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A l’occasion du concert de sortie de l’album « Arômes Complexes » au Studio de l’Ermitage,   voici l’interview de François Poitou qui signe un album « Hit Couleurs Jazz » que nous avions pu présenter dans la Couleurs Jazz Week #145.

Jacques Pauper : François Poitou Bonjour, pouvez-vous nous éclairer un peu sur votre parcours musical et ce qui vous a conduit à choisir le jazz ?

François Poitou : Mon parcours musical est un peu atypique parce que j’ai fait des études de musique au conservatoire lorsque j’étais jeune mais en même temps j’ai fait des études d’ingénieur, j’ai travaillé en temps qu’ingénieur puis j’ai quitté mon emploi pour devenir musicien en passant par le CMDL. Donc je suis devenu musicien professionnel avec un retard de 5 à 10 ans par rapport à un cursus classique. Par la suite, j’ai un peu comme tout le monde monté mes projets, participé à d’autres projets, construit un réseau, travaillé avec différentes personnes. Ainsi on se met à choisir des choses qui nous intéressent davantage, des choses qui fonctionnent. Après c’est au gré des rencontres et des envies.

Et ainsi la création d’albums dont le troisième sous votre nom, d’où votre présence dans nos studios aujourd’hui. Le premier s’appelait « Funambules » puis le deuxième « Le Sec et la Lune » qui sont toujours à l’écoute sur couleurs Jazz Radio. Il s’agit d’un jazz différent de ce que l’on peut qualifier de jazz classique ; un jazz que l’on pourrait nommer « jazz de chambre » avec la présence de cordes comme dans les quatuors classiques. Et pour ce nouveau projet, vous partez dans une direction très différente !

Oui mais il y a quand même nombre de similitudes dans l’écriture. Après chacun ressent les choses comme il l’entend…

Certes, mais la différence principale réside dans le fait d’inclure du rap, ce qui n’est pas le plus répandu en jazz.

C’est vrai que dans les projets précédents nous étions avec un ensemble de cordes sans batterie, des parties écrites mais aussi des passages d’improvisations très libres. Et donc on se trouve avec un quartet avec batterie, sans harmonie… Et c’est une similitude aussi avec mes albums précédents. J’y tiens, parce que ça demande un travail d’arrangement assez précis. Il faut faire ressentir l’harmonie sans piano, sans guitare… Ça demande un travail d’écriture… Le fait qu’il y ait de la voix, du rap, c’est sûr que ça apporte quelque chose de très différent. En fait c’est un projet que j’avais en tête depuis un certain nombre d’années. Peut-être que le confinement a un peu aidé en ce sens ; qu’on a eu un peu plus le temps pour s’asseoir et réfléchir. C’est probable. Ce qui m’a permis de prendre le temps d’écrire des morceaux de contacter des gens… Parce que trouver un ou une rappeuse intéressé par ce projet n’était pas si évident. Trouver quelqu‘un d’intéressé et qui pouvait matcher avec le projet…

Et donc vous avez rencontré beaucoup de candidats potentiels ?

J’ai visionné beaucoup de vidéos d’abord, puis discuté avec des potes, des professionnels de la musique. Ce qui est vite ressorti de ces recherches c’est que les rappeurs ne pouvaient pas tous faire ça. Il fallait déjà trouver quelqu’un qui ait l’envie de faire ce genre de choses ou s’était déjà frotté à ce type d’exercices. Car c’est aussi une histoire d’envie et en fait la rencontre avec Cécile Aka Pumkin a été assez simple, assez évidente. On s’est parlé au téléphone j’ai écouté ce qu’elle faisait, elle a écouté ce que je faisais. Elle s’est montrée tout de suite intéressée. Ensuite on s’est rencontrés. Elle habite Nantes, alors je m’y suis rendu pour lui présenter une sorte de maquette de la musique que je pensais lui proposer. Et ça a été assez itératif, on s’est vite rendus compte que ça pouvait marcher. On a fait des essais, elle a enregistré des trucs sur des maquettes, que l’on a retravaillés avec le goupe, mais ça a toujours progressé dans le bon sens. A aucun moment on s’est dits que ça n’allait pas fonctionner.

Et même quand elle m’a présenté ses textes. On était partis sur un deal : comme quoi c’est elle qui écrirait ses textes et je n’ai rien changé, car ça collait bien avec mon idée.

Mais Pumpkin est utilisée non pas comme on l’entend dans le rap habituellement, la chanson rap. Même si il y a de vrais textes, sa voix est utilisée plutôt comme un instrument ce qui est très intéressant.

Pour moi ça reste d’abord un album de jazz, dans lequel il y a du rap. Ce n’est pas un mélange de jazz et de rap, ce n’est pas non plus un album de rap. Pour moi le rap est devenu un style, une musique, mais c’est aussi une manière de déclamer un texte qui est très rythmique et peu mélodique. Donc l’importance est davantage donnée aux mots et aux rythmes. Et l’idée fut donc de dire : plutôt que de faire un solo de trompette suivi d’un solo de sax, on fait un solo de trompette suivi d’un passage rap.

