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L’arrivée à Paris en 1951 du guitariste américain Jimmy Gourley (1926-2008) a fait souffler un vent de fraîcheur sur la scène hexagonale du jazz alors déchirée par la lutte intestine opposant le clan des « raisins aigres » rassemblant les partisans du bebop, à celui des « figues moisies » groupant les tenants d’un classicisme intransigeant.

Son mérite fut de dépasser ce débat stérile en révélant aux musiciens français l’existence d’une troisième approche exprimée en ces termes par le pianiste Henri Renaud : « Il nous fit découvrir ce que quatre années de guerre ne nous avaient pas permis d’imaginer : la place et le rôle majeur de Lester Young et de Charlie Christian dans la création du jazz moderne. » 

L’importance de Jimmy Gourley est mise en avant par une opportune sélection de son œuvre discographique proposée par les trois Cds du coffret intitulé « Un Américain à Paris, 1951-2002 » dont la direction artistique a été confiée à Jean-Paul Ricard et Jean Buzelin.

On l’entend avec le gratin du jazz français de l’époque (Pierre Michelot, Benny Vasseur, Jean-Louis Chautemps, Jean-Louis Viale et l’omniprésent Henri Renaud) accompagner, lors des séances Saturne et Vogue, d’éminents compatriotes de passage à Paris comme Clifford Brown, Gigi Gryce, Roy Haynes et Bob Brookmeyer (Cd 1). Ce niveau d’excellence se retrouve dans ses faces Argo gravées dans le milieu des années 50 aux côtés de Sandy Mosse et Chubby Jackson, lors d’un séjour aux États-Unis (Cd 2).   

De retour en France, Jimmy Gourley participe en 1959 à la dernière séance de Lester Young, qualifiée par Pascal Anquetil de « désolant désastre ou sublime chant du cygne », et enregistre avec Kenny Clarke, Jean-Marie Ingrand etLou Bennett le célébrissime album « Amen » (1960) dont le succès lui vaudra de se produire dans toute l’Europe.

Au cours des décennies suivantes, sortent deux disques produits sous son nom : « Jimmy and the Paris Heavyweights » (Futura, 1972) qui ne sera publié qu’en 1984 sous l’étiquette Elabeth, et « Graffitti » (Promophone, 1976). Viendront ensuite les albums avec René Urtreger, Eddy Louiss (1972), Henri Texier, Daniel Humair (1981), Marc Johnson, Philippe Combelle (1983), André Villéger (1995) et son fils Sean (2002) qui le montrent à son avantage (Cd 3).

L’ensemble de ces faces révèle l’élégance de son jeu de guitare campé dans la tradition Charlie Christian/Jimmy Raney, son sens de la note juste et un refus constant de céder à la facilité*. Ces qualités lui vaudront de figurer en bonne place dans l’ouvrage de Norman Mongan intitulé « The History of The Guitar in Jazz » (Oak Publications, 1983).       

Ces enregistrements constituent l’illustration sonore de sa biographie écrite par son épouse Rolande Hugard-Gourley.

S’y trouve une présentation chronologique et minutieuse des épisodes les plus marquants de sa carrière, le tout étayé par des photos, des dessins, des articles publiés dans des revues spécialisées (Jazz Hot et Jazz Magazine), les témoignages de ses collègues et une correspondance avec ses proches d’un grand intérêt.

On y croise, au hasard des rencontres, Henri Renaud qui lui ouvrira les portes des clubs parisiens, Lou Levy le complice de toujours et l’auteur de lettres pleines d’humour, Stan Getz, Zoot Sims, Dexter Gordon, Christian Escoudé, Félix Lemerle mais aussi Line Renaud et Nicoletta.

Ces deux réalisations de la maison Frémeaux & Associés constituent un hommage bienvenu au talent d’un grand guitariste.

Jimmy Gourley, « Un Américain à Paris, 1951-2002 »

 Coffret de trois CDs Frémeaux et Associés FA5901       

« Un Américain à Paris  » de Rolande Hugard-Gourley,

Éditions Frémeaux & Associés, 2025, 235 pages

  

* Signalons que la discographie complète de Jimmy Gourley établie par Christian Oestreicher est disponible à l’adresse suivante : https://guitardiscography.com/jimmy-gourley-bebop-guitarist/.

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