Giovanni Mirabassi, le pianiste Transalpin résidant à Paris et co-fondateur du dynamique et créatif label Jazz Eleven, revient avec un album en piano solo, inspiré, original et dont les profanes, fans, musiciens, poètes, auditeurs, curieux, promeneurs, mélomanes ou simples penseurs participèrent inter-activement au processus créatif.
Printemps 2020. Printemps des poètes et des créateurs… ? Le monde est plongé brusquement et pour la première fois de son histoire dans l’isolement planétaire. Les usines ferment. Les aéroports ne fonctionnent plus. Nous sommes assignés à domicile.
Isolation, désolation pour certains. Pensées créatives pour d’autres.
Nombre d’albums ont été créés pendant cette période. Fred Hersch, Brad Mehldau ont continué à composer chez eux, seuls ou en famille des albums en solo ou à distance avec leurs musiciens à distance.
Dès lors, Giovanni Mirabassi eut l’idée originale de tisser des liens avec la communauté Instagram à qui il demanda en toute simplicité de partager des pensées isolées.
Un processus de création poétique inédit pour aboutir à une création musicale tout à fait originale.
Tout peut être source d’inspiration apriori mais l’idée de formuler cette demande alors que l’on est en principe privé de face à face, de confrontation avec ses semblables est déjà une idée lumineuse. Chacun pouvait envoyer qui une phrase, un poème, qui un dessin, une vidéo ou une photo… une pensée isolée, puis partagée.
N’est-ce pas en partageant ses rêves qu’ils ont une chance de devenir réalité ?
Les musiciens sont des magiciens puisqu’ils ont le pouvoir de transformer leurs pensées en notes de musiques entrecoupées de silences rythmés.
De pensée en pensées, d’idées en rêveries, la chose prenant forme, le pianiste transforma toute cette matière en musiques.
Et le style, la signature Giovanni Mirabassi voit donc le jour, s’imprime ; la musique ainsi créée est riche de mélodies attachantes et sensibles.
La chanson et la belle mélodie ont toujours inspiré l’œuvre abondante du musicien au 17 disques d’or. Finalement peu de pianistes peuvent s’imposer dans des œuvres en solo, car seul face au clavier, il faut avoir des choses à raconter. C’est ici le cas.
Dans Pensieri Isolati, il n’y a rien de sombre, abstrait ou abscons. A l’inverse, tout est clair, lumineux, léger comme le vent et le soleil de ces semaines de confinement dans Paris endormie.
Et à la fois la musique est profonde comme les émotions qui nous ont habitées.
La mélancolie n’est pourtant jamais loin. Les huit titres sont autant de propices invitations à la méditation, un support aux pensées isolées qui cheminent en nous.
Même la pochette en fines arabesques pianistiques est une réussite élégante. Le style Jazz Eleven s’affirme encore.
« J’ai souhaité donner une usage plus poétique aux réseaux sociaux en créant une page Instagram où j’ai invité les gens à partager leurs pensée isolées avec moi pour créer du lien.
C’est la première fois que je demande à mon public d’interagir avec moi au niveau de la création. Et l’idée est que chacun travaille dans son coin et qu’en réalité on est tous ensemble et que l’on peut intégrer ça à du jazz, à de la musique strictement acoustique, à du piano solo. C’est très excitant ! »
Et d’ajouter :
« Forcé à annuler des dizaines de concerts dans une demi-douzaine de pays d’Asie par arrêt de l’arbitre, près des miens dans mon appartement montmartrois, malade, j’ai été poussé à l’introspection. Un arrêt sur conscience au carrefour de mes cinquante ans et de la fin du monde, ou du moins de ce monde que j’ai connu et qui m’était familier. J’ai profité de cette brèche dans l’espace-temps pour faire un disque de mélodies intimes, certaines composées par mes soins et d’autres non, telles des fulgurances de ma jeunesse musicale, du temps d’avant le temps d’avant, lorsque je n’imaginais pas un jour enregistrer des disques, parcourir les cieux et jouer pour les gens, lorsque personne ne pouvait imaginer d’avoir un jour à convaincre des algorithmes, et non des coeurs, du bien fondé de nos oeuvres, un temps qui n’était pas forcément mieux que celui-ci, en soi. Mais l’art va là où le courant le pousse ; prisonniers de notre propre histoire, nous racontons celle de notre époque par un simple effet de miroir – J’ai donc joué au temps présent, du mieux que j’ai pu; pour nous, les humains, pour mes enfants, pour ceux des autres, pour tous ces gens qui m’écoutent, par choix, ou par accident, et même pour ceux qui m’écouteront peut-être un jour et n’aimeront pas, ou ne prêteront pas attention à ce morceau de piano joué, en arrière-plan. Je me suis échappé de mon confinement, d’un air conspirateur toutes les semaines, pour enregistrer un bout de ma solitude et le mettre de côté pour demain, lorsque le brouhaha du monde aura repris le dessus.
Des pensées isolées, arrêtées dans le temps et dans l’espace.
Comme nous l’étions -L’étions-nous ? »
Pour aller plus loin dans la démarche créative, vu la créativité des contributions, Giovanni Mirabassi décide alors de créer un spectacle alliant musique et visuel, en invitant le vidéaste Malo Lacroix à exprimer son imaginaire onirique, à interagir et à mettre en scène la musique en direct.
Le spectacle créé en coproduction avec le Théâtre du Châtelet et le Centre Événementiel et Culturel de Courbevoie en octobre 2021 fut un véritable succès.
En guise de contribution, nous proposons cette pensée isolée : « A quoi ça sert d’écouter du Jazz, si l’on n’a rien à en penser ? »
Les Pensieri Isolati de Giovanni Mirabassi apportent la plus intuitive et sensée des réponses.
Cyril Mokaiesh, voix dans le titre « Où Voulez-vous que je m’assoie ? »
L’album Pensieri Isolati, sorti sous le Jazz Eleven est « Hit Couleurs Jazz »,. Il est bien entendu en sélection sur Couleurs Jazz Radio.
©Photo Header, Patrick Martineau
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