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Arnaud Séité, hôte de la Péniche le Marcounet au Port des Célestins, Quai de l’Hôtel de Ville de Paris, invitait Ferrandi, la plus prestigieuse école de gastronomie et d’hôtellerie de la capitale. Entre Jazz et Gastronomie, il existe des ponts et même des rivières à explorer.

Nous allons vous en rendre compte à travers cette chronique. Le premier événement du genre eut lieu le 5 avril dernier.

Aussi, nous avons demandé aux principaux acteurs de cette joyeuse initiative, qu’ils nous parlent un peu de ce projet devenu réalité pour le plus grand plaisir des passagers — on affichait complet ! — de cette croisière gustative. 

Commençons par Jean-Michel Robier, professeur à Ferrandi, qui est avec Arnaud Seité l’instigateur du projet :

Jazz & Gastronomie ça évoque quoi pour vous Jean-Michel Robier ?

Jean-Michel Rodier : Justement, commençons par le début, la partie cocktail. Nous avons voulu comme thème de cette soirée la gastronomie de la Nouvelle Orléans, avec ses cocktails inventés sur place.

Ensuite, les recettes proposées par le chef sont également inspirées de la Nouvelle Orléans. Aussi, au niveau des élèves de l’école Ferrandi, il s’agit d’une classe de mise à niveau dans laquelle, à tous les étudiants, nous proposons un panorama des différents métiers de la restauration : service en salle, bar, cuisine, ainsi que des matières d’enseignement général comme la gestion, les sciences, les langues…

A la fin de l’année ils peuvent ainsi choisir une formation comme un BTS de Cuisine par exemple, ou en hébergement, en salle, etc.

Ce soir, c’est pour ces élèves, un stage pratique de mise en situation : l’organisation d’un événement « Jazz & Gastronomie à la péniche, Le Marcounet ».

Peut-on improviser en cuisine comme on le fait dans le Jazz, puisque c’est son essence même ?

JMR : En règle générale, en restauration on improvise toujours même si l’on doit tout préparer. La mise en place est organisée et c’est 90% du travail. Ensuite le client crée des situations qui nous offrent autant d’opportunités d’improvisations.

Il y a toujours des éléments que l’on n’avait pas prévus. D’où la nécessité de s’adapter et d’improviser sans cesse. Sans compter les incidents, tels qu’un four qui en début de service tombe en panne… Il faut bien alors imaginer, improviser…. Ou comme ce soir, courir au dernier moment chercher des fleurs, car on avait oublié ce détail important. Sans compter les parallèles de vocabulaires : le piano est également l’élément central en cuisine comme souvent dans le jazz. Même si ce soir il est un peu moins important. La préparation principale ayant été faite la veille à l’école.

Sinon d’autres expressions peuvent être mises en parallèle, comme « jouer comme une casserole » … rires… ou plus sérieusement : on parle d’harmonie en musique et d’harmonie entre mets et vins.

L’atmosphère change la perception des choses. Ainsi l’on prétend que certaines musiques peuvent influencer votre perception du vin, qu’en pensez-vous ?

JMR : C’est certain ! C’est le côté subjectif de nos sensations, la façon de ressentir les aromes. L’émotionnel joue un rôle important dans nos perceptions gustatives comme en musique.

Poursuivons avec Nicolas Perdriset, Chef à l’Ecole Ferrandi.

Est-ce que « Jazz et Gastronomie » est un sujet qui vous parle en tant que chef et professeur ?

Nicolas Perdriset : Oui bien sûr. Par exemple ce soir nous avons voulu revenir aux origines du jazz et en particulier à la Nouvelle Orléans. Donc nous avons voulu copier un peu sur ce qui se faisait à l’époque là-bas. Au niveau de la viande, nous avons opté pour des pilons de volailles avec une sauce aigre-douce, les bases restent complètement françaises, (la Nouvelle Orléans en faisait bien sûr partie à l’origine), on a travaillé la noix de coco, la carotte, ce qui évoque ce que l’on mangeait là-bas, même si cette région n’est pas réputée comme étant le fleuron de la gastronomie mondiale. Mais il y a des éléments intéressants à travailler. On peut tout du moins s’en inspirer, comme dans la musique.

Peut-on donc improviser en cuisine ?

NP : Oui, l’on a voulu justement proposer quelque chose de convivial, avec des ateliers où les jeunes peuvent montrer leur travail et la transmission de notre métier et de notre savoir-faire.

Puis nous avons choisi des plats un peu « canaille » comme le pâté en croute qui est très tendance.

(note : le chef Nicolas Perdriset est  monté récemment sur le podium mondial des meilleurs pâtés en Croute !)

Ou le saumon mariné sauce aigre-douce, façon gravelax ou bien le tourteau pour ajouter une note locale, ainsi que le guacamole, mélange des saveurs et des régions du monde. Donc des saveurs épicées avec par exemple un lait coco-carotte aux différents poivres et de la bergamote pour le côté acidifié.

Nous proposons également de la daurade juste snackée avec du poivre sichouan et une pomme de terre écrasée ciboulette et une sauce vierge à base de basilic. Donc des mélanges de couleurs et de saveurs du nord au sud…

L’idée est de montrer aux jeunes que même avec peu de moyens dans un milieu que l’on découvre : ce ne sont pas les cuisines de l’école, mais celles du bateau le Marcounet … Il nous faut donc apprendre à sortir de sa zone de confort, nous mettre un peu en danger, un peu comme en musique où l’on quitte la partition, même si ici nous disposons de tout le nécessaire.

