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Hit Couleurs JAZZ

Ce mois-ci, encore plus riche en nouveautés jazzistiques, nous souhaitions vous présenter l’album aux couleurs chatoyantes, ”Caméléon” de l’accordéoniste Frédéric Viale. 

Si nous comptons bien, cette merveilleuse galette est son septième disque. Comme nous, vous avez été éblouis par son album précédant « Toots Simplement », vous courrez maintenant chez votre disquaire, acquérir « Caméléon » !

Dès les premières mesures de la première piste – Frou Frou – le son vous empoigne, les vibrations rappellent celles des grandes orgues… Et l’on reconnait alors rapidement l’air populaire d’Henri Chatau.

Alors, l’on s’assoit mieux dans le fauteuil du salon, on monte le son des enceintes et on prévoit de passer une heure et huit minutes à délecter.

Puis vient le titre éponyme, « Caméléon » une nouvelle composition de Frédéric Viale.

C’est virtuose mais sans trop en faire. Délicieux toujours.

Et il en va de même de tous les titres qui s’enchainent.

Putain il est 21H 30 et j’avais un rendez-vous pour dîner dehors.

… J’expliquerai mon retard, j’avais une très bonne excuse !

En effet les 19 titres s’enchaînent comme les perles d’un Koboloï que l’on égrenne en laissant son esprit s’évader vers les sommets de ces musiques parfois gaies, mécancoliques, rythmées…

That’s Jazz folks ! That’s Couleurs Jazz mon Caméléon !

Le lendemain, j’appelle aussitôt Frédéric Viale qui commence une brillante tournée pour présenter son nouveau bébé dans nos provinces et hors du royaume.

Il se prête avec sérieux à l’interview que je vous livre ici, chanceux lecteurs de Couleurs Jazz.

Quant aux auditeurs de Couleurs Jazz Radio, ils pourront écouter Caméléon sur leur media préféré. Les titres de Caméléon côtoieront ceux de « Toots Simplement » ponctués par les jingles nouvelle fournée de votre radio préférée : « Couleurs Jazz Radio, Simplement Jazz… »

Cher Frédéric Viale, pourquoi ce titre , Caméléon ? Est-ce à voir avec les différentes couleurs dans lesquelles lanimal peut se fondre ? Est-ce une façon de se cacher ou de sadapter ?

Frédéric Viale : Le Caméléon a la particularité de s’adapter à son environnement. Il change de couleur pour passer inaperçu. Avec mon accordéon, j’ai très tôt était attiré par plusieurs sensibilitées musicales.  Le musette, le swing, le jazz, la musique brésilienne et argentine, la musique cubaine, la musique  classique, les musiques traditionnelles en général. J’ai du adapter ma manière de jouer en fonction des styles que je voulais jouer.

Le jazz m’a permis,  je pense, de comprendre rapidement que j’avais le droit et même le devoir de proposer quelques choses de singulier. Un univers personnel, un langage personnel. Sans bien évidemment, rien chercher à démontrer ou montrer. Juste pouvoir exister artistiquement à travers un instrument. Dans un premier temps, je me suis un peu caché dans le sens où je jouais uniquement ma musique me sentant illégitime pour jouer la musique des autres. Je pense que j’avais besoin de murir et de prendre confiance.

Petit à petit, tel un Caméléon j’ai commencé à adapter cet instrument en fonction de ce que je voulais jouer, et même plus, j’étais imprégné de tout ce que j’avais écouté. Je pense avoir en moi une musique très colorée et éclectique. On sent très vite toutes mes influences.

Choisir laccordéon, un instrument teinté parfois musette et flonflons, comme compagnon de voyage pendant des années. Peux-tu expliquer ce choix ?

FV : A la base, ce n’est pas un choix. J’ai voulu faire comme ma grande soeur. On était dans un club d’accordéon dirigé par Lucien Galliano.

Les premières années je n’avais pas de rapport particulier avec cet instrument mais vers 13-14 ans,  je me suis passionné d’abord de musique et ensuite très vite de cet instrument.

Le musette et les flonflons ne me dérangent pas quand ils sont bien joués.

Mais, très vite et grâce au professeur que j’avais, j’étais très attiré par les musiciens qui ont emmené le musette ailleurs. Tony Murena, Jo Privat, Gus Viseur, Marcel Azzola, Joe Rossi, Joss Baselli, Andre Astier, Roland Romanelli, Daniel Mille et bien évidement Richard Galliano.

