Chaque mois, sortiesJAZZnights.com, le site Québécois du Jazz et Couleurs Jazz collaborent en vous offrant des articles, textes et contenus respectifs ! Voici donc une intéressante interview conduite par Claude Thibaut de l’auteur Jean-Marc Beausoleil sur le captivant Docteur Jazz, un hommage au génie de Jelly Roll Morton et le jazz d’aujourd’hui avec Paul «Dactylo» Bouchard !
J’ai récemment eu le plaisir de lire le captivant Docteur Jazz, ce récit du présent et du passé – le présent c’est le pianiste de jazz montréalais Paul «Dactylo» Bouchard et le passé c’est le célèbre et flamboyant Jelly Roll Morton, supposé père du jazz ! Ce nouveau livre de Jean-Marc Beausoleil est également un clin d’oeil au millieu du jazz montréalais et québécois. Après l’avoir lu, j’avais quelques questions pour Jean-Marc.
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CT – D’où vient cet intérêt pour Jelly Roll Morton ?
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JMB – « J’étais décidé à écrire un roman sur le jazz, j’ai donc beaucoup lu sur le sujet. Jelly Roll est apparu au cours de mes recherches comme la figure carnavalesque par excellence. Il a surgi du passé, parade à la fois festive et funéraire, un spectre rigolard, une sorte de Baron Samedi du jazz. En effet, comme un de ses premiers succès était une marche funèbre (Oh Didn’t He Ramble)
et que la musique noire est sortie des églises grâce aux parades funéraires, on peut dire que Jelly Roll est en quelque sorte le gardien du cimetière, la figure emblématique de la mémoire, surtout au moment de ses enregistrements pour la bibliothèque du congrès avec Alan Lomax. Je n’ai pas pu résister. »
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CT – Pourquoi cet hommage ?
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JMB – « Le Roll se nommait réellement Ferdinand Joseph Lamothe. Il était francophone et catholique, pourtant il n’y avait pas de livre en français à son sujet. Je voulais le revendiquer comme québécois honoraire. Surtout que les historiens américains ne lui ont pas toujours rendu justice. Un homme de couleur qui parle de sexe et d’argent, qui se pavane avec un diamant dans sa dent et qui, en plus, a le culot d’être un compositeur génial qui a produit plus de 200 morceaux, c’est encore trop pour bien des gens. On l’a accusé de racisme, de sexisme, de banditisme…Ce qu’on doit dire de lui, c’est qu’il est aussi important que Duke Ellington et Louis Armstrong. Il est un des pères fondateurs du jazz, le premier alchimiste à avoir décrypté ses mathématiques intimes et à avoir couché sa polyphonie sur papier. Si notre devise est «Je me souviens», je crois qu’on doit se souvenir qu’un des premiers jazzman était un francophone. En plus, il a appris son métier en jouant dans des lupanars! On dirait un personnage inventé par Baudelaire ou Edgar Poe, mais non! Il a vraiment existé ! »
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CT – Pourquoi cette formule sur deux plans, entre le présent et le passé ?
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JMB – « Je voulais aussi parler du jazz aujourd’hui, à Montréal. Il s’agit d’une musique très vivante. Heureusement, la musique ne se limite pas au Top 40 et aux vidéos de Musique Plus. En mettant en scène les tribulations d’un pianiste aujourd’hui, je pouvais montrer que l’héritage de Jelly Roll existe toujours. Et puis, le personnage de Paul «Dactylo» Bouchard donne un côté plus léger et humoristique au livre. Mélodie, la chanteuse, est un amalgame de toutes les grandes chanteuses jazz qui me permettait d’aborder le rôle des femmes noires dans cette musique. »
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CT – Comment t’est venue l’idée ?
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JMB – « J’écris beaucoup. Je me cherchais un sujet. J’écoute du jazz depuis ma tendre enfance. Le guitariste Éric St-Laurent est mon cousin. Plus jeune, je le suivais partout. J’ai donc profité d’un point de vue privilégié pour observer l’évolution d’un jazzman. Quoi qu’il en soit, je savais que le sujet m’intéresserait assez pour que je m’y tienne pendant au moins deux cents pages. Et puis, j’ai lu des dizaines d’ouvrages sur l’histoire du jazz et de ses artisans. La rédaction de ce livre a été une belle aventure qui a duré plus d’un an. »
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CT – Tu joues ou as déjà joué de la musique ?
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JMB – « Non, malheureusement. Mais je me concentre sur la musique des mots. Les écrivains que je préfère – Céline, Proust, Ducharme – ont tous une prose très rythmée. Louis-Ferdinand Céline parlait souvent de la petite musique des mots. Pour moi, le rythme et la sonorité du texte sont importants. Mon instrument, c’est l’alphabet.. »
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Docteur Jazz est disponible chez Archambault et Renaud-Bray.
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Entrevue : Claude Thibault pour sortiesJAZZnights.com
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