Oui c’est d’ailleurs ce qui nous a séduits dans ce projet. Cette originalité. On n’a pas l’habitude d’entendre ça. Le rap ne faisant pas partie de la culture de ma génération. Mais traité de la sorte je trouve que cela colle parfaitement et apporte une couleur nouvelle. C’est passionnant.

En fait dans la création des morceaux se produisait un débat dans ma tête sur l’importance du texte, sa position dans le morceau. Parce qu’à partir du moment où dans un morceau il y a de la voix et du texte, ça change forcément la nature du morceau. La voix captant énormément l’attention, parce que moins abstraite. Donc  pour chaque morceau il y a eu débat sur le positionnement de la voix, au début, au milieu, dans plusieurs couplets, un passage court, un passage plus long…? Et nous sommes parvenus au final à pas mal de diversité : parfois c’est au début, parfois c’est long, parfois c’est court, au début ou à la fin…

Je suis très content de ça. Parce que je ne voulais pas que ce soit un album de chansons rap avec des arrangement jazz.

C’est donc bien un disque de jazz avec du rap dedans !?

C’est exactement ça, oui.

Pouvez-vous nous dire un mot sur les autres musiciens, puisque vous avez inclus cette fois un batteur entre autres ?

Ils sont géniaux !…

Max par exemple… (Maxime Berton) au saxophone tenor et à la clarinette basse. Avec qui j’ai déjà sorti deux disques. C’est un vieux compagnon de route, super. Cool, créatif…

Alors les batteurs, vu que je n’en avais pas dans mes albums précédents, c’était un peu plus difficile. J’ai dû faire plusieurs essais avec des sons différents. Et donc avec Stéphane Adsuar au niveau de la création des grooves il a été une force de propositions, ce qui m’a convaincu et ça a très bien fonctionné, car il apporte quelque chose de très important dans la musique !

Et puis Olivier (Laisney) à la trompette ! Pour être honnête, j’avais eu d’abord dans l’idée de mêler saxophone & trombone.  Et j’ai finalement fait un essai avec un trompettiste… et je n’ai plus eu envie de changer !

Pas de trombonistes comme Zimmermann ou Koury ?

Si, si, j’ai fait une session avec Robinson Khoury. Ça fonctionnait très bien aussi, mais il est tellement pris ! Finalement avec Olivier Laisney ça a tout de suite marché et je n’ai plus eu envie de chercher plus loin.

Le nom de l’album nous a interpellés : « Arômes Complexes » ! Quelle est la raison, c’est l’art du vin ?

Oui tout à fait ! C’est en fait une description d’un vin que je commandais par internet pendant le confinement, un Bordeaux…. Et ces termes « Arômes complexes » m’ont interpellé. L’association des deux mots est jolie et sympathique. De là est né un morceau qui est dans l’album. Ce sont les sensations de ce morceau musical je pense.

D’ailleurs c’est comme ça qu’on a travaillé avec Pumpkin. Je choisissais les titres et elle s’appuyait sur l’idée comme une sorte de contrainte pour ses textes. Donc elle a écrit tout un texte sur le vin.

Autre question, est-ce que vous pouvez nous dire quelle est la part entre écriture et improvisation sur ce disque en particulier ?

C’est assez standard de ce côté-là. À part que l’on remplace parfois un solo par du rap.

Et donc forcément il y a moins d’improvisation, car les textes de rap sont écrits, ils sont réfléchis à l’avance, ils ne sont pas improvisés.

On ne scatte pas en rap ?

Si, il y a ce mouvement de free style comme dans le film sur Eminem, où ils se font des battles, ils se haranguent et s’insultent devant la foule… C’est sûr qu’il y a toute cette culture dans le rap. Un peu l’équivalent des jam sessions dans la musique. Mais on ne fait pas un disque avec ça… Et Cécile, ce n’est pas son truc. C’est quelqu’un dans la maîtrise de soi. Je la vois assez mal improviser des textes comme ça pendant un concert au Studio de l’Ermitage un 1er décembre…

Le fait aussi qu’il n’y ait pas d’instruments harmoniques fait que la musique repose sur des grilles d’accords un peu plus simples que dans mes albums précédents où la guitare était très présente. Les improvistions se font sur des grilles d’accords un peu plus simples. Et donc il y a peut-être un peu moins de parties improvisées à cause des interventions rap qui sont elles, écrites.

Un mot sur les dates des prochains concerts ?

Justement le concert de sortie de l’album comme nous venons de l’évoquer est le 1er décembre au Studio de l’Ermitage à Paris, ensuite la prochaine date est à l’Espace Jemmapes à Paris toujours, le 9 mars. (produit par Couleurs Jazz !).

Pour nous ce sera super car nous sortirons juste d’une résidence à Dunkerque, donc nous serons chauds comme la braise !

Jazz in Bagneux le 14 avril et le 15 avril « Auvers Jazz » à Auvers sur Oise. Puis le Gaume Jazz Festival, le 13 août en Belgique.

Le 8 avril nous serons à Jazz in Fougères

Et Jazz in Noyon, sans doute en octobre à Noyon dans l’Oise… A confirmer !

©Photos Gaby Sanchez pour Couleurs Jazz

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