Rémi Panossian Trio (RP3) publie en 2020 son cinquième album “In Odd We Trust” chez Add Fiction / L’Autre Distribution, enregistré à Toulouse au studio Elixir.
RP3 est un trio formé par Rémi Panossian avec le contrebassiste Maxime Delporte et le batteur Frédéric Petitprez, qui propose un jazz ouvert à de nouveaux horizons, à l’énergie fédératrice et au groove contagieux.
De l’aspect déluré de « Seven Hills » au côté plus sombre de « Vengeance Tardive », il y en a pour tous les goûts dans cet album en forme de manifeste.
En marge de titres post-modernes dont le discours parle pour lui-même « After Van Gogh », le trio possède désormais une cohésion qui est la seule véritable condition de possibilité des grands trios de l’histoire. Pour preuve, l’idée d’enregistrer tous ensemble dans une même pièce, à l’ancienne, seule façon d’éprouver la solidité d’une formation avec laquelle le jazz français doit désormais compter.
La multiplication des concerts au fil du temps s’entend distinctement, de même qu’une complicité acquise au gré d’expériences de vie qu’on devine denses et significatives. Michel Petrucciani demeure l’expérience fondatrice de la vision de Rémi Panossian. Cela s’entend, par exemple, sur « Dr Vincent » que le groove et les variations de tempo rendent difficiles de lecture, mais qui parle instantanément aux sens. Il faut dire que Maxime Delporte (contrebasse) et Frédéric Petiprez (batterie) jouent avec le pianiste depuis 2009 et qu’il s’agit donc véritablement d’un enregistrement anniversaire, sans doute leur plus belle œuvre, la plus aboutie en tout cas.
L’aspect intimiste et romanesque de « Bye Bye Tristesse » tente de circonvenir le caractère débridé des situations rythmiques, et on sent que le trio regarde toujours dans plusieurs directions en mitonnant une cuisine musicale désormais très personnelle.
Sur ce disque, l’aspect résolument acoustique du son, la maîtrise instrumentale, la passion pour les grands ensembles fondateurs qui transparait dans des arrangements très orchestraux, achèvent pourtant de persuader qu’il s’agit bien de jazz millésimé et sincère, loin de toute fusion entre plusieurs styles disparates.
Il y a certes un côté très écrit et occidental dans cette musique, quoique l’improvisation soit reine dès qu’il s’agit de laisser les énergies se combiner pour constituer plus que la somme des parties.
On sent d’ailleurs que ces passages improvisés doivent être intégrés aux morceaux quand le groupe s’avise de leur pertinence « Think One Thing And Sing ».
Souvent rapproché d’EST ou de formations comme Bad Plus, ce jazz-là évoquerait plutôt Bill Evans dans l’esprit, moins pour le phrasé pianistique que pour la poésie et l’inventivité « Junkie Babies ». Bien sûr l’aspect ludique, le solo de percussions et la fin tronquée de « Le Clou et la Panthère » s’opposent assez nettement aux éclairs vaporeux et à la fluidité de « Walking Trees » et « Wind Memories ». Mais ce qui domine les tentatives très fructueuses du trio, c’est moins une mosaïque d’influences qu’une sorte de prescience de ce qui constitue l’essence même d’un jazz européen ancré dans la tradition et paradoxalement ouvert à toutes les énergies volatiles du temps qui passe et de la modernité.
Bref, il y en a qui ont tout compris, et comme pour tout art authentique, il nous faut prendre ce train en marche pour le pur plaisir du voyage, sans souci de destination ou d’intention.
Interprètes :
Rémi Panossian : Piano
Maxime Delporte : contrebasse
Frédéric Petitprez : Batterie
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