L’accordéon doit beaucoup à tous ces musiciens. Après, je penses avoir écouté moins d’accordéonistes que de jazzmen en tout genre. Très tôt j’ai préféré le jazz et la musique improvisée. Passant de Michel Petrucciani, Didier Lockwood, Eddy Louiss, Maurice Vander, Pierre Michelot, Christian Escoudé, Bireli Lagrene, Michel Portal, Daniel Humair à Miles, Bird, Bud Powell, Coltrane, Hampton Hawes, Mulgrew Miller, Woody Shaw

Mais également Paquito de Rivera, Irakere, Piazzolla, Hermeto Pascoal, Sivuca, Enrico Rava, Jan Garbareck, Joachim Kuhn, etc.

En plus de laccordéon, 3 titres sont joués au Mellowtone, instrument incroyable que tu avais mis en avant dans ton précédent album, « Toots Simplement »,  qui nous avait également vraiment emballés. Pourquoi ce choix ?

FV : Coup de foudre absolu pour cet instrument. Unique de par le son et la manière de le jouer.

L’inventeur Anatole Tee  a fait des merveilles en nous proposant cette nouvelle sonorité. Cet instrument est proche de l’accordina  mais en même temps il a quelque chose de plus racé, unique, puissant. Ce n’est pas une question de mieux , c’est juste ailleurs et c’est déjà énorme.

Je voulais ajouter dans cet album accordéon solo une respiration différente.

En me mettant à la place de ceux qui écouteront cet album, j’ai pensé judicieux de proposer 3 tableaux sonores différents. C’est une pause.

Je joue trois mélodies classiques Salut d’amour d’Edgar, un extrait de la 3eme symphonie de Brahms et une composition en hommage à Anatole.

Je fais partie des mélomanes qui ne sont pas fans, apriori de laccordéon (les apriori sont forcément bêtes…). Pourtant je sais que tant de grands praticiens de cet instrument de musique à vent de la famille des bois, me font totalement réviser mon jugement et me retournent instantanément. Je veux parler de Vincent Peirani par exemple dont je suis un adepte inconditionnel, mais de Frédéric Viale également ! Car quand jentends ton jeu, ta musique et plus particulièrement dans ton dernier opus « Caméléon » je suis ébahi par le son, les sons que tu es capable de produire. Jajoute que la qualité de lenregistrement et le rendu de ce dernier opus, Caméléon, sont fabuleux. `comment expliques-tu ça ? Quelle est la magie ? ou quelles sont tes recettes ?

FV : Tout d’abord merci pour tous ces compliments. Je les prends avec plaisir (rire)

…sur la qualité d’enregistrement : j’ai enregistré cet album à Udine en Italie chez Arte Suono studio.

C’est l’ingénieur son Stefano Amerio aux manettes. C’est un de meilleurs studios européens, et l’un des meilleurs Ingénieurs du son studio, au monde. Il a gagné de nombreux prix et il enregistre depuis de nombreuses années les albums d’ECM records…

Il était très important de pouvoir m’appuyer sur un son exceptionnel. Pendant l’enregistrement cela permet d’être plus confortable. On ne lutte pas mais au contraire, c’est un allier.

Pour la magie et les recettes, franchement…. Je ne sais pas. Et je pense que personne ne sait vraiment. J’ai voulu faire un album intime, sans fioritures, mélodique et épuré. J’ai essayé d’aller à l’essentiel. D’être moi-même et dans l’acceptation. Pas faire un album de virtuose mais juste de musique en jouant des morceaux qui me plaisent.

J’ai beaucoup pensé à Ahmad Jamal avant l’enregistrement. Il avait cette capacité à aller à l’essentiel quand il reprenait un standard. (Bon, ce n’était pas sa seule qualité:))

Privilégier la mélodie et un groove, un climat sonore. Le plus dur c’est que là je suis seul. Mais je gardais ça en tête.

Joue comme si tu avais un groupe derrière. Laisse de l’espace. Et amuse toi !

Donc pour répondre honnêtement à tes questions, je n’ai malheureusement pas de réponse 🙂 si pour toi c’est magique, alors j’ai réussi !

Au-delà du jeu, de la virtuosité, il fait souligner le sens musical, le jazz qui respecte la tradition, lHistoire et qui pourtant propose une musique résolument moderne. Quel est ton point de vue par rapport à la modernité, au jazz qui évolue et à la tradition ?

