« Some Like it Hot », le blog de Louis Victor
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Mardi 22 juillet. Le Mistral souffle vigoureusement depuis trois jours sur Marseille. Après une semaine de festivités ayant débuté par un concert gratuit de Dhafer Youssef au pied de l’incontournable Mucem, le Festival des Cinq Continents atteint ce soir son acmé en terme de programmation avec un duo de force 10 sur l’échelle du génial : Herbie Hancock & Wayne Shorter. De brèves présentations ? À ma gauche le pianiste le plus éclectique de l’histoire du jazz ayant devancé bon nombre de styles musicaux depuis les années 1970 ; à ma droite, le seul saxophoniste qui, du haut de ses 80 ans, s’impose toujours comme l’un des jazzmen les plus progressistes de la scène actuelle. Leur lien le plus fort ? Le second quintet de Miles Davis dans lequel ils ont tous deux officié… L’an dernier, Wayne Shorter rendait visite aux marseillais avec son quartet futuriste pour un concert dont on se souvient encore : quel bonheur, donc, de le retrouver cet été dans un autre contexte.
Au cœur des jardins du resplendissant Palais Longchamp, dans le 4e arrondissement de la Cité Phocéenne, Herbie Hancock, costard cintré, mouchoir de soie dans la poche, débarque avec son inimitable classe et son sourire toujours plus blanc. Wayne, comme à son habitude, reste plus austère, vêtu de noir. Sur scène, un piano à queue Fazioli, un synthétiseur et un sax soprano. Shorter ne jouera pas de ténor ce soir. Le concert débute sobrement. Moins abrasif que Danilo Perez (pianiste du quartet de Shorter), Herbie Hancock suggère des idées musicales minimalistes et emmène son camarade sur un terrain extrêmement lyrique. Explorant largement le registre des aigus, Wayne livre des phrases mélodiques d’une extraordinaire force spirituelle. Le duo prend instantanément la forme d’un dialogue improvisé. Un dialogue de sages. La musique respire et les ballades sont à l’honneur, en dehors de quelques interludes électroniques empruntant à l’esthétique des années « Rock’it »… Bientôt, la fin du concert approche. Shorter reste mutique, observe la foule avec attention. Herbie prend le micro, s’exprime brièvement sur la « complexité de notre monde », et livre le titre de ce qui sera le dernier morceau : « War Game », une ravissante complainte en hommage aux victimes de guerres, à celles du conflit israélo-palestinien, sans aucun doute.
Seconde partie de soirée. Bamako et la Havane s’imposent sur scène avec deux ambassadeurs de choix pour réveiller un public encore sonné par une prestation onirique. Côté Afrique, la merveilleuse Fatoumata Diawara ; côté Amérique Latine, le pianiste de ses dames Roberto Fonseca. Nouveau respectable duo, donc. La section rythmique est cubaine, les instruments à cordes viennent du Mali. Subjugué, l’on découvre Bah Sekou, guitariste funky slappant sa guitare sur des échelles pentatoniques, dans la tradition des griots électriques. Réjouissant et dansant sur la longueur, le concert se termine sur le seul titre enregistré en studio par Fonseca & Diawara : « Bibisa », énergique composition dont le thème reste en tête longtemps après les mesures de fin. À minuit passé, en quittant le Palais Longchamp, les spectateurs entonnent des airs d’Afrique de l’ouest, repensent au duo qui a ouvert la soirée, et constatent qu’ils viennent de passer l’un des plus beaux moments musicaux de l’été.
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