Skip to main content
Michel Godard est un musicien singulier. Une de ses caractéristiques — dont il n’est clairement pas responsable — est qu’il joue et enregistre beaucoup plus à l’étranger qu’en France.

L’Allemagne et l’Italie sont ses principaux fiefs et il est loin d’être un inconnu dans les Balkans. Cela tient sans doute au fait que, non content d’être un poly-instrumentiste éclectique (tuba, serpent & basse électrique) il navigue allègrement entre jazz, musiques métissées et musique ancienne, du Moyen-Âge à nos jours. Dans un Hexagone assez cartésien qui aime bien mettre les choses et les gens dans des boites plus ou moins hermétiques, cette polyvalence et cette ouverture ne semblent pas bienvenues.

Tant pis pour les auditeurs français qui n’auront guère eu l’occasion de découvrir Godard au sein de son quartet Tuba Tuba (deux tubas, accordéon et percussion), du groupe qu’il a formé avec le bassiste électrique américain Steve Swallow et des instrumentistes baroques, de son duo avec le batteur-percussionniste italien Francesco D’Auria ou avec le joueur d’oud égyptien Ihab Radwan, du groupe européen Cousins Germains avec des musiciens allemands et autrichiens, et j’en passe…

Pour en arriver au présent CD, le dernier de Godard, enregistré en février 2023, on ne peut qu’espérer qu’il séduira les programmateurs de clubs, de salles et de festivals français, car la musique qu’il propose est magnifique.

Il faut dire que la partenaire de Godard dans ce duo n’est pas n’importe qui : la vocaliste italienne Cristina Zavalloni est une des grandes voix du jazz transalpin et, comme le souffleur français qui l’accompagne, elle ne se limite pas au jazz-jazz mais va fréquemment fureter dans les marges de l’idiome ternaire.

Zavalloni c’est d’abord une voix !

Cela semble évident pour une chanteuse mais celle-ci possède une palette d’expression particulièrement large et impressionnante. Une tessiture éblouissante, pour commencer : des growls les plus graves aux pépiements d’oiseaux dans l’aigu. Une souplesse de phrasé, ensuite, qui l’autorise aussi bien à se lancer dans les improvisations les plus débridées qu’à aborder une ballade pianissimo ou à entonner un scat aventureux aux contrastes de hauteur et de dynamique bluffants. Un placement rythmique vertigineux, pour finir, qui lui permet d’oser toutes les audaces.

Godard et Zavalloni (qui se connaissent de longue date mais n’avaient jamais encore enregistré ensemble) se sont clairement trouvés et leur duo relève véritablement de la magie.

En effet le tuba et le serpent de Godard possèdent des qualités éminemment vocales et il ne se contente pas d’assurer une pulsation dans les graves en soutien de sa partenaire. Non : Godard chante avec ses deux instruments et les sonorités qu’il en tire sont parfois inouïes.

Ce sont donc deux magiciens qui se sont rencontrés, et si l’attirance de Godard pour les voix féminines italiennes ne date pas d’hier (il a collaboré dans le passé avec Linda Bsiri, son ex-épouse, et avec l’extraordinaire vocaliste Lucilla Galeazzi), on peut espérer que ce nouveau duo de rêve durera longtemps et traversera les Alpes en direction de notre bon vieux pays.

Musiciens :

Cristina Zavalloni : voix

Michel Godard : tuba, serpent

Twisted a été produit par Encore Music et est sorti le 2 juin 2023.

©Photos Barbara Rigon

Laisser un commentaire