Enrico Rava – Fearless Five

Enrico Rava c’est le grand ancêtre du jazz italien d’aujourd’hui.

Mais un ancêtre sur lequel le poids des ans ne semble pas peser. Un ancêtre qui renouvelle régulièrement les membres de ses formations en y faisant entrer des musiciens de la jeune génération : un vivier aux évolutions duquel le souffleur vétéran est constamment attentif. Exit, donc, pour ce nouvel opus, le trombone de Gianluca Petrella et la contrebasse de Gabriele Evangelista, remplacés respectivement par Matteo Paggi et Francesco Ponticelli.

Quant à la batterie, elle est tenue par une jeune femme, également brièvement vocaliste sur un titre : Evita Polidoro.

En fait le guitariste Francesco Diodati est le seul « survivant » des groupes précédents de Rava.

Le répertoire que le trompettiste-bugliste a composé ou remis au goût du jour pour cette formation est pour moitié constitué de pièces courtes d’environ deux minutes, les autres morceaux s’étendant de six à onze minutes.

Cela permet aux musiciens de tantôt s’épancher longuement sur des thèmes aux contours parfois abstraits, tantôt de se concentrer sur de petites miniatures musicales en tempo majoritairement lent où la mélodie — souvent typiquement transalpine dans sa limpidité cantabile — prédomine.

Enrico Rava © Roberto Cifarelli

Rava, on le sait, est un lyrique et cette veine s’exprime ici de façon magistrale aussi bien au niveau des thèmes que des solos du « maestro », dont l’inventivité ne se dément pas. Par ailleurs Rava est resté un grand fan du jazz classique et son amour pour Louis Armstrong n’est jamais pris en défaut.

On ne s’étonnera donc pas d’entendre ici ou là, sous les doigts du Fearless Five, des accents ou des bribes mélodiques dignes du Hot Five.

Quant aux jeunes sidemen de Rava, ils sont en tout point irréprochables.

Francesco Diodati, qui collabore avec Rava depuis une dizaine d’années, apporte au groupe sa sonorité de guitare « frisellienne ».

Le trombone de Matteo Paggi s’exprime avec une chaleureuse virtuosité qui fait de lui la nouvelle révélation transalpine sur l’instrument.

La contrebasse de Francesco Ponticeli est d’une souplesse et d’une profondeur remarquables. Quant à Evita Polidoro, sa batterie toute en finesse et en tonicité apporte au groupe qu’elle soutient une contribution de premier ordre.

Une belle réussite, donc, de la part de musiciens qui — du fait de la réputation dont jouit Enrico Rava dans l’Hexagone — ne devraient pas tarder à être présents sur les scènes françaises pour y proposer une vision du jazz typiquement italienne et qu’on ne se lasse pas d’admirer.