Sous l’égide du Brass Group et de l’Orchestra Jazz Siciliana, se déroulait à Palerme pour la première fois, l’Anteprime Festival, l’édition hivernale du festival d’été, qui fêtera en juin prochain, sa troisième édition.
Le jazz est bien sûr présent à Palerme depuis de très nombreuses années et les figures les plus importantes de la scène Jazz internationale y ont animé les soirées consacrées à cette musique actuelle sur l’île. Carla Bley, Ron Carter, Paolo Fresu… Pour n’en citer que quelques-uns.
Assez récemment, l’association The Brass Group a obtenu des autorités de la Région Sicilienne et de la ville de Palermo, un lieu dédié aux représentations Jazz, le Real Teatro Santa Cecilia. Un superbe club de Jazz qui jouxte une bibliothèque consacrée aux partitions et arrangements Jazz, un outil efficace pour les représentations, comme pour les répétitions.
C’est en quelque sorte la maison de l’Orchestra Jazz Siciliana, dans un lieu chargé d’Histoire.
Comment est né ce lieu unique ?
Luca Luzzo & Ignacio Garsia
Grâce au Président Ignacio Garsia, un homme on ne peut plus déterminé.
Il s’enchaîna en 2004, devant le théâtre et joua du piano Jazz tous les jours, pendant une semaine, afin que sa demande pour un lieu dédié enfin à la musique contemporaine, soit attribué à l’association qu’il présidait.
Non content de cette action spectaculaire, après avoir envoyé nombre de demandes restées sans réponses aux députés de la région (l’un des plus anciens parlements au monde, puisqu’il date de Frédéric II) il installa alors son piano devant ledit parlement jusqu’à ce qu’il obtienne gain de cause et qu’une loi soit enfin votée.
Sa revendication : que le Jazz au même titre que les autres musiques (opéra, musique classique et même arts dramatiques) dotées de leurs lieux propres depuis des lustres, possède lui-aussi un lieu dédié…
La Brass Group Fondation fut ainsi consacrée et acquit enfin, un lieu propre.
En effet, la spécificité de la création Jazz en Sicile, c’est l’énergie consacrée avant tout aux Big bands. Ainsi 5 conservatoires de l’Ile possèdent leurs propres formations Grands Formats : Conservatorio di Musica « Arcangelo Corelli », Conservatorio di Musica « Alessandro Scarlatti », Istituto di Studi Musicali « A. Toscanini »,Conservatorio di Musica « Antonio Scontrino », Istituto di Studi Musicali « Vincenzo Bellini », tous partenaires du Festival.
C’est également et en toute logique, la signature du Palermo Jazz Festival dont le chef d’orchestre Luca Luzzo est le directeur artistique.
L’idée dominante lors des différentes éditions du Sicilia Jazz festival, est d’inviter des stars du Jazz international (Christian McBride, Paolo Fresu, ou des vedettes de la musique populaire Italienne, en 2022).
Ces quelques jours passés à Palerme pour cette première édition hivernale du Festival furent ponctués de nombreuses belles surprises.
Samedi 21 janvier.
Arrivés sur l’île samedi après-midi, nous fumes invités à assister au concert en trio de la chanteuse, compositrice et pianiste, Janysett McPherson, le Jany McPherson Trio.
Cette charismatique artiste cubaine enflamma l’auditoire. Des solos au piano de très belle facture sur ses propres compositions, comme sur des reprises, en particulier une jolie et singulière interprétation des paroles de jacques Prévert sur une musique de Joseph Kosma rendu célèbre par Yves Montand, ou encore Frank Sinatra…. Et de nombreux autres artistes.« C’est une Chanson qui nous ressemble… » vous connaissez la suite.
©Photo Arturo di Vita
Cette célèbre mélodie, « Les Feuilles Mortes » s’intitule « Autumn Leaves » en américain (on ne parle pas de mots qui fâchent dans ce pays, pourtant si alerte avec le six coups) et ce soir-là, le morceau s’intitulait « In Your Arms ».
La rythmique était de haut niveau avec Tony Sgro à la contrebasse et un batteur bien connu de nos services, Yoann Serra.
Elégance dans la musique autant que dans la tenue, avec en particulier ces chaussures à hauts talons aiguilles rouges étincelantes. La salle du Real Teatro Santa Cecilia était toute à sa joie.
Quel plaisir de retrouver ce lieu quitté en été dernier, si convivial, à l’acoustique impeccable, avec toujours un public de passionnés !
Il me fallait bien aller jusqu’à Palerme pour rencontrer pour la première fois cette artiste résidant habituellement à Nice. Une belle découverte pour cette première soirée.
Dimanche 22 janvier
Palerme est une destination de choix toute l’année. Mais même au cœur de l’hiver froid et pluvieux, le soleil et le bleu du ciel sont tous les jours de sortie au moins quelques heures. Idéal pour visiter avec de meilleures conditions comparées à la canicule estivale, les places , ruelles et monuments aux styles tellement variés où se côtoient plusieurs civilisations, grecque, byzantine, musulmane, normands qui ont occupé l’île.