FV : C’est la phrase de Dizzy ultra connue : « Pour jouer du jazz, tu as besoin davoir un pied dans le passé, et un autre dans le futur. »

Après le terme musique moderne est vraiment difficile à déterminer. Si on veut jouer moderne ça veut dire quoi ?

Jouer plus moderne que John Coltrane, Michael Brecker, Keith Jarret, Wayne Shorter, Herbie Hancock, Scott La farro… Il faut se lever tôt comme on dit 😉

Beaucoup de musiciens ont la prétention de jouer de la musique moderne, certains y arrivent, d’autres devraient être plus conscients de l’histoire de cette musique. Pour ma part, j’essaie juste d’évoluer. D’être le plus honnête possible. De progresser à mon rythme dans le respect de la musique et de mon intégrité. C’est déjà beaucoup. C’est sûr que la danse et la tradition sont dans ma musique. La notion de rythme et de mélodie également.

Ça ne veut pas dire que je n’aime pas la musique modale, le free, la musique contemporaine… C’est juste que mon ADN musical est ancré dans la tradition.

Par contre, d’un point de vue « accordéonistique » je me considère comme moderne. De par le son, mes compositions  et la voie que j’ai choisie.

Tu peux nous décrire un peu les différents morceaux de lalbum, ou nous expliquer tes choix ? …Ou nous dire quelques mots sur ces titres qui figurent dans lalbum. (Je ne veux pas tobliger à faire une liste exhaustive, vue la richesse de la palette. (19 titres !)

FV : A travers ce répertoire, je voulais jouer le plus de styles possibles. C’est bien évidement lié à mes influences.

On retrouve un standard assez peu joué comme Namely You, Gravy Waltz de Ray Brown rendue célèbre en France par Claude Nougaro ou encore une magnifique composition de Tom Harrel, Roman Nights, ballade intimiste très mélodique.

Des morceaux plus traditionnels comme Nany de Joseph Colombo, valse issue du répertoire musette ou La matriarca là c’est plûtot de la musique traditionnelle d’Amérique du sud. C’est une composition que j’ai écrite à Medellin en Colombie.

Caméléon, Iguaçu, Tango du Sud sont des compositions qui reflètent bien mon univers, marqué par la musique argentine et brésilienne.

On retrouve dans ce répertoire deux compositeurs brésiliens, Natallino Neto qui a écrit Moreninha et Hermeto Pascoal pour Cancao da Tarde.

Sol Pleureur est un valse écrite en hommage à Andre Astier.

Novecento est une composition inspirée de la culture italienne. Les musiques de films de Fellini, Bertolucci, etc.

Que souhaiterais-tu ajouter sur ce projet Caméléon ?  ou en général 

FV : Ce projet était un challenge pour moi. Je dois dire que tous les retours positifs que j’ai depuis sa sortie me font très plaisir. Proposer un album entier en solo n’est jamais facile surtout avec un instrument assez clivant.

J’espère qu’il touchera le plus grand nombre de personnes. L’accordéon subit malheureusement beaucoup d’apriori, de rejet et de barrières. J’espère qu’il fera changer d’avis certaines personnes surtout les programmateurs dans les festivals de jazz.

Pour mes projets à venir, je travaille en ce moment avec Antonela Lucía, magnifique chanteuse italo argentine, une voix exceptionnelle. Ce sera un album de chansons en espagnol et italien. Uniquement des compositions d’Antonela et de moi-même. Je rêvais de faire un album de chansons, j’ai trouvé une artiste avec qui l’entente est parfaite. Thomas Bramerie, Jean Marie Ecay et Zaza Desiderio feront partie de l’aventure.

Je vais bientôt penser à refaire un album également en quartet pour enregistrer mes nouvelles compositions. 2025 sera bien chargée !

En attendant écoutons ce magnifique album :

 

Merci encore Frédéric pour nous avoir éclairés davantage sur ce magnifique projet !

Caméléon est Hit Couleurs Jazz.

Ils fait partie du « Best o» des albums sortis en octobre 2024. Il sera donc mis particulièrement en avant pendant tout le mois de novembre sur Couleurs Jazz Radio.

Caméléon est sorti sous le label Diapason, le 11 octobre 2024.

Frédéric Viale fera son concert de Sortie d’album au Sunside, le 13 novembre prochain.

©Toutes les photos  sont de l’excellent Jonathan Viale.

 

 

 

 

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