Puis nous rencontrons Arnaud Séité, l’homme – orchestre de cette soirée : il assurera la « pompe » (la rythmique à la guitare Manouche) pendant les deux sets du concert.

Arnaud, comment vous est venue cette idée de cette soirée Jazz et Gastronomie au Marcounet ?

AS : C’est rigolo cette rencontre, car tout le monde sait que je suis amoureux de la bonne bouffe comme du jazz. Et comme souvent, il a suffi d’une rencontre, une rencontre avec un professeur : Jean-Michel Robier, puis de fil en aiguille à travers nos différents échanges nous avons élaboré cette soirée autour d’un cocktail dinatoire avec le savoir-faire en cuisine de l’école Ferrandi, et le service. De son côté le Marcounet apporte le lieu bien sûr et du jazz avec un trio

(dont je fais partie) qui apporte la musique jazz. C’est une première, mais l’idée semble séduire puisque nous affichons complet. Alors cela risque de devenir un rendez-vous… Annuel peut-être ?

Et nous nous tournons enfin vers le mixologue, Guillaume Guerbois.

Guillaume, quels sont les liens entre Jazz et cocktails ?

Guillaume Guerbois : Alors les liens sont assez évidents à trouver, puisque dès les premiers Jazz clubs qui ont ouvert à la Nouvelle Orléans, il y avait déjà des cocktails qui sont apparus officiellement même avant, dans la période 1840. Les cocktails ne sont pas nés exactement à la Nouvelle Orléans, mais c’est là qu’ils ont été popularisés, grâce à de grands bar-tenders comme Jerry Thomas, qui ont participé à la démocratisation du cocktail et à l’engouement du public pour ces breuvages. Et Jerry Thomas a créé là-bas un cocktail emblématique, qui est le Sazerac avec presque uniquement des produits français, ce qui était logique à l’époque. Et donc dans ce cocktail on retrouve du Cognac, de l’absinthe et du Peychaud Bitter qui est amer concentré créé par un pharmacien français qui s’était établi là-bas. Ainsi Jerry Thomas rachetant le Sazerac Coffee House a remis ce cocktail au goût du jour en l’améliorant.

Que conseilleriez-vous d’écouter avec ce breuvage authetiquement New-Orleans ?

GG : Avec ce cocktail on peut écouter tous les styles de jazz car c’est un cocktail qui dans l’esprit se sirote, dans lequel on va prendre plaisir à découvrir les aromes, où il faut prendre son temps comme lorsqu’on écoute un bon morceau de jazz.

Peut-on inventer de nouveaux cocktails, improviser des cocktails de nos jours et qui correspondraient au jazz d’aujourd’hui ?

GG : En général on s’inspire de bases existantes, de classiques que l’on va légèrement twister, revisiter, selon le style de la soirée, le groupe qui va jouer, l’ambiance générale, mais en fait, j’aime bien rester traditionnel dans cet univers-là, et simplement apporter des petites notes de détails… Comme le trio de ce soir va certainement reprendre des standards et ajouter ses touches personnelles, mais sur une base connue.

Mais comme en musique on peut toujours improviser à partir du moment où l’on maîtrise ses classiques. Cela demande une connaissance de son métier de son univers, ainsi qu’une aisance, une connaissance de ses produits et à partir de là, une fois que l’on est suffisamment agile, on peut laisser libre cours à son imagination et faire plaisir à ses consommateurs.

Enfin, il arrive qu’à la demande de clients on propose des cocktails inédits que l’on appelle des cocktails « sur mesure », ou des « do it yourself » ou des « laissez-faire le barman » et là le client donne juste des indications…

Recettes des cocktails :

Sazerac

6 cl cognac

1,5 cl sirop de sucre

2 dashes Peychaud bitter

4 dashes absinthe

1 cl eau minérale (optionnel)

1 zeste de citron jaune

Réalisé au verre à mélange

Servi dans un verre old fashioned ou sherry, combler sans glace.

Ramos gin fizz

4,5 cl old tom gin

3 cl sirop de sucre

1,5 cl jus de citron jaune

1,5 cl jus de citron vert

6 cl crème liquide

3 dashes de fleur d’oranger

3 cl blanc d’oeuf liquide

Top eau gazeuse

Réalisé au shaker et servi dans un tumbler sans glace.

Le trio Jazz manouche qui anima la soirée était composé de :

Luc Desroy, guitare

Arnaud Séité, guitare rythmique

Aurore Voilqué, violon

En résumé, une soirée Gastronomie et Jazz comme on aimerait en voir plus souvent… Une note à l’adresse de certains clubs de jazz de la capitale, mais pas tous, loin de là, qui négligent totalement l’aspect gustatif et l’accueil, pour ne se focaliser que sur la musique. Ce n’est évidemment pas le cas du Marcounet qui ne prétend pas tous les jours atteindre la haute gastronomie, mais propose toujours des produits, liquides et solides, de grande qualité.

Et en dehors des concerts-live, vous pourrez également y écouter, Couleurs Jazz Radio… !

Que désirer d’autre ?

 

©Photos Patrick Martineau / JZZM

 

 

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