Hugo Corbin est un jeune guitariste au son et à l’attitude résolument ancrés dans leur époque. Ce premier album en tant que leader est l’occasion de donner vie à un univers nourri de rencontres, de voyages, et d’un imaginaire cinématographique transmué en valeur musicale à part entière.
Entouré de Marc Buronfosse à la basse, Srdjan Ivanovic à la batterie, et Adrien Sanchez au saxophone ténor, son œuvre se situe dans le prolongement d’une esthétique popularisée par le label ECM, soit une image sonore limpide, un sens certain de l’espace et de la respiration, assortis d’une certaine réserve émotionnelle propice à la distanciation. Comme nombre de guitaristes dudit label, Hugo Corbin passe d’un morceau à l’autre d’un son électrique à des tonalités plus acoustiques, ce qui évite toute monotonie à l’écoute du CD. Dès Arquipelago , le brouillard ouaté généré par la reverb’ de la guitare d’Hugo pose le décor d’un monde ouvert, méditatif et spirituel.
D’une façon générale, les titres où le guitariste dialogue librement avec le saxophone d’Adrian Sanchez se démarquent assez nettement de ceux où le leader demeure seul maître du discours mélodique.
Melancholia’s Path fait référence au film éponyme de Lars Von Trier, l’univers ludique des deux solistes mettant en exergue ce seuil mélancolique conjuré par autant de thèmes mélodiques joués soit à l’unisson, soit en single note.
Train to Busan, issu d’un probable séjour en Corée appartient à la veine la plus personnelle et intimiste du compositeur. Il abrite par ailleurs un des plus beaux soli de guitare du disque. Le saxophone déploie peu à peu ses ailes sur un titre dont le lent déploiement s’apparente à celui en vigueur dans le rock progressif.
The Runner, de par son atmosphère laid-back, est tout sauf une évocation du rythme propre à la course, toute référence cinématographique mise à part, tandis que « Northern Sky » respecterait plutôt l’atmosphère et les émotions ressenties lorsqu’on se trouve face au septentrion du cercle polaire.
L’univers du Pat Metheny Group, avec sa culture du voyage, est inscrit en filigranes de ces paysages lunaires, tantôt arides et désolés, tantôt chaleureux et luxuriants. Une sorte de navigation musicale circumpolaire s’avère nécessaire pour synthétiser ces apports culturels entre différentes parties du monde, cristallisés par autant de sensibilités singulières.
Fargo est un décalque métaphysique du film des frères Cohen, avec une réplique du sentiment de torpeur dans lequel s’empêtrent les personnages d’un film qui n’a de policier que le nom.
A la Nuit Tombée passe, quant à lui, des brisées de Ralph Towner à celles de John Abercrombie, un bûcher de guitares saturées où la basse de Marc Buronfosse se taille la part du lion. C’est sans doute le morceau le plus sombre de l’album, avec des harmonies aventureuses qui renforcent par contraste l’atmosphère apaisée de Sea at Dawn, conclusion ouverte sur la faconde voyageuse et cinématique de l’œuvre.
Un premier disque au riche contenu émotionnel.
A écouter sans plus tarder :
Inner Roads et un album Coolabel
©Photos Ojo del Gato
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