Virginia Turco, notre guide nous a montré nombre de secrets et de trésors cachés de sa ville.
La capitale regorgeant de tant de richesses et de lieux à fort intérêt qu’il serait vain dans cette rubrique de tous les répertorier. Suivez notre guide lors de votre prochaine visite !
Si l’on peut lier l’attrait touristique d’une telle ville à l’écoute de concerts de Jazz le soir… Que rêver de mieux ?
Notre lieu de ralliement, midi et soir pendant notre séjour, fut le « Buatta, Cucina Popolana » excellent accueil, décoration moderne, cuisine typique raffinée, excellents vins et bière artisanale à la pression pour satisfaire nos collègues nordiques. Parfait ! Nous recommandons vivement cette adresse, comme le Guide Michelin d’ailleurs….
Concert le soir au « Spasimo » (Chiesa di Santa Maria dello Spasimo) autre club de jazz de la capitale qui sert également de salle de répétition à la Fondation Brass Group.
Un autre lieu convivial à l’acoustique excellente. Un lieu idéal pour les jeunes formations comme ce sextet du chanteur crooner aux cordes vocales bien calibrées, Alessandro Visco et son TJ Quintet. Ils sont présentés par le Conservatoire de Ribera.
On peut reprocher un manque d’originalité, dans le répertoire, (réflexion de journalistes très gâtés) mais nous passons une fort agréable soirée à l’écoute de reprises de standards de Cole Porter ou Frank Sinatra… Nous sommes en Sicile tout de même.
Une interprétation de « Night & Day » fort crédible.
Bien aimé les chorus du jeune guitariste dont le nom est Roberto Sclafani et du saxophoniste Alessandro Scibetta.
L’avenir du jazz en Sicile se joue dans ces conservatoires.
Lundi 23 janvier
Après une deuxième visite de la ville avec Virginia notre guide, historienne de l’art et spécialiste du Moyen âge (diplômée de la Sorbonne de Paris, entre autres) trilingue, italien- français-anglais. Nous percevons que nous sommes clairement des privilégiés ! en pénétrant dans des lieux en dehors des circuits touristiques classiques comme ce Monastère de l’Eglise Sainte Catherine, un havre de paix en plein centre-ville, avec entre autres une pâtisserie tenue par des nonnes (qui pourrait retourner comme une tarte Tatin, l’athée le plus convaincu !… Mais là ce sont les canolo et autres cassata qui sont à l’honneur).
Le soir, nous ouvre ses portes le Golden Teatro de Palermo, le plus grand théâtre- cinéma privé de l’Ile (environ 1 000 places assises), datant des années 50, pour écouter le Sicilian Jazz Orchestra avec en invitée vedette, Malika Ayane, chanteuse pop-soul italo-marocaine.
©Photo Arturo Di Vita
La recette fonctionne avant même la première note. Le public remplit quasiment le théâtre.
Les Siciliens connaissent cette vedette venue de la botte. Les téléphones sont allumés en très grand nombre pour filmer les tubes interprétés de façon très professionnelle par cette artiste visiblement reconnue dans son pays.
L’acoustique est excellente, bien que le volume soit excessif, (c’est le côté pop-variété qui sans doute l’exige). C’est de toute évidence l’esthétique choisie pour ce concert.
En parlant d’esthétique, l’artiste, madame Ayane est tout simplement resplendissante dans cette robe noire au tissu souple qui met parfaitement en avant ses mouvements sur la scène. Ses immenses talons-aiguilles et sa coiffure tressée sont une merveille pour les yeux. Malika Ayane bénéficie d’un charme fou et d’un fort charisme, agissant efficacement sur un public déjà acquis à sa cause ; on ne peut bouder notre plaisir. D’autant plus que les arrangements du « Brass » petit diminutif du Sicilia Jazz Orchestra sont à la manœuvre et de fort belle manière, conduits par le maestro chef d’Orchestre, Domenico Riina.
Les thèmes sont pour la plupart des reprises du répertoire pop de l’artiste, à la voix légèrement voilée, presque rauque. A noter les chorus de la saxophoniste soprano Carla Restivo, ainsi que ceux de Gaspare Palazzolo et la prestation du trio de chœur, Antonella Schiro, Valentina Migliore et Manfredi Messina.
Un concert finalement dans l’air du temps, c’est à dire un jazz popisant, pour amener un public large, aux subtilités de la plus savante des musiques populaires ou simplement pour inciter le public à se rendre dans les festivals pour écouter de la musique ? Pour ce second but, c’est une total succès.
Mardi 24 janvier
Grâce aux partenaires du Festival, la Valle dei Templi et la Costa del Mito, nous aurons droit à une spectaculaire escapade au sud de l’Île pour visiter le site archéologique de Selinunte
Érigé sur une haute plaine, surplombant la mer, le lieu est vraiment grandiose. Vous pourrez y découvrir les vestiges et les ruines des temples, l’Acropole et l’Agora. On ne peut qu’imaginer sa splendeur passée !
Avec la vallée des temples d’Agrigente que mes camarades journalistes ont pu vister le lendemain, et si vous êtes amateur d’histoire, les temples de Selinunte font partie des sites incontournables à voir en Sicile.
