres, présent à l’édition 2023 de Jammin’ Juan, a abordé, au cours de sa riche carrière, les musiques d’Amérique latine et du Moyen-Orient, la salsa, la pop, le domaine de la chanson et le jazz. C’est cet éclectisme, cet esprit d’ouverture, cette manière de combiner toutes ces influences et la forte complicité existant entre les membres de son quintette qui font le charme et la qualité de sa musique.
La même variété d’approche se manifeste aussi dans le domaine vocal avec Mélissa Weikart et Mélina Tobiana. Évoluant dans la chanson de haut vol, la première propose un dialogue poétique entre un chant tout en nuances et un jeu de piano hérité de sa formation classique et de son goût pour un jazz feutré. Sa consœur, Mélina Tobiana, qui est aussi une autrice-compositrice et une interprète de talent, tire le meilleur parti de sa voix chaleureuse pour mettre en valeur un répertoire rendant perméable les frontières entre jazz, soul et folk.
Une démarche qui rappelle celle du groupe Who Parked The Car qui, entre Soul et Funk, distille un groove dansant en parfaite adéquation avec le chant dynamique d’Alice Chahbazian. À noter l’intervention flamboyante du guitariste César Aouillé qui fit lever le public à la fin du concert.
Inspirée par Ella Fitzgerald, Lorez Alexandria et Carmen McRae, Estelle Perrault, mélange habilement le jazz et la soul pour exprimer les facettes d’un univers personnel au travers de compositions originales capables de toucher l’auditeur, ceci en évitant les conventions commerciales dans lesquelles se perdent nombre de ses consœurs.
Le mercredi soir 30 octobre, on a retrouvé sur la grande scène du Palais des Congrès avec le pianiste Patrick Cascino, le contrebassiste Charly Tomas et le batteur Luca Scalambrino, ce désir de dialogue et cet esprit d’ouverture à d’autres cultures qui reste la marque de Jammin’ Juan. Leur univers musical évoquant la tradition des trios de l’histoire du jazz et métissé par les sons épicés des musiques méditerranéennes et latines a conquis le public.
Le lendemain sur la même scène, la compositrice et chanteuse Carmen Souza a présenté avec son trio une synthèse féconde de la musique du Cap Vert, des rythmes africains et du jazz qui constitue sa marque de fabrique. Son charisme flamboyant, la qualité de ses compositions et sa remarquable technique vocale lui ont permis de dépasser les limites convenues de la World Music pour créer un genre musical original apprécié par tous.
Ajoutant à l’intérêt de cette édition de Jammin’ Juan, deux expositions témoignant des relations existant entre les arts visuels et le jazz partageaient en toute convivialité les murs du Palais des Congrès.
La première, intitulée « Jazz Emotions« , était consacrée aux peintures à l’huile et à l’acrylique d’Hervé Rubeaud qui définit sa démarche en ces mots : « Je veux créer un pont entre la musique et l’image, et inviter chacun à ressentir cette énergie unique. »

Nina Simone ©Hervé Rubeaud
La deuxième, nommée « Silence Jazz & Lumière« , est celle du photographe Christian Rahal qui aurait pu faire sienne cette déclaration, tant ses portraits de musiciens pris sur le vif en pleine action traduisent l’énergie de la scène en une grande émotion.

Angélique Kidjo ©Christian Rahal
Une édition significative de la production actuelle de la jeune scène du jazz.
Palais des Congrès Antipolis,
Note : arrivé trop tard et parti trop tôt, je n’ai pu assister, à mon grand regret, aux concerts de Lea Maria Fries, Marthe X Pilani Bubu, Obradovic-Tixier duo, Cédric Hanriot, Julien Daïan Sextet, Alex Grenier Quartet et du Cuban Jazz Syndicate.
Show Cases indiqués dans cette chronique :
Mercredi 29 octobre
Jean Saint Loubert Trio
Jean Saint Loubert Bié – piano, bugle, synthé
Ludo Prieur – contrebasse, basse, guitare
Thomas Le Galo – batterie.
Verb :
Noam Duboille – piano
Charles Thuillier – contrebasse
Garcia Etoa Ottou – batterie.
Babtiste Bailly Trio :
Baptiste Bailly – piano
Etienne Renard – contrebasse
Stéphane Adsuar – batterie.
Who Parked the Car :
Alice Chahbazian – chant
Thomas Salvatore – claviers, chant
Félix Reneault, saxophone
César Aouillé – guitare
Ludo Prieur – basse
Malo Ropers – batterie.
Cascino trio :
Patrick Cascino : piano
Luca Scalambrino : batterie
Charly Tomas : contrebasse
Jeudi 30 octobre
Melissa Weikart – piano, voix, synthés.
The Big Tusk :
Shems Bendali – trompette, percussions
Théo Duboule – guitare
Andrew Audiger – claviers
Nathan Vandenbulcke – batterie.
Etienne Manchon Trio :
Etienne Manchon – Piano, clavier
Théo Moutou – batterie
Jules Billé – contrebasse.
Sroka :
Martin Sroczynski – basse
Antton Armantier – claviers
Emile Guillaume – batterie
Paolo Chatet – trompette.
Estelle Perrault Quintet :
Estelle Perrault – voix
Rob Clearfield – piano, Fender Rhodes
Samuel Fhima – basse électrique, contrebasse
Théo Moutou – batterie
Melvin Marquez – saxophone tenor.
Vladimir Torres Quintet :
Vladimir Torres – contrebasse et compositions
Hugo Diaz – saxophone
Constantin Meyer – trombone
Martin Schiffmann – piano
Tom Moretti – batterie.
Carmen Souza :
Carmen Souza : chant, guitare – piano
Theo Pascal – basse électrique, contrebasse, chœurs
Elias Kacomanolis – batterie, chœurs
Jonathan Idiagbonya – piano.
Vendredi 31 octobre
Dock In Absolute :
Jean-Philippe Koch – piano
David Kintziger – basse électrique
Victor Kraus – batterie ;
Mélina Tobiana Quintet :
Antoine Delprat – piano
Gustave Reichert – guitare
Thomas Posner – contrebasse
Clément Brajtman – batterie, chant
Mélina Tobiana – chant.
©Photos Office du Tourisme & des Congrès, V. Delplace (Carmen Souza – couverture ; Melissa Weikart, Header)


















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