Sol, la, si, do, ré ! Souvenez-vous, ces cinq petites notes magiques jouées par une flute de Pan qui marquent les épisodes des aventures de Tamino et Pamina, Papageno et Papagena …
Il y a un peu de cela dans le voyage charmeur auquel nous convie Émilie Calmé (flûtes, bansouri), en compagnie d’Alain Jean-Marie (piano), Gilles Naturel (contrebasse), Lukmill Perez (batterie) et Laurent Maur (harmonica).
Son jeu de flûte est renversant, évoquant tour à tour la sensualité, la mélancolie, l’énergie ou la nonchalance, avec toujours ce voile poétique énigmatique, au pouvoir suggestif ouvrant à de multiples écoutes, au gré de standards transmués : du Song of Delilah d’introduction (qu’écrivirent jadis Les Reed et Barry Mason pour Tom Jones en 1968) au Naima de clôture (dans un duo flûte/harmonica que Trane ne renierait pas), en passant par des jalons incontournables, les Celia’ de Bud, Little Niles de Randy, et autre Like Someone in Love (composé en 1944 par Jimmy Van Heusen pour Dinah Shore dans le film Belle of the Yukon, et joué ici en solo, s’il vous plait), ou Indifférence de Tony Murena, (en duo avec Laurent Maur), etc.
Il y a dans cet album tout ce que l’on aime chez ces artistes : de l’âme, de la musicalité, de l’écoute, de l’intelligence, et ce rapport filial aux standards, qui sont les racines du jazz, portent son histoire et ouvrent la voie à tous les possibles. Voici ce qu’en dit Gilles Naturel, son contrebassiste dans cet album : « Emilie ? Un grand sourire lumineux ! Sa personnalité confiante et sa joie de jouer est communicative. Les musiciens et le public le ressentent immédiatement. Son travail sur le bansuri et sur la flûte classique lui donne un son unique. La confiance et la sérénité avec lesquelles elle travaille ainsi que son humilité lui ont permis d’atteindre une calme virtuosité. La rapidité avec laquelle elle s’est mise à l’improvisation jazz est stupéfiante, en quelques années elle parvient, sans effort apparent, a improviser sur les thème les plus difficiles. Loin de toute démonstration elle joue avec transparence et avec une simplicité désarmante. C’est un grand plaisir d’accompagner Émilie qui est toujours à l’écoute, dans l’interaction et qui n’oublie jamais la légèreté qu’il faut pour jouer avec profondeur ».
Sa rencontre avec Laurent Maur a été déterminante, tous les deux se sont bien trouvés. Ils nous font partager leur amour qui semble fusionner avec celui de la musique.
Retracer l’itinéraire d’Émilie relève de la gageure, tant il est touffu, de l’apprentissage familial précoce à la flûte et aux percussions aux études théoriques tardives (aux Universités de Bordeaux et d’Agen), avec de multiples étapes musicologiques (harmonie, flûte classique et contemporaine, jazz, musiques du monde … ), géographiques (Turquie, Chine, Inde, Mongolie, Corée, Europe centrale, Amérique du Sud), et des compagnonnages improbables, dont ce superbe alliage « Flute-Harmonica » avec Laurent Maur initié en 2009, pour lequel tous deux ont peaufiné une palette unique de timbres et de couleurs, dont ils sont à notre connaissance les inventeurs et seuls détenteurs.
On ne présente plus Alain Jean-Marie : l’homme, son humour, l’artiste aux mille doigts, le pianiste au son incomparable, l’encyclopédiste des jazz, de la biguine… Une légende en marche !
Dans ce contexte très particulier où l’instrument soliste possède un faible flux sonore, (surtout pour la flûte alto et le bansouri), l’accompagnement rythmique relève de la caresse ! Gilles Naturel et Lukmil Perez y déploient les trésors de finesse, d’écoute et d’élégance, qui confèrent un parfait équilibre à l’assise de l’ensemble.
Laurent Maur, quant à lui, est l’un des secrets les mieux gardés du jazz français ! C’est l’homme d’un instrument ; après un éveil mâtiné de blues et de rock (Peter Kingsbery, Mighty Sam Mac Laine …), il découvre le jazz vers le milieu des années 90, Toots Thielemans et le C.I.M, est le double lauréat du concours international d’harmonica de Trossingen (Allemagne), en 2001, dans les catégories chromatique libre et jazz chromatique, avant d’intégrer le C.M.D.L. de Didier Lockwood (2004) et de sillonner le monde, d’est en ouest et retour, en multipliant lui aussi les expériences….
INDISPENSABLE ! … Et Hit Couleurs Jazz.
©Photo Anaïs Oudart.
*Émilie Calmé, ‘FLUTE POESIE’. Sortie le 29 mars 2019. CONTINUO JAZZ – CC777812.
Concert à suivre le mardi 21 mai au Sunside.
Toujours dans les bacs :
YOUPI 4tet, ‘No Man’s Land’. 2018. InOuïe Distribution.
©Photo Header, Christophe Maroye
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