Après la culture, la nourriture… et une surprise dans le village de Castelvetrano et le petit port de pêcheurs de Marinella.
Les pêcheurs nous attendent avec des mets dignes des dieux de l’antique et un accueil tout sicilien. Leur pain au blé noir est d’une saveur exquise avec le ricotta, les sardines façon anchois et les olives concassées.
Nous déjeunerons ensuite à Menfi, à la Vinoteca Maharia dans ce village de vignerons, comme un passage obligé sur la Route des Vins. Là encore accueil et découverte des vins et des mets locaux.
Cette visite nous rappelle que les festivals de jazz, sont comme les vins, des produits régionaux, non exportables. Ils sont ancrés fortement dans un territoire, le leur.
Dans notre media, nous défendons depuis toujours cette idée que le jazz n’est pas seulement la plus élaborée des musiques actuelles et populaires, c’est également un art de vivre, une façon d’être.
Les organisateurs du Sicilia Jazz Festival et leurs partenaires locaux l’ont parfaitement intégré dans leur approche.
Pour mon dernier soir au Festival, nous retournons dans ce magnifique Teatro Santa Cecilia, pour assiter au Symphony Jazz Orchestra Show. Sur une pièce créée avec comme thème principal : « La Suite Dei Templi « par l’Orchestra Jazz e Sinfonia, ce qui donne encore plus de sens aux visites organisées dans ces impressionnants sites archéologiques.
L’œuvre, une sorte d’opéra Jazz symphonique et de voyage « musical » dans la grande Histoire de la « Costa del Mito » est signée du Toscanini Conservatory de Ribera- Agrigento.
Un nouveau concept symphonique pour une Formation Orchestrale de conception moderne, impliquant tous les départements du Conservatoire, Classique, Jazz et Pop rock sous la Direction Artistique du Professeur Mariangela Longo, la Direction de Production du Professeur Simone Piraino et la supervision du Directeur du Conservatoire, le Professeur Riccardo Ferrara.
La quarantaine de musiciens remplissaient complètement la scène du Santa Cecilia et véritablement ce fut le plus formidable concert de notre séjour. Difficile d’imaginer que ces jeunes musiciens étaient des élèves et non encore des musiciens professionnels aguerris. Mais « Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années » selon notre dramaturge Pierre Corneille.
Magnifique concert, autant par l’originalité que par la qualité de l’ensemble du big band et des solistes dirigés de main de maître par le chef d’orchestre Alberto Maniaci. Passion et enthousiasme communiquant caractérisaient sa conduite pleine de fougue.
Cette suite en 7 mouvements dont chacun porte le nom d’un des temples aux dieux de l’Olympe, sont l’œuvre de différents compositeurs et l’ensemble est au final parfaitement cohérent.
En fond de scène, sur un grand écran, étaient projetées des images des temples de la vallée où l’on pouvait apercevoir des représentations jazz qui avaient eu lieu dans un passé proche.
Les pièces sont extrêmement travaillées et contiennent nombre de somptueuses fulgurances et des chorus de haute qualité, principalement ceux de l’impressionnant trompettiste Giacomo Tantillo quelquefois en duo avec l’excellent Salvatore Sciarratta au trombone.
Des pointes de fusion rock de bon aloi étaient distillées en particulier à travers la guitare électrique de Felice Amodio.
Les voix étaient celles d’Ernesto Marciante, Maria Concetta Maggio et Valeria Milazzo
Cette heure et demi virevoltante et intense est passée à une vitesse incroyable, tellement il se passait d’événements sur la scène. On en redemande ! Deux ou trois rappels furent d’ailleurs nécessaires pour mettre fin à ce concert.
Une telle création mériterait de partir en tournée à travers le monde. Mais évidemment il n’est pas facile de faire voyager un tel groupe.
Il faut donc vous rendre, mélomanes voyageurs, lectrices assidues de Couleurs Jazz Media à Palerme l’été prochain pour avoir la chance d’écouter ces différentes grandes formations.
Nous formulons le souhait que cette extraordinaire machine à créer du jazz que ce Brass in Jazz, continue à produire de grands ensembles, ce n’est pas la voie la plus facile.
C’est le prix à payer, et cela en vaut la peine…
Nous ne saurions que trop suggérer de produire, lors de ces nombreux concerts se déroulant pendant le Festival, de produire des Cds live. Cela reste le meilleur support de diffusion de la musique jazz. A ce propos, Couleurs Jazz Radio s’engage à diffuser ces albums albums à venir dans les 160 pays où cette radio est écoutée par plus d’un million d’auditeurs uniques.
Pour finir et vous donner encore plus l’envie d’organiser le début de votre été 2023, on peut dévoiler que Marcus Millerjouera le 23 juin prochain avec l’Orchestra Jazz Siciliana au Palazzo Steri, Gregory Porter sera au Théâtre de Verdure, le 26 juin et le 2 juillet le Big Band invitera The Manhattan Transfer, toujours dans le Teatro di Verdura que nous vous avons décrit en juin dernier, lors de l’édition 2022.
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